ZOÉ J'ai toujours eu une fascination pour le marché immobilier. Le soir, quand vient le temps d’errer dans l’immatériel, je me perds dans les nouvelles inscriptions des maisons de mon quartier, de ma ville, de ma région. Parfois, j’étends le champ des possibles à des frontières que je n’oserais même pas habiter, juste pour voir, ce qui en est, ce à quoi ressemblerait mon quotidien, une fabulation à l’intérieur des maisons au prix indécent et le paysage aussi. Ce qui importe, ce n’est pas l’intérieur, mais ce que tu y verras, une fois à l’intérieur, une fois cloisonné, quel sera le paysage qui tapissera chaque baie vitrée : une autoroute, une usine, des édifices, des maisons modestes, plus belles que la tienne, une trampoline, un stationnement, un stationnement partagé, un voisin qui fume des cigares à toute heure du jour mais surtout de la nuit, un champ, une fermette, une montagne, la mer, la plage, la rivière, le crique… Je ne cherche pas de maison, pour que ça soit clair, Mais je serais une excellente agente immobilière. CHOEUR Un soir, on a retapé ta chambre dans le sous-sol pour que ça ait moins l’air d’un donjon. J’ai agrandi ton lit. Pour qu’il soit moins simple. Je t’ai apporté une couverture plus chaude, d’un vert forêt profond, tellement dense qu’il absorbe toute la lumière. Ce n'est pas une métaphore, c’est du lin. On a installé un tapis baroque et des lumières d’un blanc chaud pour que tu aies moins envie de sacrer ton camp dans un demi sous-sol en attendant que le prix des maisons redescende. Te garder dans la maison familiale, au moins jusqu’à Noël, quelque chose comme un souhait.