(THÈME MUSICAL)   PRÉSENTATION Dans le dernier épisode.    JOURNALISTE Le bateau du pêcheur perdu en mer plus tôt cette semaine, dans la baie de Sept-Îles, a été retrouvé ce matin. SERGE GALIENNE Quand y’on acheté les droits de pêche y’ont pu faire ce qu’ils voulaient pis y’ont fait des expériences, de grosses expériences.    BIOLOGISTE Après, d'autres personnes ont continué à disparaître, en tout, peut-être une dizaine de personnes. Qui ont d’ailleurs à ma connaissance, jamais été retrouvées.  PRÉSENTATION Huitième île, un documentaire de science-fiction nord-côtier, épisode 3.    BIOLOGISTE Moi au début, je pensais juste que les gens avaient profité de la cohue générale pour partir parce que y’étaient pas d’accord avec les pratiques de l’armée. C’est quand nos supérieurs ont commencé à mentir aux familles des disparus en leur disant qu’ils étaient morts en mer pendant une opération de sauvetage que j’ai commencé à dire qu’on nous cachait quelque chose. Pis, environ deux semaines après le tremblement de terre, on nous a annoncé que les recherches prenaient fin et qu’on devait rentrer chez nous.    NARRATION Y’ont fermé la base en seulement deux semaines! 4 ans d’expérience, probablement des millions de dollars de fonctionnement. Pis deux semaines après, ils mettent la clé dans porte?!  Me semble ça fait pas de sens. Ce soir-là, Doris est allée boire un verre chez des amies sur la base militaire de Moisie, à quelques kilomètres de Matamec. À la fin de la soirée, vers 2-3 heures du matin, en marchant vers sa voiture, elle a vu quelque chose de bizarre.   BIOLOGISTE J’ai vu mon lieutenant entrer, par ce qu’on aurait dit une bouche d’égout.   (NOTES DRAMATIQUES)   NARRATION Sans réfléchir, Doris décide de le suivre.   BIOLOGISTE La bouche d’égout était ouverte et il y avait une échelle et de la lumière en bas. Je sais pas ce qui m’a prise, mais je suis descendue en dedans. (NOTES DRAMATIQUES) BIOLOGISTE Y avait une porte vitrée qui donnait sur un long tunnel. Au bout du tunnel, y’avait une autre porte. On aurait dit la porte d’un bunker nucléaire comme y'en avait beaucoup à cette époque-là. J’ai juste eu le temps de voir le lieutenant refermer la porte. Pendant toutes ces années-là, j’ai essayé de me convaincre que ce que j’avais vécu là, je l’avais hallucinée, mais avec les événements des derniers jours…j’ai l’impression que tout ça, finalement c’est peut-être lié. C’est pour ça que j’ai accepté de briser le silence pis de répondre à vos questions.    (MUSIQUE)   ENTRÉE DE JOURNAL - ÉLOÏSE Moisie, 10 juillet, 11h30. Toujours 23 degrés Celsius, le taux d’humidité est rendu à 40%. Vent à 14 km/h venant de l’Ouest. Là, j'suis sur la base militaire de Moisie et je m’en vais chez Steve Dubreuil, un anthropologue qui reste sur la base et qui va pouvoir me parler un peu plus de ces fameux bunkers.    STEVE DUBREUIL La base avait son propre emblême si on veut. Un œil, un œil d’aigle qui surplombe une mer parsemée de sept points pour sept îles avec une devise en latin qui veut dire «voir sans être vu». La couronne royale et les feuilles d’érable qui encadre le tout. NARRATION Pis de là, on part à pied, visiter la base de Moisie.  STEVE DUBREUIL De la tôle, des bâtiments bas, un peu défraîchis dans certains coins. À notre droite, on a deux grands hangars en demi-cylindre tout vert, très long avec de grandes portes blanches. On sent qu’il s’est passé des choses y’a déjà un bon bout de temps. Pour certaines personnes, y’a un petit côté inquiétant.    NARRATION Voire même très inquiétant. Steve m’explique qu’avant, à l’embouchure de la rivière Moisie, il y avait un site traditionnel innu. Chaque été, les communautés innues s’y retrouvaient pour pêcher. Mais au tournant des années 50, la Guerre froide est déclenchée. Là, par peur d’une attaque nucléaire de l’URSS, le Canada et les États-Unis vont installer des bases militaires tout le long de la Côte-Est du continent. On en construit une à Sept-Îles à quelques centaines de mètres du village d’été des Innus de la région.  STEVE DUBREUIL On va retrouver à peu près 200 militaires ici. Leur rôle à eux, c’est d’assurer une surveillance aérienne et c’est ce qui explique la construction d'énormes radars sur le territoire de la base. Cette base-là va durer une trentaine d’années. On va la fermer définitivement autour de 1985.    ÉLOÏSE Là on est sur quelle rue ?   STEVE DUBREUIL Là on quitte la rue Nouveau-Québec et on tourne sur la rue Golfe-du-St-Laurent qui est la rue Principale, qui traverse toute la base. Puis si on reculait d’une quarantaine d’années, droit devant nos yeux, tout au bout, on verrait les trois énormes radars qui étaient installés à l’extrémité est de la base, vraiment en surplomb de la rivière moisie.    ÉLOÏSE Est-ce que vous êtes au courant de toute l’histoire des bunkers, est-ce que c’est documenté ça?    STEVE DUBREUIL Ce que je sais des bunkers, de façon pratique, c’est que sur la base y’a une rue où vivaient les hauts gradés, c’est la rue des maisons à étages, pour ne pas la nommer, c’est la rue de la Baie-d’Ungava. J’ai déjà possédé une maison sur cette rue-là et effectivement au sous-sol y’a un tout petit bunker. Et je crois que c’était propre à toutes ces maisons-là. Y’avait un plan en cas d'attaque, en cas d’alerte, les soldats dans les unités, les bachelors ou les unités de célibataire si on veut, devaient rejoindre une adresse pour se réfugier dans le bunker. À savoir l’existence de bunkers plus vastes sur la base, mais à mon avis dans le contexte de l’époque, ça aurait très bien pu se justifier.    ENTRÉE DE JOURNAL - ÉLOÏSE Toujours à Moisie, 10 juillet, 14h. Température extérieure 29  degrés Celsius, 44 % d’humidité, vent de douze km/h venant de l’est. Là, je viens d’aller reconduire Steve chez lui et j'me trouve devant l’ancienne chapelle de la base qui a été reconvertie en centre d’arts. Steve m’a dit que Johanne Roussy, une artiste d’ici, aurait des informations à propos des bunkers sous la base et sur l’implication de l’armée dans tout ça.    JOHANNE Quand j’amenais des gens hypersensibles ici, les gens me disaient « ah c’est dont ben lourd l’ambiance ici, y’a dont ben une drôle d’ambiance ». Les gens se racontent des histoires aussi sur ici. Sur les fameux corridors…   ÉLOÏSE C’est quoi les corridors, c’est quoi les histoires qui se racontent?    JOHANNE La chapelle où je suis, ce que je trouve étrange, c'est que, c'est à peu près huit pieds de slab de béton sur lequel ça a été construit. Y’a un trou d’homme en arrière. Ya pu possibilité de pouvoir descendre dans aucun des trous. Parce que ça a été toute cimenté après. Y’avait un trou où est-ce qu'y'a la piscine, y’avait un trou ici, les autres trous d’homme, on les connaît pas là, mais partout où y’avait des entrées ont été cimentées pour pas qu’on puisse rentrer, parce qu’on pouvait rentrer par la piscine. (TRANSITION MUSICALE) ÉLOÏSE On, on va aller voir le trou d'homme, dont elle nous a parlé.   JOHANNE C’est un matin, c’était ouvert, regarde c’est là, c'est juste là.    ÉLOÏSE Vous êtes arrivée et c’était déjà ouvert?    JOHANNE C’était comme ça, ouais ÉLOÏSE Et ça, ça mène à un bunker ?    JOHANNE Ben moi je pense que ça mène au bunker en dessous de la chapelle. Je pense. ÉLOÏSE Pis ça, y'a du ciment coulé dedans? JOHANNE Ben oui, on va essayer de, tiens prend un crowbar, moi je vais prendre l’autre. Sans m'écraser les orteils. (BRUITS DE CROWBAR) Pis là tu vois icitte, c’est un trou d’homme pis eux autres ils descendaient là. Pis là y'a les écoulements d'eau là, qui continue pareil, mais ça a été cimenté très bien, tu vois c’est pas du ciment des années 60, c’est du ciment des années 80. (BRUITS DE CROWBAR POUR FERMER LA BOUCHE D'ÉGOÛT) NARRATION Avant de partir, j’aide Johanne à rentrer du bois de chauffage. Pis après avoir passé plusieurs heures avec elle, j’ose lui poser une question un peu plus délicate.  ÉLOÏSE Est-ce-vous vous avez déjà vu des phénomènes sur la base ou dans les alentours?  JOHANNE Heee….oh ben oui oui, c’est tu l’oeil de Sept-Îles qu’ils appelaient ça ou en tout cas... NARRATION Elle commence à me parler d’une rumeur qui concernerait un oeil magnétique qui se trouve dans la baie, pas mal à l’endroit où est apparue l’île.  JOHANNE T’es à l’est de l’île du Corossol, je pense, à l'est ou au sud-est si j'me trompe pas. NARRATION Selon elle, c’est peut-être là que se trouve la réponse à toutes mes questions.     (THÈME MUSICAL) NARRATION - GÉNÉRIQUE Huitième île a été réalisé, scénarisé et monté par moi, Éloïse Demers-Pinard. Avec l'aide à la prise de son et à la scénarisation de Nicolas Lachapelle et avec le mentorat du scénariste Louis Saint-Pierre. Le projet n'aurait pas pu se faire sans la participation et la collaboration de Caroline Côté, Steve Jomphe, Steve Dubreuil et de Nicolas Lachapelle dans le rôle du journaliste. La musique est une œuvre de Mathieu Bérubé, le mix a été fait par Antonin Wyss, et l'illustration, par Valérie Lemay. Je souhaite remercier Transistor Média, le Conseil des arts et des lettres du Québec, Télé-Québec, l'entente de développement culturel de la Ville de Sept-Îles, la Société des auteurs dramatiques du Québec... et tous les mottés du pays.