Les premiers seize pour cent

Écoutez comment deux innovatrices s'attaquent avec succès aux pénuries de main-d'œuvre dans notre secteur : l'une au niveau national avec une stratégie globale impliquant tous les intervenants ; l'autre au niveau régional avec un programme ingénieux d'embauche et d’établissement de nouveaux immigrés dans une communauté rurale.

What is Les premiers seize pour cent?

Bienvenue à la série de balados d’Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous!

Jennifer : Certains diront qu’il est possible de remédier à la pénurie de main-d’œuvre grâce à l’automatisation, car on n’aura alors plus besoin d’autant de personnel. Quelqu’un a fait une analogie, que j’ai trouvée très bonne : si vous installez un lave-vaisselle dans votre cuisine, vous devez quand même avoir quelqu’un qui rince la vaisselle, qui la met dans le lave-vaisselle, puis qui vide le lave-vaisselle et qui range la vaisselle. L’automatisation peut donc s’avérer très utile. La technologie peut vraiment aider. Mais est-ce que cela changera vraiment le nombre de personnes dont nous avons besoin? Cela changera certainement les compétences des gens. Absolument.

Kirk : Bienvenue aux Premiers seize pour cent, votre balado sur les innovations et les innovateurs dans le secteur agricole et alimentaire au Canada. Je suis Kirk Finken.

Marie-France: Et je suis Marie-France Gangon.

Kirk : Avant de passer aux deux innovateurs, Marie-France, mettons en contexte l’ampleur du problème. Quels sont les chiffres?

Marie-France : Le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (aussi appelé CCRHA) nous a donné quelques chiffres. Rien que dans l’agriculture primaire, dans les fermes, les estimations font état d’une pénurie de 100 000 travailleurs. Dans le secteur de la transformation des aliments, qui emploie 300 000 personnes, certains employeurs rapportaient une pénurie de main-d’œuvre de 20 % en moyenne avant la pandémie.

Kirk : Certaines conséquences sont prévisibles en cas de pénurie de main-d’œuvre. Les agriculteurs et les travailleurs sont épuisés. Il y a également des pertes de profit. Il s’agit là d’occasions qui ne peuvent être réalisées. Le CCRHA estime que les répercussions des postes non pourvus dans le seul secteur primaire de la production alimentaire s’élèvent à près de 3,5 milliards de dollars par année au Canada. Et ce n’est pas nouveau. Les producteurs agricoles et les transformateurs de produits alimentaires ont soulevé le problème des pénuries de main-d’œuvre bien avant la pandémie. Il s’agit donc d’un problème qui a des implications à long terme.

Marie-France : Mais soyons clairs. Le secteur affiche toujours des chiffres convenables en matière de production et d’exportation. Mais la pénurie de main‑d’œuvre est un problème grave qui ne peut être ignoré.

Kirk : En effet, et notre pays n’est pas le seul à connaître cette pénurie de main‑d’œuvre. D’autres pays se livrent une vive concurrence pour attirer des travailleurs. Sans solutions, nous aurons des problèmes dans les années à venir.

Marie-France : Nous avons donc besoin de solutions innovantes pour embaucher et, surtout, pour maintenir en poste les travailleurs. C’est pourquoi nous nous entretenons aujourd’hui avec Jennifer Wright, que vous avez entendue au début de l’émission. Elle est la directrice exécutive du CCRHA.

Kirk : Jennifer Wright travaille au niveau national. Elle a réuni tous les grands acteurs de notre secteur au cours des dernières années afin qu’ils puissent trouver ensemble des solutions à la pénurie de main-d’œuvre. En avril de cette année, avec l’aide de tous ces intervenants de premier plan, elle a présenté le fruit de ces efforts, le Cadre stratégique national de la main-d’œuvre. Il s’agit d’une entreprise de grande envergure. C’est une stratégie de ressources humaines inédite dans notre secteur au niveau macroéconomique.

En plus de Jennifer, nous nous entretiendrons avec Stephanie Harris, responsable du développement économique à Altona-Rhineland, au Manitoba. Stephanie Harris travaille au niveau microéconomique...

Marie-France : … mais ce qu’elle fait n’est pas micro du tout.

Kirk : Pas du tout. Non. Elle dirige un projet pilote d’immigration dans sa collectivité rurale du sud du Manitoba. Il s’agit d’un projet qui reprend une grande partie des approches proposées dans la stratégie nationale. Il s’agit donc d’une excellente étude de cas sur le fonctionnement de la stratégie globale.

Marie-France : Ensemble, Jennifer et Stephanie vont faire part de leurs idées pour recruter intelligemment et aider notre secteur à faire de même.

Marie-France : Jennifer, la pénurie de main-d’œuvre n’est pas un phénomène nouveau, et c’est une situation compliquée. Pourquoi le problème de main-d’œuvre est-il si compliqué à résoudre?

Jennifer : C’est assez complexe. Un certain nombre de facteurs ont des répercussions sur l’offre de main-d’œuvre, non seulement pour le secteur, mais aussi pour le Canada. La population rurale a connu un certain déclin et il n’y a plus autant de jeunes qui reprennent la ferme familiale à la sortie du secondaire ou de l’université. Dans le domaine du travail, vous savez, avec le vieillissement de la main-d’œuvre au Canada, tous les secteurs d’activité sont confrontés au vieillissement de la main-d’œuvre qui part à la retraite.

Kirk : Vous avez travaillé sur un cadre stratégique national. Pouvez-vous nous le résumer?

Jennifer : Le Cadre stratégique national de la main-d’œuvre est donc un moyen d’unifier le secteur pour qu’il collabore et travaille de façon concertée à la résolution de cette crise de pénurie de main-d’œuvre qui touche l’ensemble de la chaîne de valeur.

Nous devons donc veiller à ce qu’une solide infrastructure rurale soit en place et qu’il y ait des logements abordables, un accès à des services de garde d’enfants et un accès aux transports pour attirer et retenir les gens dans ces régions. Et puis aussi, il faut se pencher sur les conséquences de la technologie et de l’automatisation, la numérisation, les compétences dont nous avons besoin, les perceptions de l’industrie par ceux qui n’y travaillent pas, et s’assurer qu’il y a vraiment de bonnes et solides pratiques de RH dans l’industrie pour aider au maintien en poste aussi.

Marie-France : Wow! Vous avez mentionné de nombreux aspects différents de ce problème et du plan. Je crois savoir que la stratégie repose sur cinq piliers. Pouvez-vous nous parler des cinq piliers?

Jennifer : Les piliers sont le développement des compétences, les perceptions de l’industrie, les répercussions de la numérisation, l’automatisation et la technologie ainsi que l’immigration et les travailleurs étrangers. Il s’agit des cinq piliers et, autour de ceux-ci, il y a des thèmes que les personnes, qui ont créé le tout, ont estimé qu’il fallait prendre en compte dans chacun des piliers, comme les données, en s’assurant que nous disposons de données fiables pour mesurer notre progression et déterminer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas.

Il est certain que le secteur agricole et alimentaire canadien est très concurrentiel dans le monde entier, mais nous ne sommes pas le seul pays à être confronté à cette pénurie de main‑d’œuvre dans ce secteur. Alors, comment nous assurer que nous faisons ce travail, que nous conservons notre place et que nous continuons à être très concurrentiels à l’échelle mondiale? En veillant à développer ces approches d’une manière très inclusive, afin que ce secteur soit accessible à tous. Nous devons également nous assurer que, dans le cadre de cette démarche, nous collaborons avec les producteurs agricoles et les intervenants autochtones, et que nous tenons compte de la réconciliation avec les Autochtones.

Kirk : Qui sont donc vos partenaires dans le cadre de cette nouvelle stratégie de main-d’œuvre?

Jennifer : La Fédération canadienne de l’agriculture et Aliments et boissons Canada. Nous sommes très heureux que ces deux organisations, en tant qu’organisations nationales pour les secteurs primaires de l’agriculture et de la fabrication d’aliments et de boissons, se soient vraiment engagées et aient pris l’initiative d’être nos partenaires principaux et les coprésidents de notre comité directeur.

Cette première partie de notre travail est également financée par le Centre des compétences futures. Là encore, sans ce financement, nous n’aurions pas été en mesure de nous lancer et d’adopter cette approche vraiment novatrice pour résoudre ce problème. Les autres partenaires sont les groupes de producteurs spécialisés, les associations industrielles, les employeurs, les éducateurs et le gouvernement, avec lesquels nous travaillons également en étroite collaboration. Plus nous collaborerons et travaillerons ensemble dans le cadre de ce modèle, mieux ce sera, car nous pourrons faire avancer les choses et réduire les chevauchements. Nous progresserons également plus rapidement.

Marie-France : « Le travail d’équipe permet de réaliser des rêves! » Pouvez-vous nous dire ce que vous faites dans le cadre de cette stratégie qui n’a jamais été tenté auparavant?

Jennifer : Bien sûr. Nous avons donc abordé cette question de la même manière que n’importe quelle organisation aborde un plan stratégique. Nous avons donc défini notre vision, nos buts et nos objectifs, ainsi que des actions assorties d’indicateurs de rendement clés. Je dirais donc qu’il s’agit d’un secteur qui n’a jamais été mis à l’essai auparavant, en particulier au niveau national.

Chaque pilier dispose d’un groupe de travail composé également de représentants des secteurs de la production primaire et de la fabrication de denrées alimentaires et de boissons. Cette approche a permis d’impliquer réellement un grand nombre d’intervenants de manière organisée, puisqu’ils sont répartis par groupe de travail et par thème.

Kirk : Qu’est-ce qui vous attire le plus dans cette nouvelle stratégie?

Jennifer : Je suis très heureuse que cela semble correspondre à ce que le secteur attendait, car l’adhésion du secteur, l’engagement, le temps que tant d’intervenants ont consacré au processus jusqu’à présent et l’accueil qui lui a été réservé me font dire que nous sommes sur la bonne voie.

Nous savions donc qu’en 2030, nous ne pourrions plus nous demander comment ces recommandations pourraient être mises en œuvre. Mais le soutien, la participation, les nouvelles idées, la pensée innovante, tout ça a été très stimulant.

Marie-France : Un peu plus tôt, vous avez mentionné l’infrastructure rurale. Ce n’est pas quelque chose que nous entendons habituellement lorsque nous parlons de ressources humaines.

Jennifer : Je dirais que lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois, certaines personnes se sont demandé pourquoi nous nous intéressions à des questions telles que l’infrastructure et ce genre de choses. Et quand nous entrons dans le vif du sujet, c’est comme si toutes les pièces s’emboîtaient les unes dans les autres. Lorsque vous l’expliquez, ils disent alors : « Oui, c’est vrai. C’est très logique. »

Kirk : En quoi ça consiste, es ce que on peut creuser un peu plus?

Jennifer : C’est un bien grand mot. Cela peut signifier, du point de vue de la fabrication de produits alimentaires et de boissons, que l’infrastructure est en place, que les usines sont en place et tout ce qui s’ensuit. De la circulation des marchandises à la mise en place de la chaîne d’approvisionnement, en passant par l’infrastructure, le transport ferroviaire et routier, etc. Mais du point de vue de la main-d’œuvre et du Canada rural, il s’agit de s’assurer qu’il y a des choses comme, l’accès au logement, l’accès aux services, aux écoles pour les enfants, pour les familles qui vivent dans ces régions. Il y a aussi l’accès aux garderies pour que les gens puissent se rendre au travail sans avoir à se soucier de leurs enfants, du transport et d’autres choses comme ça.

KIRK : Il s’agit vraiment d’une approche globale. Avez-vous eu des réactions négatives? Des gens qui disent que c’est trop complexe?

Jennifer : Oh oui, tout à fait. Il est certain que lorsque nous avons commencé à parler de ces différents sujets, certains nous ont demandé quel était le rapport avec la pénurie de main-d’œuvre à laquelle nous sommes confrontés. On a juste besoin de gens. Ensuite, vous commencez à parler des choses qui garantissent, lorsque vous repérez quelqu’un, que cette personne voudra rester là et toutes ces choses qui s’y rapportent : éliminer certains des obstacles à l’accès au travail et au maintien au travail, dissiper certaines inquiétudes des travailleurs lorsqu’ils savent que certains de leurs besoins sont satisfaits dans le cadre de leur emploi ou de la collectivité dans laquelle ils vivent.

Jennifer : Vous commencez à parler de ce genre de choses et les gens vous disent : « Oui, oui, vous avez raison. J’avais embauché quelqu’un et il ne pouvait pas venir parce qu’il n’y avait pas de garderie disponible » ou « nous avons embauché quelqu’un et il était vraiment désireux de s’installer dans notre collectivité. Mais lorsqu’il a commencé à chercher un logement, il n’y avait rien de disponible ». Il s’agit donc de situations directes et tangibles auxquelles les employeurs sont confrontés.

Et lorsque vous en parlez un peu et que vous donnez quelques exemples, tout le monde est d’accord. Je comprends que nous devons examiner cette question sous tous les angles et non pas sous un seul. Je sais ce qui se passe actuellement et que certaines provinces s’inspirent de ce modèle et l’utilisent pour approfondir leurs discours en utilisant le même cadre.

C’est très bien, car nous avons alors tous un peu le même discours. C’est très bien, car nous avons alors tous un peu le même discours. Ce qu’ils font dans chacun des piliers peut être un peu différent en raison de facteurs régionaux ou autres, mais nous utilisons le même discours, nous utilisons la même approche et nous avançons tous ensemble.

Marie-France : Et Kirk ceci est une transition parfaite vers notre prochaine invite. Parce que Stephanie Harris utilise très certainement le même discours dans son Programme pilote d’immigration.

Kirk : Oui, absolument.

Marie-France : Stephanie est responsable du développement économique pour la ville d’Altona et la municipalité de Rhineland, dans le sud du Manitoba. Le programme pilote, pour lequel elle est chef de projet, est financé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et les résultats, sont vraiment intéressants.

Stephanie : On les voit arriver dans la collectivité. Nous sommes en mesure de les accueillir et de les voir s’intégrer. Je pense que c’est la partie la plus palpitante, les voir dans les quartiers résidentiels, dans les épiceries, les voir aux événements sportifs, aux événements communautaires, regarder leurs enfants, participer aux concerts ou aux pièces de théâtre de l’école, et simplement les voir faire d’Altona leur lieu de vie. C’est probablement la chose la plus excitante.

Marie-France : Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre région et de ses besoins en main-d’œuvre?

Stephanie : Notre population est légèrement supérieure à 10 000 habitants, et nous sommes situés dans le sud du Manitoba, près de la frontière avec les États-Unis. Notre région compte plus de 300 entreprises et cinq grands secteurs industriels qui emploient plus de la moitié de la main-d’œuvre de la région, à savoir l’agriculture, la fabrication, la construction, les soins de santé et le commerce de détail.

Stephanie : Le taux de chômage de notre région est de 3,7 %, ce qui est très faible, et 20 % de notre main-d’œuvre est âgée de plus de 55 ans. Par conséquent, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord au printemps 2019, la décision de présenter une demande allait de soi. Le seul moyen de remédier à la pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail était l’immigration.

Marie-France : Pouvez-vous expliquer le programme pilote d’immigration en quelques mots?

Stephanie : Bien sûr. Le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord est donc un programme communautaire qui ouvre la voie à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers qui souhaitent vivre dans notre collectivité. Il est conçu pour soutenir le développement économique au sein de notre collectivité et renforcer la capacité de nos entreprises locales à développer et à conserver une main-d’œuvre. Il met également à l’essai une approche unique et innovante de la sélection des immigrants au moyen de critères communautaires et incite les immigrants à rester en favorisant un environnement accueillant.

Maire-France : Pour revenir un peu en arrière, quels étaient les objectifs du programme au départ?

Stephanie : En fin de compte, notre objectif était de remédier à la pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail. Nous avons été très ambitieux au début en souhaitant et en défendant 100 recommandations communautaires dès le départ. Très vite, nous avons compris à quel point le processus d’immigration peut être difficile, et ce n’est pas si simple à mettre en œuvre. Mais en fin de compte, l’objectif du programme en soi était d’apporter aux collectivités rurales le soutien dont elles avaient besoin pour faire face aux pénuries de main‑d’œuvre sur le marché du travailLes immigrants ont tendance à graviter autour des grandes villes du Canada. Ce programme a donc permis à une petite collectivité comme la nôtre de mettre en valeur ce qu’elle a à offrir aux nouveaux arrivants.

Stephanie : Nous constatons que de nombreux nouveaux arrivants se sont d’abord installés à Toronto, mais qu’ils ont ensuite déménagé à Winnipeg en raison du coût de la vie, et maintenant ils trouvent des possibilités de carrière à Altona.

Marie-France : C'est extraordinaire. Combien de personnes avez-vous pu mettre en relation avec des emplois? Et combien de nouveaux citoyens se sont-ils ainsi joints à votre région?

Stephanie : À ce jour, nous avons reçu plus de 80 offres d’emploi. Je pense que nous en sommes à environ 84 pour être exact. Cela représente une augmentation potentielle de la population de plus de 250 personnes. Ce n’est donc pas seulement les candidats principaux. Il y a aussi les personnes à leur charge, c’est‑à‑dire leurs conjoints et leurs enfants.

Kirk : J’ai également entendu dire que votre programme n’attire pas seulement de nouveaux immigrants et de nouveaux employés.

Stephanie : Le programme a certainement permis à notre petite collectivité de se faire connaître. Nous avons donc constaté une augmentation considérable de l’intérêt manifesté par un large éventail de secteurs pour notre région en vue d’y créer des entreprises ou même de racheter des entreprises existantes.

Kirk : Alors Stéphanie. Certaines grandes entreprises de transformation alimentaire au Canada ont mis en place des programmes semblables pour le recrutement et l’intégration des nouveaux immigrants dans les collectivités. Mais il est logique que le programme soit mené au niveau municipal. Quand on fait venir un travailleur, on fait aussi venir son conjoint et ses enfants. Il y a aussi d’autres facteurs qui relèvent seulement de la collectivité.

Stephanie : Oui. Je pense qu’en ce qui concerne la gestion du programme par un employeur, ce programme pilote nous permet de nous assurer que les bons employeurs participent et qu’ils prennent en compte le maintien en poste. Une formation sur la diversité est offerte, et il ne s’agit pas seulement de pourvoir un poste. Les employeurs ne voient pas tous l’immigration du même angle. Pour obtenir le meilleur taux de réussite possible, nous encadrons les entreprises participantes afin qu’elles adoptent une approche plus saine.

Stephanie : Par exemple, des entreprises qui ont embauché dans le cadre du programme pilote d’immigration ont même pu mettre en relation les conjoints de leurs employés avec des emplois au sein de la collectivité. Il s’agit donc bien d’un effort communautaire et non d’un travail isolé.

Kirk : Parlons d’agriculture. Parlons du secteur agricole dans votre région.

Stephanie : Oui. Le secteurs agricole et alimentaire occupe une grande place. Il y a de petites et moyennes entreprises, d’autres sont nettement plus grandes. On a également vu certaines de nos entreprises agricoles locales prendre de l’expansion, telles que Elmers Manufacturing. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais l’entreprise a récemment remporté le prix des Manufacturiers et exportateurs du Canada pour son expansion sur de nouveaux marchés et le maintien de ses ventes à l’exportation.

Stephanie : Ils ont procédé à deux nouveaux agrandissements de bâtiments au cours des deux dernières années. Les usines de Buffalo Creek sont également devenues trop imposantes pour leurs locaux actuels et cherchent à s’agrandir. On assise donc à une croissance importante de notre industrie agricole. Et le seul moyen de soutenir cette croissance est l’immigration.

Stephanie : On a de nombreuses entreprises du secteur agricole qui tentent de combler les pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail. Dans certains cas, ils recherchent des postes de soudeurs ou d’opérateurs d’usine. Mais nous avons aussi des postes plus difficiles à pourvoir, comme les mécaniciens de moteurs diesel de poids lourds et ce genre de choses. Je pense que lorsqu’ils s’adressent à nous pour utiliser le programme, ils se demandent également s’ils peuvent cibler certains domaines. Elmers Manufacturing a embauché des développeurs de logiciels dans le cadre du programme. Il s’agit de postes hautement qualifiés dont ces entreprises ont besoin et ce type de main-d’œuvre qualifiée n’est pas disponible dans cette région; de plus, il est parfois très difficile de l’attirer en provenance d’ailleurs au Canada.

Kirk : Parlons donc de cette approche propre à chaque collectivité et des raisons pour lesquelles elle est si importante pour la réussite du programme.

Stephanie : Oui. Les critères propres à la collectivité nous aident donc à évaluer l’admissibilité des candidats qui demandent une recommandation communautaire, en tenant compte des facteurs prioritaires afin de nous concentrer sur les plus grandes perspectives économiques de notre collectivité et sur les candidats qui ont le plus de chance de rester en poste. Il est donc très important pour nous, en tant que collectivité, que les individus sachent à quoi ressemble Altona lorsqu’ils quittent l’étranger pour s’y installer.

Stephanie : Ils s’attendent peut-être à ce que nous ayons des transports publics ou des établissements d’enseignement supérieur pour leurs enfants, mais ce n’est pas le cas. Ils doivent donc vraiment comprendre ce qui les attend.Nous apprécions la paix et la tranquillité, et nous entendons beaucoup de choses positives à ce sujet. Nous apprécions les courts trajets pour nous rendre au travail. Ça nous plait. Tout le monde se connaît. Il y a donc beaucoup d’avantages à déménager dans une petite collectivité rurale, comme je l’ai déjà mentionné, ce que nous pouvons maintenant mettre en évidence, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Kirk : Parfait! Je veux déménager là!

Marie-France : Moi aussi!

Stephanie : Venez à Altona. Vous êtes les bienvenus. Vous êtes plus que les bienvenus.

Kirk : Ces nouveaux membres de votre collectivité, d’où viennent-ils?

Stephanie : Honnêtement, de partout dans le monde; nous avons des candidats qui viennent de plus de 13 pays différents. Cela nous permet de créer une belle collectivité multiculturelle.

On entend souvent dire que les gens apprécient que leurs enfants puissent rouler à bicyclette dans la rue sans avoir à s’inquiéter, ou qu’ils viennent de zones à forte criminalité et que maintenant, ils ne ferment même plus leur porte à clé lorsqu’ils sortent de chez eux. Nous avons accès à toutes les commodités dont vous avez besoin. Nous avons d’excellentes écoles. Nous avons un hôpital. Nous avons des épiceries, des magasins de détail. Nous avons une collectivité très accueillante et bienveillante. Nous sommes également une collectivité en plein essor, avec de multiples industries, le secteur agricole et d’autres secteurs. Nous ne sommes pas une collectivité unipersonnelle où, si le secteur d’activité s’effondre, notre collectivité s’effondre aussi. Nous avons plusieurs secteurs d’activité différents. La ville d’Altona est actuellement en train d’agrandir son deuxième parc industriel et l’infrastructure est en train d’être mise en place. Il est donc très encourageant de voir les terrains industriels et commerciaux continuer à se développer. Je suis originaire de cette ville et j’y suis retourné.

Marie-France : Quel est le pourcentage d’employeurs de l’agriculture dans le programme? Ont-ils des préoccupations particulières, différentes de celles d’autres secteurs?

Stephanie : Oui, tout à fait. Le secteur agricole a fourni près de la moitié des offres d’emploi proposées dans le cadre du programme. L’agriculture est une industrie majeure dans notre région, qu’il s’agisse du secteur de la fabrication ou de la transformation des aliments. Ainsi, lorsqu’ils viennent nous voir pour nous faire part de leurs préoccupations en matière d’emploi ou de pénurie de main-d’œuvre, il s’agit en fait des postes qu’ils recherchent pour développer leurs activités, pour faire croître leur entreprise, pour essayer de suivre le rythme de la croissance qu’ils constatent. Il est donc très intéressant de les voir se projeter dans l’avenir en pensant aux postes qu’ils devront pourvoir au fur et à mesure de leur croissance.

Marie-France : Très intéressant. J’aime bien votre dernière remarque sur la réflexion sur l’avenir, parce que le processus d’immigration au Canada prend un certain temps et qu’il est très intéressant de pouvoir y réfléchir et d’envisager les nouvelles compétences dont ils ont besoin.

Kirk : Oui, et Stephanie, lors de notre première conversation téléphonique, vous avez mentionné l’approche de l’accueil communautaire. Pouvez-vous nous en parler un peu?

Stephanie : L’accueil communautaire est donc très important lorsqu’il s’agit d’accueillir et d’installer nos candidats et leurs familles dans notre collectivité. Ainsi, lorsqu’un nouvel arrivant arrive, il est mis en relation avec un mentor sur le lieu de travail et un mentor communautaire. Le mentor sur le lieu de travail veille donc à ce que les employeurs participent activement à l’intégration du candidat sur le lieu de travail et dans la collectivité, tandis que le mentor communautaire met le candidat et sa famille en contact avec un membre établi de la collectivité en fonction de son âge, de ses passe-temps et de ses centres d’intérêt.

Le rôle du mentor communautaire est… en fin de compte, il s’agit d’être un ami pour eux, de les aider à trouver différents types de ressources au sein de la collectivité qu’ils pourraient rechercher. Mais en fin de compte, il s’agit de créer une amitié.

Il m’est arrivé de voir le mentor communautaire sortir avec le candidat et de les voir faire du vélo ensemble parce qu’ils partagent les mêmes intérêts. Il peut aussi s’agir d’une jeune famille qui a des enfants, et il en va de même pour la famille de nouveaux arrivants. Ils se réunissent donc, partagent des repas et ont de bonnes conversations, ce qui leur permet de nouer des amitiés.

Cela dit, nous voyons aussi des personnes qui sont venues au Canada grâce à ce programme et qui veulent rendre la pareille; elles veulent donc participer au programme de mentorat communautaire. Des personnes originaires de plus de 13 pays différents vivent aujourd’hui dans la collectivité et construisent également leurs propres communautés, en fonction de leur lieu d’origine. Ainsi, nous avons un groupe d’Afrique du Sud qui se réunit pour regarder des événements sportifs au milieu de la nuit et pour faire des barbecues.

Kirk : J’ai entendu dire que les membres de votre conseil municipal prenaient même le temps, malgré leur emploi du temps chargé, d’agir en tant que mentors et d’enseigner l’anglais aux nouveaux arrivants.

Stephanie : Oh oui, vraiment. Notre ancien maire s’est même porté volontaire pour être l’un de nos mentors communautaires. Nous avons donc vu nos conseils municipaux locaux s’activer et participer à ce programme.

Marie-France : Vous avez créé une bonne dynamique. Comment voyez-vous l’avenir?

Stephanie : Je continue à faire valoir auprès de nos contacts d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada que nous voulons que ce programme devienne permanent. C’est essentiel pour notre collectivité. Nous avons mis en place un programme qui fonctionne. Nous constatons une dynamique non seulement au niveau des candidats qui souhaitent s’installer dans notre collectivité, mais aussi au niveau des nouvelles entreprises qui s’y installent. Nous parlons ici de secteurs d’activité importants qui auront besoin de l’immigration pour pourvoir les postes nécessaires à la réussite de leur entreprise. Je continue donc à faire valoir auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada l’importance de ce programme pour notre collectivité.

Kirk : J’apprécie que vous fassiez le lien entre les politiques et les programmes gouvernementaux plus vastes et les aspects très humains, très locaux. Il doit y avoir des situations mémorables dont vous êtes témoin?

Stephanie : À quelques reprises, oui. Mais lorsque nos nouveaux arrivants obtiennent leur statut de résident permanent, ils sont tellement heureux et émus qu’ils viennent à notre bureau pour nous remercier de notre aide. Ils pleurent et nous nous serrons dans les bras. C’est un moment fantastique.

Kirk : Marie-France, c’est ce que j’aime dans les collectivités rurales. C'est tout simplement réel. J'adore ça.

Marie-France: Authentique.

Nous allons donner la mot de la fin Jennifer sur ce sujet.

Jennifer : Ce secteur me passionne et il a beaucoup à offrir. Il y a beaucoup d'innovation. La technologie occupe une grande place et, lorsqu’on fait partie du secteur, on participe à la production de denrées alimentaires pour le Canada. Et vous savez, c’est en soi une excellente raison d’y participer. Mais il y a tant d’autres raisons, d’excellentes possibilités de carrière; c’est aussi une partie de la solution climatique et une partie de l’alimentation du Canada. Ce secteur permet aussi de voir des technologies fascinantes se mettre en place.

Kirk : Merci d'avoir écouté. Si vous avez trouvé cet épisode intéressant, abonnez-vous et plongez dans nos épisodes précédents.

Marie-France : En attendant, vous savez quoi faire?

Kirk : Oui. Essayer quelque chose de nouveau.