Béton et lumière – Au cœur du Musée canadien de la guerre Simon D. Scott : Bienvenue à ce balado du Musée canadien de la guerre, « Béton et lumière ». Je m'appelle Simon D. Scott. Dans cet épisode, nous visiterons le Musée lui-même. Ce bâtiment remarquable a surgi des champs escarpés des plaines LeBreton, à Ottawa, un territoire traditionnel algonquin qui abritait autrefois un important comptoir commercial et un lieu de rencontre essentiel pour les peuples autochtones de la région. Au XIXe siècle, les immigrants européens ont fait des plaines LeBreton un centre de l'industrie forestière. Le quartier s'est développé en tant que quartier ouvrier avec des maisons, des magasins, des écoles et un chemin de fer. En 1900, un terrible incendie dévastateur a entrainé son déclin, et la contamination industrielle a continué à dégrader la zone. Dans les années 1960, le gouvernement fédéral a exproprié les derniers occupants et a tout rasé. La promesse de rénovation urbaine ne s'est jamais concrétisée. Laissées à l'abandon, de hautes herbes ont poussé sur les décombres. Mais c'est ce paysage accidenté et stérile qui a inspiré à l'architecte Raymond Moriyama sa vision de l'avenir : la construction du nouveau Musée canadien de la guerre. Avec son toit couvert d'herbes sauvages, le Musée nous apparait comme s'il émergeait organiquement du sol. Moriyama voulait que sa forme abrupte et basse reflète le traumatisme de la guerre infligé à la terre et aux gens. La structure se fond dans son environnement, symbolisant la possibilité de régénération après des temps difficiles. Et la façon dont son aileron s'élève et pointe vers la colline du Parlement nous rappelle que c'est au siège du gouvernement que sont prises les décisions cruciales concernant la guerre et la paix. Moriyama a également apporté une vision personnelle à ce projet. Sa famille et lui ont été envoyés dans un camp d'internement au cœur de la Colombie-Britannique, où les Canadiens d'origine japonaise étaient détenus pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n'avait que douze ans, mais les souvenirs qu'il a gardés de sa vie en temps de guerre ont inspiré certains aspects de la conception du Musée. Dans le foyer et dans la salle du Souvenir, ainsi que le long des passages menant aux galeries, les angles formés par le béton et l'acier déstabilisent et troublent les gens qui s'y trouvent. Mais la lumière, stratégiquement agencée, offre de l'espoir au milieu de la souffrance. Le son sifflant de la Salle de la régénération Moriyama a été enregistré pendant sa construction. S'il évoque le confort de la cabane de son enfance dans le camp d'internement, il constitue également une bande sonore obsédante pour l'une des salles les plus poignantes du Musée. Découvrons cette structure à travers les voix de ceux qui ont contribué à sa création… Emmanuelle van Rutten : Je pense que c'est une chose de concevoir un édifice; c'en est une autre de voir l'impact, l'impact tangible, qu'il a sur les autres. … et de ses guides qui nous parleront des visiteurs qui viennent parfois ici afin de soulager des deuils profonds. Robert Gauvin : Elle a un peu pleuré et je me suis contenté d'être présent pour elle. Elle a eu une émotion et il se trouve que j'étais là, au même instant, avec elle. Simon D. Scott : Chacun d'entre eux a joué un rôle dans la mission du Musée de la guerre au cours des deux dernières décennies : être un espace conçu pour interpeler la conscience et une source de guérison et de régénération. [Bruit du vent] Emmanuelle van Rutten : Nous voici devant les plaines LeBreton. Quand nous avons lancé le projet, ce n'était qu'un champ. C'était l'ancien cœur industriel d'Ottawa. Le Musée a donc été le premier bâtiment à être construit sur ce site. L'une des choses qui nous ont inspirés, c'est l'herbe qui poussait sur le terrain. Elle répondait à beaucoup des concepts que nous explorions sur la nature, la régénération et comment on intègre un bâtiment sur une terre, sur un site. Et c'était vraiment très important dans le cadre du processus de conception, en tant que forme d'inspiration. Je m'appelle Emmanuelle van Rutten. Je suis associée chez Moriyama Teshima Architects. Le bâtiment a été conçu par Raymond Moriyama Teshima Architects et GRC Architects. C'était une coentreprise à l'époque. J'étais une jeune architecte dans la vingtaine et j'étais impliquée dans la conception et la documentation, puis dans le processus de construction. C'était donc un projet important pour moi, puisque je venais de commencer ma carrière. C'était une période intense et extraordinaire. Le bâtiment faisait l'objet d'un processus accéléré et devait être réalisé très rapidement pour ouvrir en 2005. Nous avions donc une équipe formidable dans les bureaux et sur le site. Une équipe vraiment dévouée à la réalisation de ce projet incroyable. La façade et l'entrée du bâtiment sont en fait très sobres. Le béton semble émerger du sol avec ses murs inclinés en panneaux de béton. En fait, il est presque complètement caché sur le côté nord, parce qu'il s'incline et s'intègre vraiment au paysage. En plus, il se fond dans les herbes naturelles de la région. Cependant, du côté est, en direction du Parlement, le bâtiment émerge vraiment, et c'est là qu'on voit la façade. C'est là que se trouvent les grands artéfacts. Et puis, bien sûr, il y a la Salle de la régénération Moriyama, qui se présente comme une sorte d'aileron émergeant du bâtiment et qui s'incline en direction de la tour de la Paix. Il y a aussi le code Morse qui dit : « Lest We Forget / N'oublions jamais », qui crée des fenêtres et des ouvertures dans la Salle de la régénération Moriyama, et le code dans le béton, qui épelle « C-W-M » et « M-C-G » pour « Musée canadien de la guerre ». Encore une fois, c'est l'expression d'un langage militaire et d'éléments qui évoquent vraiment le fait qu'il s'agit d'un musée de la guerre [Bruit d’une porte qui s’ouvre et se ferme. Le bruit du vent s’arrête.] Emmanuelle van Rutten : Je trouve ça très calme quand on entre dans le foyer. Il y a un moment de sérénité, mais aussi une sorte d'inconfort. Évidemment, pour moi, le bâtiment est chargé de souvenirs. Je me souviens des espaces, non pas comme des espaces finis, mais comme des espaces en mouvement pendant leur construction. Simon D. Scott : Le foyer est dominé par des murs inclinés en béton brut. Leurs surfaces rugueuses évoquent des bunkers militaires rudimentaires. Mais elles nous rappellent aussi les dégâts causés par la guerre. Emmanuelle van Rutten : Dans le foyer, vous pouvez voir très clairement que quelques murs importants sont inclinés. Le sol n'est pas toujours droit, car il y a des rampes qui mènent à l'espace d'exposition et les murs sont inclinés vers vous. Cela permet de donner l'impression des bunkers, et que l'on se trouve dans un bâtiment très utilitaire et très solide. Ce n'est pas un bâtiment fini. On ne voit pas les détails les plus fins. Encore une fois, vous avez un langage de robustesse qui est un peu symbolique du langage militaire, appliqué à l'architecture. Camille Brouzes : Je commence toujours mes visites ici parce que ça donne une bonne perspective de l'espace. Je m'appelle Camille Brouzes. Je suis interprète de programme au Musée canadien de la guerre et nous sommes dans le foyer. Tout d'abord, je vais vous emmener dans la salle du Souvenir. C'est un espace très immersif. [Bruit de pas] Simon D. Scott : Si vous ne cherchez pas volontairement la salle du Souvenir, vous risquez de la manquer. Elle est nichée dans un coin du foyer. Son entrée est un grand tunnel en béton très incliné d'un côté. Camille Brouzes : Ce couloir ressemble beaucoup à un trapèze lorsque vous y entrez. Et il se rétrécit au fur et à mesure que vous avancez. Ça vous oblige à être plus conscient de ce qui vous entoure. C'est comme si un soldat entrait dans un bâtiment ou une zone inconnue et qu'il essayait de comprendre où il se trouve. Emmanuelle van Rutten : Et devant vous, vous avez un mur fait de cuivre déjà oxydé. C'est en fait le cuivre qui était utilisé sur le toit de la bibliothèque du Parlement. Il a été récupéré lors du remplacement du toit et installé ici au cœur du Musée. On sent bien que tous ces espaces sont liés géométriquement dans une forme triangulaire jusqu'à ce que l'on entre dans la salle du Souvenir. Simon D. Scott : Ici, ce passage étroit fait soudain place à un vaste espace, où la lumière se glisse à travers des fenêtres placées très en hauteur. Emmanuelle van Rutten : Une fois à l'intérieur, l'espace devient particulièrement calme et solennel. Vous pouvez voir sur le sol la ligne du 11 novembre à 11 heures, en prolongement de la pierre tombale du soldat inconnu qui a été relocalisée ici à l’ouverture du Musée. Une petite ouverture permet à la lumière d'éclairer la tombe parfaitement le jour du Souvenir. Camille Brouzes : Cette salle est vraiment différente des autres, car elle ne contient qu'un seul artéfact. Ça donne des frissons. Simon D. Scott : Cet artéfact, c'est la pierre tombale du Soldat inconnu. Il s'agit d'une unique stèle de granit. Moriyama l'a placée à cet endroit précis pour qu'elle devienne un puissant point de convergence à la réflexion tous les 11 novembre à 11 heures précises, lorsque le soleil frappe directement la pierre tombale. Camille Brouzes : Je l'ai vu pour la première fois il y a deux ans, et c'était très spécial parce que je ne m'attendais pas à ce que la projection de lumière soit aussi précise. Et aussi, je ne sais pas pourquoi, mais lorsque cela arrive, l'ambiance change et tout devient plus serein dans le bâtiment, et même dans la pièce. J'invite beaucoup de visiteurs à venir ici le jour du Souvenir, c'est une tout autre expérience. Emmanuelle van Rutten : Vous savez, j'étais jeune. Nous étions vraiment enthousiastes à l'idée de participer à ce projet. Raymond Moriyama était là avec tous les autres membres du site. Nous étions en train de régler tous les détails. Je pense que nous débordions d'énergie avec la conviction que ce que nous faisions était vraiment très significatif. Je pense que ce qui est unique, c'est de réaliser à quel point c'est important pour tout le monde. Parce que c'est une chose de concevoir un édifice, c'en est une autre de voir l'impact, l'impact tangible, qu'il a sur les autres. Simon D. Scott : Ce lien entre les visiteurs et les expositions est ce qui guide les historiens du Musée, les personnes qui aident à créer les expositions et à mettre les artéfacts en scène. Leur travail est particulièrement visible dans les galeries principales où nous nous rendons. Rencontrons l'une de nos historiennes, qui nous explique ce que ce processus signifie pour elle. Danielle Teillet : On ne se contente pas de raconter simplement l'histoire avec le nombre de personnes qui ont participé à cette bataille, par exemple. Nous essayons de partager des histoires personnelles et divers éléments auxquels les gens peuvent s'identifier. Je m'appelle Danielle Teillet et je suis la première historienne de l'histoire militaire autochtone au Musée canadien de la guerre. Je travaille donc pour la division de la Recherche. Mes collègues et moi-même sommes responsables d'une grande partie du contenu intellectuel des expositions du Musée. Nous ne sommes donc pas des concepteurs. Nous ne travaillons pas avec les visiteurs. Mais nous sommes les historiens, nous sommes les personnes qui font les recherches et qui proposent l'histoire qui devrait être exposée au Musée. Je pense que nous voulons établir un lien avec les gens, nous voulons les éduquer, mais nous voulons aussi que les gens se sentent reconnus autant que possible dans leurs propres expériences. C'est agréable d'entendre les gens s'identifier à quelque chose, qu'il s'agisse d'un artéfact, d'une photo ou d'une lettre, d'un élément d'archives qui leur parle vraiment. J'ai vécu un moment comme celui-là. J'ai reçu un des dossiers militaires de mon grand-père de Bibliothèque et Archives Canada. Il a servi dans les Royal Winnipeg Rifles pendant la Seconde Guerre mondiale, et il était dans l'estuaire de l'Escaut en octobre 1944 pendant l'un des combats les plus violents dont j’ai connaissance. Il a été évacué pour cause d'épuisement au combat, ce qui est le terme historique, et il n'est jamais retourné au combat après ça. Je ne sais pas, ça m'a un peu brisé le cœur. J'avais vraiment de la peine pour lui. Malheureusement, il est mort avant que je puisse lui poser des questions sur son rôle pendant la guerre. Mon père et ses frères et sœurs m'ont dit qu'il n'en parlait pas beaucoup, et je comprends pourquoi. Mais j'ai vraiment eu l'impression de me rapprocher de lui comme je ne l'avais jamais fait auparavant, simplement parce que j'en ai appris un peu plus sur une expérience dont il n'avait peut-être jamais parlé à personne, et j'ai trouvé cela très touchant. Il avait 19 ans lorsque c'est arrivé, et les documents que j'ai lus suggèrent qu'il a dû voir une partie de son peloton se faire anéantir sous ses yeux quand un obus a explosé près de lui. Ce sont des choses qui, quand je repense à la relation que j'avais avec mon grand-père plutôt discret – ce sont des choses qui vous brisent le cœur... Ça m'a brisé le cœur, parce que... c'était difficile de lire tout ça. Et ce n'est pas comme si je ne savais pas que ces choses arrivent. Ce n'est pas comme si je n'avais jamais étudié les conflits en temps de guerre. Mais lorsque vous lisez l'expérience d'une personne en particulier, vous apprenez à la connaitre d'une manière presque intime. Et même dans ce cas, en lisant les documents, je ne peux apprendre qu'une partie des choses. Le reste, s'il était encore vivant, il aurait pu me le raconter. Mais malheureusement, il y a beaucoup de choses que nous ne saurons jamais. Et je suppose que cela me rend semblable à d'autres personnes qui font ce genre de travail, et peut-être qu'il y a quelque chose dans les galeries qui les relie vraiment à un souvenir spécifique ou à une personne spécifique. En parcourant la galerie consacrée à la Seconde Guerre mondiale, je me suis demandé pendant un certain temps quels éléments de cette histoire mon grand-père avait traversés. Et maintenant, j'en ai une meilleure idée parce que je sais où il était, et quand, ce que je ne savais pas auparavant. Oui, c'est vraiment... très émouvant. On se sent très concerné, on veut en savoir plus et on veut partager certaines de ces histoires, tout en reconnaissant qu'il s'agit de personnes réelles. Ce ne sont pas des numéros, ce ne sont pas des statistiques. Chaque personne a une famille, une histoire, des amis, des parents et... ses propres expériences. Jacques Giasson : Je m'appelle Jacques. Je travaille au Musée de la guerre depuis 19 ans, et cela va faire 20 ans cette année que le Musée a ouvert ses portes. Je tiens à vous signaler que nous entrons dans une exposition sur la guerre, donc il y aura un peu de bruit, des bruits de mitrailleuses et des bruits d’explosions d'obus. Je vous demande donc d'être indulgents. Voici donc l'entrée. Et nous allons emprunter ce couloir... [Bruit d’une porte qui s’ouvre, suivi de bruits de fond indistincts] Simon D. Scott : Il nous emmène dans les galeries, qui constituent l'essentiel de l'expérience muséale. Il y en a quatre en tout, qui se concentrent sur l'histoire militaire du Canada, depuis l'époque précoloniale jusqu'aux conflits actuels, en passant par les deux Guerres mondiales et la Guerre froide. Nous nous trouvons dans la galerie 4, intitulée « De la Guerre froide à nos jours », qui se concentre sur les efforts modernes de maintien de la paix, y compris les opérations en ex-Yougoslavie. Jacques Giasson : Il s'agit de la Jeep Iltis, fabriquée au Québec par la société canadienne Bombardier. Voici la Jeep que conduisait un Casque bleu canadien lorsqu'il a été attaqué en Croatie, à la frontière entre la Croatie et la Serbie. Le conducteur traversait un village et les soldats serbes ont soudainement ouvert le feu sans raison. Les balles ont traversé le siège. Vous voyez le siège, il est déchiré par les balles. Le chauffeur est venu au Musée, je crois que c'était en 2010, si je ne me trompe pas. Il s'est approché de moi et m'a dit : « Auriez-vous par hasard une Jeep Iltis des Nations Unies dans votre collection? » Il m'a dit qu'il aimerait la voir. J'ai dit : « Bien sûr, elle est en bas, je peux vous y emmener et vous pourrez y jeter un coup d'œil. » Je l'emmène donc en bas et il regarde la Jeep comme ça, la tête baissée et je pouvais voir, que des larmes roulaient sur les joues de cet homme. Il était très ému. Je ne savais pas quoi faire à ce moment-là. Je me suis dit que j'allais lui laisser un peu d'espace. C'est ce que j'ai fait. J'ai reculé, je lui ai laissé de l'espace, le temps de se recueillir. Puis je me suis approché de lui. Je lui ai dit : « Monsieur, il est évident que cette Jeep a un grand impact sur vous. » Il m'a répondu que c'était pour une bonne raison : « C’est moi qui conduisais ce véhicule quand il a été attaqué. » Je crois que je lui ai dit : « Vous vous moquez de moi? Vous étiez le conducteur? » Il m'a répondu que oui. Quand vous regardez le pare-brise, vous voyez un trou de balle qui est passé au-dessus du volant. « Cette balle, a-t-il dit, je l'ai entendue siffler. » Il s'en est fallu de peu pour qu'elle ne le touche pas, car, si la balle qui est passée par là l'avait touché, elle l'aurait probablement atteint au cou. Et c'en aurait été fini de lui. Ça fait partie de ces moments où, parfois, on rencontre des gens qui ont un lien direct avec les artéfacts que nous avons dans le Musée. Simon D. Scott : Et tandis que notre visite se poursuit, nous quittons l'intensité des galeries principales... ... et nous entrons dans la Salle de la régénération Moriyama. La différence est immédiate et intentionnelle. Cet espace est conçu pour la contemplation et pour offrir aux visiteurs un peu de répit. [Les bruits de fond augmentent et s’estompent. Un sifflement de vent commence à se faire entendre.] Camille Brouzes : Et je dirais que l'un des plus grands espaces de guérison est la Salle de la régénération. C'est un bel espace parce qu'on y entend un faible sifflement. Simon D. Scott : L’espace est spectaculaire... les murs sont inclinés comme dans une cathédrale. C'est ici que la vision de Moriyama se concrétise. La lourdeur de l'acier et du béton, avec le pouvoir de transformer la lumière. Le son que vous entendez a été enregistré pendant la construction, lorsque le vent passait à travers les interstices du bâtiment inachevé. Lorsque Moriyama a entendu ce son, cela lui a rappelé la cabane de son enfance dans le camp d'internement. C'était un lieu de réconfort et de sérénité. C'est aussi la première chose qu'il a construite. Il a demandé à quelqu'un de l'enregistrer. Aujourd'hui, ce son est diffusé à tous les visiteurs. Camille Brouzes : J'ai fait des visites guidées avec des militaires. Ils disent que ce son les apaise, parce qu'il ressemble à un bruit blanc. C'est vraiment agréable. Simon D. Scott : La salle abrite également les modèles originaux en plâtre des statues réalisées pour le Mémorial de Vimy, en France, par le célèbre sculpteur canadien Walter Allward. Camille Brouzes : Nous possédons 17 des 20 modèles en plâtre de Walter Allward. Ce sont des vertus et des valeurs que Walter Allward a sculptées. Des valeurs importantes pour le Canada. Simon D. Scott : Ses statues d’êtres humains dans diverses poses se veulent allégoriques. Elles représentent des vertus telles que la paix, la vérité, la charité, la foi, l'honneur... Camille Brouzes : Nous avons ici la Connaissance, nous avons ici la Justice, nous avons l'esprit du Sacrifice, qui est vraiment très beau. Enfin, nous avons... la Sympathie du Canadien pour les personnes sans défense. Mais l'une de mes préférées est l'Espérance, elle est là-bas. Parce que l'Espérance sert de lien. Elle est directement alignée avec la tour de la Paix. Et quand vous allez à gauche ou à droite, la tour de la Paix bouge, mais pas l'Espérance. C'est une sorte d'illusion d'optique. L'espoir est toujours là. C'est votre fondation. Alors que la Paix est plus loin, mais elle reste toujours accessible. Simon D. Scott : La dernière étape de notre visite est l'un des espaces les plus imposants et les plus inspirants du Musée. Robert Gauvin : La galerie LeBreton est un peu plus intimiste. Les gens y partagent donc beaucoup plus de choses. Nous allons nous y rendre. Je m'appelle Rob. Je suis interprète de programme. Dans ce rôle, je fais des visites guidées, je m'occupe des programmes scolaires et j'interagis avec une grande partie du public. Simon D. Scott : La galerie LeBreton est une salle immense et bien éclairée qui abrite un large éventail de machines de guerre. Des chars d'assaut, des pièces d'artillerie et d'imposants véhicules militaires. Nous circulons entre des machines de guerre massives, disposées en rangées, comme autant d'artéfacts de l'ingéniosité et de la cruauté de l'humanité. La confrontation des visiteurs avec ces machines peut parfois susciter de fortes émotions. Robert Gauvin : C'était une journée particulièrement calme au Musée. Et il y avait une femme qui se promenait dans les galeries, tranquillement absorbée par sa visite. Et moi, je suis là, pour m'assurer que la visite des gens se passe bien ou pour répondre à leurs questions. Et je remarque qu'elle semble perdue, qu'elle ne sait pas où elle va. On dirait qu'elle va quelque part, puis qu'elle hésite. Alors, je me dirige lentement vers elle et je lui demande si elle a besoin d'aide. Elle s'arrête dans son élan, lève les yeux vers moi, met deux ou trois secondes avant de changer d'attitude et de parler, comme si elle était gênée, et ensuite un peu moins gênée. Alors elle me dit : « Je ne suis pas vraiment perdue, mais je ferais bien de vous raconter ce qui m'est arrivé. » Elle m'a avoué qu'elle avait perdu son fils en Afghanistan et qu'elle ne voulait pas dire à qui que ce soit que c'était pour cela qu'elle était ici. En fait, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle devait venir ici, mais elle sentait qu'elle devait venir ici. Nous nous trouvions à côté d'un RG Nyala, un véhicule utilisé par les Canadiens en Afghanistan. Elle a un peu pleuré et je me suis contenté d'être présent pour elle. Je ne pense pas que j'aurais pu dire quoi que ce soit, quoi que ce soit pour la réconforter. Elle a eu une émotion et il se trouve que j'étais là au même instant, avec elle. C'était un moment extrêmement fort. C'est un moment que je n'ai jamais oublié. [La musique du piano s’intensifie, puis s’estompe.] Danielle Teillet : J'espère que les gens continueront à nous rendre visite. J'espère que nous pourrons partager davantage d'histoires et de points de vue sur les expériences autochtones. Et bien sûr, à plus grande échelle, j'espère que nous pourrons continuer à attirer les gens avec des évènements, des programmes éducatifs et des expositions. J'espère donc que les gens continueront à venir ici, à apprendre et à vivre ces expériences. Camille Brouzes : Je pense simplement au sentiment d'avoir un membre de sa famille qui a servi sous les drapeaux. Je trouve que cela permet de tourner un peu la page ou de guérir un peu, en sachant que vous pouvez aller quelque part pour vous souvenir d'eux. Robert Gauvin : C'est un endroit très spécial. Les jours où il vous arrive quelque chose de très fort sont précieux, parce que les gens ont envie de partager quelque chose d'intime. Et en tant que personne qui a toujours aimé l'histoire, je sais qu'il y a des tragédies en temps de guerre et qu'une forme de compassion peut en découler. On se rend compte que, lorsque quelqu'un partage quelque chose d'aussi puissant avec vous, il y a une forme de respect que vous avez pour les familles et pour les personnes qui ont subi diverses formes de traumatismes. Emmanuelle van Rutten : Nous devons raconter notre histoire. Je pense que nos enfants ont besoin de connaitre l'histoire parce que les grandes guerres, en particulier, sont plus espacées. Mais si nous oublions ces moments de l'histoire, je ne pense pas que nous rendons service à qui que ce soit. Raymond a clairement indiqué qu'il ne s'agissait pas de glorifier la guerre. Et je pense qu'il était clair pour lui qu'indépendamment de la présentation de la difficulté de la guerre, il y a aussi la question de l'espoir et de la régénération. L'idée que, encore une fois, la nature guérit et que nous devons regarder vers l'avant et essayer d'être optimistes pour l'avenir. Simon D. Scott : Merci d'avoir écouté « Béton et lumière », un balado du Musée canadien de la guerre. Je m'appelle Simon D. Scott. « Béton et lumière » a été écrit et produit par Lisa Gabriele. Neil Morrison a assuré la production supplémentaire, le mixage et la conception sonore. Jenny Ellison et Steve McCullough, du Musée canadien de la guerre, sont les producteurs exécutifs. Visitez museedelaguerre.ca pour plus d'histoires, d'articles et d'expositions du Musée. Pour plus d'informations et pour planifier votre visite au Musée de la guerre, rendez-vous sur museedelaguerre.ca. Version française par Power of Babel Interprétation par : Constant Bernard, Geneviève Dempsey, Pete Cugno, Soleil Launière et Elyzabeth Walling Directeurs de plateau : Simon D. Scott et Stéphanie Broschart Traduction et adaptation par Caroll Cafardy Ingénieur du son Neil Macdonald Mixage français par David Moreau La cheffe de projet est Chantale Renée Supervision par Eric Geringas [La musique du piano s’intensifie, puis s’arrête.]