Le balado de l’Armée canadienne

Le colonel Marie-Christine Harvey a passé la majeure partie de ses 24 années de service dans l’artillerie. Elle est actuellement G3 chef des opérations au Quartier général de l’Armée. Elle nous explique pourquoi l’artillerie est un choix de carrière à la fois exigeant et gratifiant, qui prépare les militaires pour pratiquement n’importe quelle tâche.

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Le colonel Marie-Christine Harvey nous parle de son expérience à titre d’observatrice avancée avec des équipes de pièce, de ses déploiements en Bosnie et en Afghanistan, et des diverses fonctions de leadership qu’elle a occupées dans l’artillerie et dans l’Armée.

Pour en savoir plus sur la carrière d’officier d’artillerie :
https://forces.ca/fr/carriere/officier-artillerie/

OOA – Officier observateur avancé (pièces)
CIFA - contrôleur interarmées de la finale de l'attaque (appui aérien)

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Animateur : Capt Adam Orton

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What is Le balado de l’Armée canadienne?

Le balado de l’Armée canadienne s’adresse aux soldats de l’Armée canadienne et traite de sujets qui les concernent. Les soldats constituent notre public cible principal, mais les sujets abordés pourraient s’avérer pertinents pour toute personne qui appuie nos soldats ou qui s’intéresse aux enjeux militaires canadiens.

[Musique commence]

Colonel Marie-Christine Harvey : L'artillerie, si je devais décrire ça dans le fond en quelques mots, c'est la puissance de feu d'une brigade.

Capitaine Adam Orton : Salut! Ici, capitaine Adam Orton du Balado de l'Armée canadienne, et aujourd'hui le sujet du balado ça va être l'artillerie. On est ici en ce moment avec le colonel Marie-Christine Harvey, pour nous parler de l'artillerie et des avantages d’une carrière avec les gros canons.

Bienvenue madame!

[Musique termine]

Col Harvey : Hé! Merci beaucoup! Ça me fait plaisir d'être ici.

Capt Orton : Donc, pour commencer, parlez-moi un petit peu de vous-même.

Col Harvey : Un petit peu de moi, évidemment on va commencer par quand j'ai joint les Forces. J’ai joint les Forces j’avais 17 ans au Régiment de Saguenay. Ça fait que comme un soldat dans l'infanterie. C'est un gros moment, un gros changement. J'étais au Cégep à ce moment-là, puis j'avais envie de vivre quelque chose de nouveau. Très rapidement, je me suis rendue compte que ça pourrait être une belle option pour le futur d'un faire ça pour le restant de ma vie, puis, un an après, j’appliquais pour le collège militaire. J'avais tout mis les armes de combat, en haut de la liste, pilote après comme un backup. Puis il m'a appelé pour me dire que je pouvais être acceptée dans l'artillerie puis rentrer au Collège militaire. Donc c'est ce que j'ai fait en 1997, après un an au Régiment de Saguenay. En ce moment, je suis G3 à l'Armée canadienne après avoir servi toutes ces années-là avec les canons.

Capt Orton : Tu sais, on parle des canons. Il y a peut-être des gens qui ne savent pas c'est quoi l'artillerie, puis, en plus de ça, comme moi, par exemple, je suis officier, je suis un fantassin, mais des fois, tu sais, on ne sait même pas dans l'Armée, tu sais un petit peu, mais on on comprend pas exactement comment ça marche. C'est quoi, l'artillerie, puis comment est-ce qu'un groupe d'artillerie et une qu’une batterie fonctionnent?

Col Harvey : L’artillerie si je devais décrire ça dans le fond en quelques mots, puis, évidemment, je suis 100 pourcent biaisée par rapport à ce que je fais, mais je dirais que c’est la puissance de feu d'une brigade. Faut être fiers de ce que nos artilleurs apportent à une brigade. Dans un régiment d'artillerie, il y a cinq batteries. Il y en a seulement deux qui sont vraiment des batteries avec des canons. Ça fait qu’on a peut-être cette conception-là que, évidemment, tout le régiment, toutes ces sous-unités, ce sont des canons, mais non. Il y a deux batteries qui sont de canon, une batterie qui est acquisition d'objectifs, donc il y a des UAV, il y a des radars dans cette batterie-là. Une autre batterie ou on voit, c'est plus des OOA, puis ce qu'on appelle des JTAC, Jointe Terminal Attack Controller, puis eux-autres c’est ceux qui parlent aux avions dans le fond, qui vont lancer les bombes des airs vers le sol. Puis, évidemment, il y a une batterie extrêmement importante de commandement et service. C’est un peu ça la composition d'un régiment d'artillerie. Puis on travaille autant avec l'infanterie, les blindés sur le champ de bataille à manœuvrer avec nos autres éléments de la brigade.

Capt Orton : Pour ceux qui connaissent peut-être pas leur histoire, l'artillerie a servi certainement dans la majorité des conflits au travers des années. On peut penser à la Première Guerre mondiale où ils ont vraiment tiré beaucoup d'obus. Qu'est ce que vous aimez de l'artillerie?

Col Harvey : Bien, je dirais, premièrement, c'est assez intéressant quand on est très jeune ou quand on commence au sein de l'artillerie, puis qu’on est un officier d'observation avancée. Pour vrai, quand je dis que c'est la puissance de feu d'une brigade, c'est incroyable d'être un jeune lieutenant ou un jeune capitaine et de savoir que c'est nous. Puis là, je le redis que je suis biaisée, mais qui peut un peu changer le cours du combat ou de l'engagement à travers la puissance de feu qu'on amène, soit pour aider les troupes qui sont mal prises, ou évidemment, bien engager l'ennemi et le détruire. Pour moi, c'est absolument fantastique qu'une seule personne avec son équipe sur le terrain peut amener ça sur le champ de bataille.

Capt Orton : Vous parlez de ça un petit peu, puis moi je me rappelle en Afghanistan, à un certain point, on avait, vois-tu justement, il fallait appeler l’artillerie danger proche. On était entré en arrière d’un mur. Puis j'ai trouvé ça tellement, je ne sais pas c’est quoi le mot, incroyable d'entendre des obus rentrer. Ça fait vraiment un son unique, tu entends la physique en action : [imitation de bruit d’éclat d’obus] Boum! Grosse explosion! Pis ça je pense en était comme à 30 kilomètres où la batterie se retrouvait, donc c'est vraiment juste incroyable comme expérience, d’être peut-être plus du côté réception que envoi. Est-ce que ça c'est quelque chose parce qu'on parle tout le temps de ça, est ce que les artilleurs ont la chance de voir ça aussi sur leur bord?

Col Harvey : Absolument. Oui, oui! Bien il faut penser que y'a aussi quand je dis qu’on a une batterie qui sont les OOA, puis les JTAC, cette batterie-là, tous ses membres sont à l'avant avec l'infanterie, les blindés, les ingénieurs, peu importe qui est à l’avant parce que leur travail à ces personnes-là, c'est de voir l'objectif et d'appeler le tir indirect sur l'objectif. Donc, évidemment, tout ce monde-là est à l’avant, et voit, et c'est eux-autres autres qui appellent le feu sur l'objectif. Mais oui, on s'assure en tout temps, tu parlais de danger proche, on expose tous nos artilleurs à c'est quoi la puissance de feu qui amène pendant qu'on est à en entraînement pour s'assurer qu'ils savent l'importance et l'importance aussi en fait de sécurité quand on s'entraîne-là de la réalité d'un obus sur le terrain. Donc, oui, ils sont exposés.

Capt Orton : Donc en parlant peut-être maintenant du cheminement de carrière, vous-même vous êtes officier, c'est quoi la différence peut-être entre les sous-officiers et les officiers dans le rôle de l'artillerie?

Col Harvey : À vrai dire, c'est très intéressant, puis c'est incroyable l'équipe, la coopération qu'on a de besoin. Je ne peux pas, on est rien sans ceux qui travaillent sur les pièces, ceux qui travaillent dans le poste de commandement, au sein de l'artillerie. Évidemment, au niveau des membres du rang, s'ils sont dans une batterie avec les canons, vont surtout travailler sur les pièces, sur les canons. Puis sur la position des pièces, ce qui va avoir comme responsabilité des officiers, ça va être la reconnaissance. Mais il y a aussi, évidemment, des membres du rang qui font partie de l'équipe de reconnaissance. Mais ils vont être les officiers de reconnaissance. Puis ils vont aussi être dans le poste de commandement pour recevoir les ordres de tir et les transmettre aux pièces. Donc les rôles et responsabilités sont différents, mais tout aussi importants.

Puis, quand on parle d'être à l'avant avec la poste d'observation à l’avant, évidemment, il y a un officier. Mais le reste des membres de l'équipage dans le VBL 6, ce sont tous des membres du rang, puis le JTAC peut être aussi un membre du rang, puis lui, c'est vraiment lui ou elle c'est vraiment une puissance de feu assez incroyable qu’il peut gérer. Donc les opportunités et les responsabilités sont extrêmement importantes. Quand on parle d'un numéro un sur une pièce qui est un sergent, c'est très, très critique qu'est-ce qu’il a comme responsabilité de contrôler la puissance de feu d'un canon d'artillerie et l'impact qu’il y a sur un champ de bataille. Je pense que c'est très important cette dynamique-là, puis surtout intéressant, en fait de rôles et responsabilités pour nos membres du rang qui peuvent aller dans l'artillerie.

Capt Orton : Ça c'est peut-être plus un côté du sous-officier. En ce moment, vous êtes colonel, vous êtes la G3 de l'Armée donc en charge plus ou moins des opérations au niveau de l'Armée. Pour ceux qui connaissent peut-être le système un peu plus, c’est peut-être moins surprenant que quelqu'un dans les armes de combat se faufilerait à ce niveau-là. Mais qu'est-ce que ça a l’air le cheminement de carrière d'un côté de l'artillerie, puis probablement que ça se reflète dans les autres armes de combat aussi?

Col Harvey : Je pense qu'on peut tous avoir un parcours un petit peu différent ou particulier. Le mien ressemble à évidemment être arrivée à Valcartier pour être commandant de troupes où j'ai eu l'opportunité très jeune comme second lieutenant de me déployer en Bosnie avec une troupe de canons. À ce moment-ci, on avait les LG1, donc d'être commandant de troupes, de revenir à Valcartier pour continuer avec le cinquième RLC, c'est l'unité avec laquelle je servais à Valcartier, pour faire encore du temps-là, faire mon cours d’OOA, donc il y a une progression vers être sur la position des pièces pour ensuite progresser vers être un OOA. À ce moment-ci, j'ai eu une expérience avec la brigade où j'ai pu aller voir un peu comment ça se passait en tant qu’aide de camp pour le commandant de brigade. J'ai eu l'opportunité à ce moment-là de me déployer aussi en Afghanistan.

Après le retour d'Afghanistan, c'était le moment de passer à d'autres choses, donc aller à l'école pour faire un an où j'ai appris en profondeur mon métier comme instructeur en artillerie. Et ensuite de ça, j'ai enseigné pendant trois ans à Gagetown au Nouveau-Brunswick le métier d'artilleur, surtout dans la branche des OOA, des officiers d’observation avancé. Puis, ensuite revenir commander une batterie, la batterie d’OOA et de JTAC.

Ensuite de ça, notre cours, l'équivalent de Toronto au niveau de major, je l'ai fait, j'ai eu l'opportunité de le faire en Australie. Revenir, avoir un peu d'expérience au QG de l'Armée pour repartir en mission au Koweït, comme J5 à ce moment-ci. Rendue lieutenant-colonel pour revenir avoir de l'expérience stratégique avec SMA des services, donc ADMRS en anglais, puis ensuite de ça, être sélectionnée pour commander le cinquième régiment d'artillerie légère du Canada. Puis revenir après ça comme G3 de l'Armée. Donc, je dirais beaucoup d'opérations, mais des expériences variées aussi au niveau stratégique. Puis, quelques déploiements, puis de l'expérience en instruction, avec des belles opportunités pour arriver jusqu'au poste de G3.

Capt Orton : On voit ça je pense souvent en discussion. Tu sais il y a des gens qui peut-être aiment vraiment leur métier, puis ils veulent se trouver dans un certain rôle, puis rester attachés à ces rôles-là aussi longtemps que possible. C'est quoi l'importance d'avoir peut-être une expérience un peu plus variée, puis se déplacer un peu plus, pourquoi est ce que c’est important?

Col Harvey : Bien, à vrai dire, j’utilise toujours cette même analogie-là tout le temps : Je pense que plus on avance, plus qu’on a besoin, c'est une vision généraliste, un peu où on s'en va. On se détache de notre rôle tactique sans pour autant le renier, parce qu'on a tous aimé être là. Et on essaie d’étirer le plus longtemps possible nos rôles et responsabilités, puis nos expériences dans un monde tactique. Mais à un moment donné, il faut juste ouvrir les œillères, puis pour vraiment comprendre l'Armée, les Forces armées canadiennes et devenir ce que j'appelle un peu un chef d'orchestre, un chef d'orchestre n'a pas besoin de savoir jouer de chaque instrument. Mais peut-être qu'il a été exposé à chaque instrument. Juste pour saisir, écoute, ce n'est pas de la trompette que tu joues en ce moment, c'est de la clarinette. Pour avoir cette vision là, on a juste besoin d'être exposé à un chef d'orchestre à différents instruments. Mais pour nous à différents aspects des Forces armées canadiennes, de l'Armée canadienne, et des Forces armées canadiennes en général pour, je pense, prendre des décisions le plus éclairées possible pour le bien-être de l'organisation.

Capt Orton : En parlant de, peut-être, ça en plus de détails, est ce que vous pensez qu'il y a une sorte de personne qui est peut-être plus adaptée vers l’artillerie? Est-ce qu’il y a des talents ou, tu sais, comme on va dire en anglais, des ‘soft skills’ qu'une personne a de besoin qui serait plus visée par ça peut-être une expérience en mathématiques ou quelque chose de ce genre là?

Col Harvey : Bien, je vais commencer par dire que j'ai un bac en littérature française. Donc, si ceux qui ont un bac en littérature française pensent qu'ils peuvent pas atteindre l'artillerie parce qu'il y a quand même de la balistique, il y a quand même de la trigonométrie d'un l'arpentage à faire, la réponse c’est : “Les portes sont bien ouvertes” puis on a besoin de tout genre de personnel et de personnalités pour venir rejoindre l'équipe de l'artillerie de l'armée canadienne. Mais clairement que si on n'a pas un intérêt pour ce côté-là, peut-être scientifique, mathématiques, bien peut-être que je veux dire ça va être un petit peu plus difficile je dirais à l'entraînement. Parce qu'il y a une portion à l'entraînement où il faut faire des maths, faut aimer les chiffres, mais en général, on n'a pas besoin d'être un physicien ou un passionné fini des mathématiques pour être un artilleur.

Capt Orton : Là on a parlé un petit peu de qu'est-ce que ça a l’air, surtout à votre niveau peut-être vous avez un peu de visibilité sur ce que le futur nous apporte. Si on regarde cent ans passés, c’était vraiment des lignes de batterie qui tiraient des obus, juste en avant des infanteries qui avançaient pour faire du combat. Au travers des années, ça a changé un petit peu, puis même aujourd'hui on a des obusiers qui parachutent avec des infanteries, on a des UAV qui volent, puis qui utilisent des bombes, c’est un peu différent de ce que c'était avant. Où est-ce que vous voyez le métier d'artillerie allez dans le futur?

Col Harvey : Donc clairement qu’il faut développer un peu plus la longue portée. Je pense que c'est clair pour l'Armée canadienne. Mais je pense qu'on va aussi développer beaucoup qu'est-ce qu'on appelle nos batteries d'acquisition d'objectifs. En fait de détection de UAV. Puis je pense que ça va nous permettre évidemment d'être un peu plus efficaces sur le champ de bataille. Précision et toujours extrêmement importante. Mais considérant que l'artillerie, on est quand même un ‘area weapon’, en anglais. Mais, la précision demeure quelque chose d'extrêmement important, puis je pense que les développements vont continuer dans ce domaine-là.

Capt Orton : Peut-être juste avant qu’on achève, est ce que vous avez peut-être une histoire, quelque chose qui vous a touché particulièrement pendant votre carrière?

Col Harvey : Hé! Tu m’en poses une bonne, me toucher particulièrement. Oui absolument. Je pense qu'il faut que j'y aille avec pendant que j'étais commandant du 5ème RLC, j’ai une passion infinie pour mon métier, mais de voir ceux qui le font, qui ont cette même passion et ce dévouement-là, puis je parle d'un numéro un d'une pièce à quelqu'un qui est dans un PC ou encore l’OOA à l'avant, dès que le mot mission tire de batterie sort sur le micro, le sens de l'urgence, le niveau de dévouement, d’entrain pour aller aider celui ou celle qui est à l'avant et qui a besoin de feu. Qu'on soit à l'entraînement ou en opération, je veux dire, ça donne tout simplement des frissons. Puis, pour moi, c'est incroyable le niveau de partenariat et d'entraide qu'on voit dans l'artillerie pour justement aller aider nos pairs.

Capt Orton : Vous savez, généralement je ferais pas ça pendant le balado, mais pour ceux qui écoutent à la maison, puis qui veulent vraiment voir cette expérience-là, vous pouvez sur les médias sociaux de l'Armée, soit sur YouTube ou Facebook, il y a quelques vidéos qui vous pouvez vraiment voir le travail d'équipe sur le canon où ce que tout le monde bouge extrêmement rapidement. C'est vraiment impressionnant à voir. Est-ce que vous avez d'autres choses que vous voulez ajouter avant qu’on termine?

Col Harvey : Ubique.

Capt Orton : Ubique?

Col Harvey : Oui.

Capt Orton : Ca c'est beau, excellent. Je pense que vous êtes la première à vraiment pousser le métier.

Donc, ça c'était le colonel Marie-Christine Harvey du corps de l'artillerie, le G3 de l'Armée. Merci encore une fois madame.

[Musique commence]

Col Harvey : Ça me fait plaisir.

Capt Orton : N'hésitez pas à vous inscrire, vous abonner sur notre balado. On a des anciens épisodes. Ils sont excellents! Allez les voir. Puis, comme d'habitude, prenez soin de vous.

[Musique termine]