Soyez à l’écoute du balado Hé-coutez bien! pour faire la connaissance des personnes derrière les données et découvrir les histoires qu’elles révèlent. Soyez des nôtres alors que nous rencontrons des experts de Statistique Canada ainsi que de partout au pays pour leur poser les questions qui comptent pour les Canadiens et entendre leurs réponses.
Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu’elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.
Avez-vous remarqué qu’on peut faire de notre mieux pour être attentionné et faire la bonne chose, mais il est difficile, même impossible, de connaître l'impact total de nos actions, bonnes ou mauvaises.
C'est ce que je pense du climat. Il peut être difficile de saisir l'impact de nos actions, même lorsqu’on fait de notre mieux pour minimiser notre empreinte écologique.
Quelqu'un peut devenir végétarien, mais le coût en carbone de son repas, si l'on tient compte de la distance parcourue depuis la ferme jusqu'à l'assiette, l'emporte sur le cheeseburger cultivé par son voisin.
Pour éviter les tasses en plastique à usage unique, on peut acheter un gobelet à la mode qui gardera les boissons glacées pendant des heures et des heures, mais que se passera-t-il lorsque cette mode sera passée et que tous ces gobelets finiront dans une décharge?
Une personne pourrait faire le choix apparemment écolo de ne pas imprimer ce gros document au travail, mais dans quelle mesure ce choix est-il écologique après tout s'il s'agit d'un document dont elle a souvent besoin et qu'elle doit maintenant démarrer son ordinateur portable à chaque fois qu'elle veut y accéder?
Hmmm… Pas facile d’être écolo.
Nous avons deux histoires pour vous aujourd'hui, un double reportage si vous voulez, toutes deux sur le thème Pas facile d’être écolo. Nous commencerons par une histoire que nous avons faite nous-mêmes et ensuite nous aurons une histoire de l'équipe de La science simplifiée à Ressources Naturelles Canada qui, je pense, vous plaira beaucoup.
Pour revenir sur le dernier exemple que je vous ai donné, jusqu'à très récemment, j'ai toujours pensé qu'au lieu d'imprimer des documents, je les sauvegarderais sur mon ordinateur. S'il s'agit d'un document dont j'ai besoin lorsque je suis en déplacement, je l'enregistre sur mon petit bout de nuage et j'y accède sur ma tablette! J'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'un choix responsable et écologique... mais d'après notre prochain invité, je devrais peut-être revoir certaines de mes hypothèses.
Gerry : Bonjour, je m’appelle Gerry McGovern et je suis l’auteur du livre intitulé World Wide Waste.
Annik : Comment avez-vous commencé à vous intéresser à l'aspect écologique du monde numérique?
Gerry : Je pense avoir été inspiré par les jeunes, par la génération de Greta Thunberg. J’arrivais presque à la fin de ma carrière dans l’industrie de la technologie et je me suis dit que je pourrais peut-être apporter une contribution positive en matière d’environnement dans ce domaine. Mais je ne pensais pas qu’il y aurait beaucoup de travail à faire, parce que j’ai grandi avec l’idée selon laquelle le numérique est intangible, entre autres, et qu’il est positif pour l’environnement. J’ai donc cru que ma contribution allait être très brève et que je n’allais pas trouver grand-chose à changer pour améliorer la situation environnementale. Mais c’est plutôt un travail de très longue haleine qui m’attendait, et les surprises, pour la plupart mauvaises, se sont multipliées.
Annik : Il n'est pas le seul à avoir grandi avec le sentiment que le numérique est intangible. Pour moi, la technologie d'aujourd'hui ressemble à de la magie. Je ne sais pas si je ne le savais pas exactement ou si je n'y avais jamais pensé, mais l'internet... doit exister physiquement dans l'espace, quelque part.
Et cet espace physique, ce sont les centres de données : des bâtiments massifs qui abritent les systèmes informatiques qui font fonctionner l'internet.
Gerry : ces centres de données font la taille de plusieurs terrains de football remplis de milliers, de millions d’ordinateurs qui fonctionnent 24 heures sur 24, stockant et traitant des données, consommant d’énormes quantités d’électricité.
Annik : Quelles sont les conséquences de ces centres de données pour l'environnement ?
Gerry : Il y a le réchauffement climatique, qui est déterminé par la consommation d’électricité. Ils affirment assurer la durabilité, mais comme la croissance se fait à un rythme phénoménal, ils provoquent une augmentation de la consommation de charbon et une hausse massive de la consommation de gaz naturel, entre autres. On est censés réduire la consommation de pétrole d’ici 2030, mais elle augmentera plutôt de 10 %. En raison de toute l’énergie durable qui entre sur le réseau, ce dernier n’est pas en mesure de s’adapter à la croissance phénoménale qui se produit dans les secteurs économiques, croissance en grande partie attribuable à l’intelligence artificielle et aux centres de données.
Il y a également la crise mondiale de l’eau. D’ici 20 ou 30 ans, peut-être, la moitié des habitants de la planète manquera d’eau potable. De nombreux centres de données sont établis dans des pays qui connaissent des problèmes d’approvisionnement en eau. On utilise donc l’eau de manière insouciante, et on n’utilise pas l’eau de pluie, mais plutôt celle qui se trouve dans les aquifères depuis des milliers ou des millions d’années, et on l’épuise à un rythme effrayant.
Donc, lorsqu’on analyse les crises auxquelles la race humaine est confrontée, on ne peut pas s’arrêter au CO2 et au réchauffement climatique. Neuf principaux facteurs contribuent à la catastrophe environnementale. Il y a le sol, la biodiversité, les produits chimiques, les plastiques, le phosphore et le nitrogène. Il y a donc de multiples facteurs dans cet environnement. L’eau douce fait partie de ces neuf facteurs, et elle diminue grandement. Mais les demandes en eau douce explosent de la part des centres de données et de l’intelligence artificielle.
Annik : Les données stockées dans ces centres sont-elles au moins importantes?
Gerry : Bien sûr, il y a les données qu’on stocke pour différentes raisons, par exemple à des fins historiques. Il y a toutes sortes de stratégies utilisées, dont le stockage des données fréquemment consultées et le stockage des données rarement consultées, qui peuvent être des milliers de fois moins énergivores et moins polluantes, mais la plupart des organisations ne les utilisent pas. C’est plus facile. L’une des définitions des mégadonnées est qu’il coûte moins cher de stocker les données que de réfléchir à comment les utiliser.
Annik : Je ne pense pas que l'on puisse parler de l'impact des données sur l'environnement sans parler de l'Intelligence artificielle, ou l’IA. Quel est l'impact de l'IA sur l'environnement, et de quelle manière l'aide-t-elle ou l'entrave-t-elle ?
Gerry : À l’heure actuelle, chaque point positif de l’IA entraîne cent points négatifs. Les capacités de l’IA sont extraordinaires, voire incroyables à long terme, mais, pour le moment, l’IA n’arrive même pas à dire la vérité.
OpenAI a publié une déclaration. Ils ont récemment affirmé que les faits étaient un domaine de recherche sur lequel ils travaillaient en ce moment. Quel est le but de l’IA sinon de nous fournir des renseignements exacts? Ils ne prétendent même pas pouvoir nous fournir des renseignements exacts. C’est en fait un jouet qui produit quelque chose qui semble intéressant, mais si vous êtes un expert en programmation et que vous posez une question profonde à l’IA, les chances d’obtenir une réponse exacte qui vous sera utile sont d’environ 20 %.
Alors pourquoi l’IA est-elle aussi dommageable? Une recherche réalisée au moyen de l’IA consommera environ 10 fois plus d’énergie qu’une recherche effectuée sur Google. Lorsque vous faites une recherche sur Google, le moteur cherche dans une base de données de fichiers non hiérarchiques, une archive ou un index. C’est comme une page déjà préparée, donc la recherche nécessite beaucoup moins d’énergie. En revanche, une recherche réalisée au moyen de l’IA utilise davantage une base de données et lance des activités de traitement et d’interrogation. Notre façon de gérer la technologie est très immature.
J’ai fait mon entrée dans l’industrie dans les années 1990 sur le Web, et il fallait avoir un site Web, mais on ne s’est pas vraiment penchés sur la nécessité d’avoir un site Web. Ensuite il fallait une application, puis un robot conversationnel, puis l’IA. On doit réfléchir davantage et se demander si tout ça est utile. En a-t-on vraiment besoin? La majorité des environnements de données seraient cent fois mieux si on prenait d’abord le temps de nettoyer les données. On n’aurait jamais connu les problèmes qu’on connaît actuellement en matière de stockage, par exemple.
À un moment donné, il faut que des gestionnaires fassent preuve de jugement et posent de sérieuses questions. Ce n’est pas parce que c’est une innovation que c’est une amélioration.
Annik : Ce n'est pas parce que tu peux que tu dois le faire.
Gerry : Exactement.
Annik : Nous devons nous demander si ces données valent la peine d'être collectées? De les conserver? Pendant combien de temps?
Sur mon téléphone, j’ai une vidéo de mes parents qui dansent ensemble pour célébrer leur 50e anniversaire de mariage. C’est une donnée sentimentale qui vaut la peine d'être conservée et stockée. À l'inverse, je n'ai pas besoin de 70 photos presque identiques de mon chat, même s’il est très mignon, quand une seule photo suffit.
Il s'agit là de micro-exemples au niveau personnel et individuel. Mais il ne s'agit pas d'une question individuelle. Les organisations, les entreprises, les gouvernements traitent de quantités massives de données, plus que jamais auparavant.
StatCan en sait beaucoup sur la gestion des données, alors faisons entrer quelqu'un de nouveau dans la conversation. De qui s'agit-il ?
Eric : Eric Rancourt, statisticien en chef adjoint, gestion stratégique des données, méthode et analyse. Je suis aussi gestionnaire principal des données à Statistique Canada.
Annik : Alors, on vient d'apprendre que les données et le monde numérique ont un coût. Est-ce que c'est le tableau complet?
Eric : Non, en fait, il faut regarder aussi la production d'informations qu'on offre pour les Canadiens. Il y a toute une série d'informations qui permettent de prendre des décisions et si on n'a pas ça, on n'a pas toute l'information.
Annik : Au cas où il serait nécessaire de le dire, la solution à la surabondance, au débordement et à l'excès de données n'est pas de rassembler tous les disques durs et de les jeter dans un feu de camp.
Les données sont des informations et l'information est puissante. Étant donné que vous écoutez un balado de StatCan, je ne pense pas que vous ayez besoin d'être convaincu de l'importance des données. Mais les données ne sont pas seulement nécessaires au fonctionnement de notre société. Elles sont également nécessaires pour l'environnement.
Eric : En fait, il y a beaucoup d'informations qu'on peut produire maintenant grâce à l'intelligence artificielle, de l'information qu'on ne pouvait pas produire auparavant. Ça nous permet de limiter la duplication qu'il peut y avoir entre les différentes sources de données au Canada et à Statistique Canada.
Ça nous permet aussi d'intégrer l'information de nouvelles façons qu'on ne pouvait pas avant. Donc, vu qu'on peut intégrer, qu'on peut éviter la duplication, ça permet d'augmenter l'efficacité. Puis, ce faisant, il y a moins d'impact sur l'environnement.
Annik : Pouvez-vous me donner les grandes lignes du recensement de l'environnement
Comment le recensement de l'environnement considère-t-il le monde naturel différemment du PIB, soit le produit intérieur brut?
Eric : Oui, en fait, si on commence avec le PIB, le produit intérieur brut, ça mesure les interactions que les Canadiens ont entre eux, ça mesure les interactions que les entreprises ont et… Si on regarde, par exemple, la nature, à mesure qu'on coupe des arbres, qu'on détruit des arbres, ça fait de la production économique, mais ça détruit les arbres.
Avec le recensement de l'environnement, on va pouvoir mesurer quels sont les stocks, quelles sont les quantités, quel est l'état de l'environnement au Canada, si on regarde du point de vue des forêts, les systèmes hydrauliques, les bassins, on peut regarder l'agriculture. Donc, le recensement va nous donner un portrait beaucoup plus complet de l'ensemble de l'environnement canadien. À partir de ce moment-là, on va avoir la capacité de mesurer le changement, donc l'impact de l'activité humaine sur l'environnement.
Annik : Il s'agit avant tout d'évaluer les coûts. Les données ont un coût, mais l'absence de données a également un coût. Si vous ne connaissez pas la taille d'une forêt, comment saurez-vous si elle rétrécit?
Pourriez-vous nous parler de la gestion responsable des données?
Eric : Quand on fait la collecte de l'information, quand on fait le traitement de l'information, on veut toujours s'assurer que ce soit responsable. Et ça, ça veut dire que si on pense aux biens publics, on veut avoir une approche qui est proportionnelle en termes d'efforts pour ne pas aller chercher plus d'informations que ce qui est requis.
Selon la loi sur la statistique et dans la pratique on vise à éviter la duplication d'informations dans l'ensemble de l'appareil statistique puis aussi on veut s'assurer de produire des données intégrées donc en faisant tout ça on s'assure de produire de l'information qui soit juste mais en même temps efficace en évitant la prolifération des ensembles de données donc quand on fait ça, directement et indirectement, on protège l'environnement.
Annik : J’ai posé la même question à Gerry. Pourriez-vous nous parler de la gestion responsable des données?
Gerry : Il faut d’abord se questionner sur la nécessité de recueillir les données. La première question à se poser est, comme vous l’avez dit, juste parce que nous le pouvons… On a aujourd’hui des capacités qu’on n’a jamais eues, donc il faut se questionner à savoir si on a réellement besoin de ça ou si on en a besoin pour telle ou telle chose, à tel ou tel niveau.
Il ne s’agit pas uniquement de la quantité ou du type de données, mais de l’ampleur du besoin de recueillir les données. Il faut commencer par se demander si on a vraiment besoin de recueillir les données en question. Ensuite, il faut déterminer la quantité minimale de données à recueillir et la période minimale de temps pendant laquelle on doit les stocker et, enfin, la vitesse à laquelle on peut les archiver et, ultimement, les supprimer.
Si vous êtes un archiviste professionnel, historiquement, les archivistes professionnels conservent de 2 % à 5 % de l’ensemble des données. Si vous en conservez trop, vous ne pouvez pas utiliser les archives. Le travail de l’archiviste est donc de déterminer les choses vraiment importantes.
Voilà l’ironie des sociétés futures. En fait, dans cent ans, il y aura probablement moins de choses disponibles pour 2020 que pour 1920, parce qu’on a conservé beaucoup de choses, mais sur des supports instables. Les lecteurs de disque dur et même les cassettes sont beaucoup moins stables à long terme que le papier. Alors, voilà l’ironie. On n’a jamais créé autant de données, mais historiquement parlant, il y aura probablement moins de données sur nous. Aussi, l’IA aura probablement réécrit l’histoire 10 millions de fois, et ça, c’est un autre problème de l’IA, c’est-à-dire sa capacité à retourner dans le temps et à réécrire l’histoire.
Je pense qu’on a besoin de personnes qui font preuve de jugement, et non de personnes qui mettent l’accent sur l’intelligence. C’est l’intelligence qui est à l’origine du problème dans lequel on se trouve, mais le bon sens nous en sortira. On a besoin de parents qui font preuve de jugement. On a besoin de gestionnaires qui font preuve de jugement. Et faire preuve de jugement, c’est de savoir que ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire.
Annik : Si quelqu'un souhaite en savoir plus sur votre travail, où doit-il aller ?
Gerry : Vous pouvez consulter mon site Web principal à gerrymcgovern.com. Le livre, le dernier que j’ai écrit sur ces enjeux, s’intitule World Wide Waste.
Annik : Et bien sûr, vous pouvez en savoir plus sur le Recensement de l'environnement sur le site Web de StatCan. Nos invités étaient Gerry McGovern et Eric Rancourt, merci à tous les deux d'avoir partagé votre expertise !
Notre prochain épisode nous vient de l'équipe du podcast La science simplifiée de Ressources naturelles Canada. Je passe le micro à Joel Houle.
Joël Houle : Les forêts urbaines sont fascinantes. Les arbres dans les villes et les localités ne font pas qu'embellir le paysage. Ils améliorent la qualité de l'air, font baisser le mercure et fournissent un écosystème essentiel à un grand nombre d'animaux. La gestion d'une forêt urbaine est complexe. Planter le bon arbre au bon endroit semble assez simple, mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Nous avons communiqué avec deux experts du Service canadien des forêts pour discuter de la gestion des forêts urbaines. Bonne écoute.
Bienvenue à ce nouvel épisode de La science simplifiée, le balado qui vous parle de l'excellent travail scientifique que font nos experts à Ressources naturelles Canada. Je m'appelle Joël Houle. Nous avons préparé un épisode incroyable pour vous. Nous découvrirons le monde fascinant des forêts urbaines et le rôle fondamental qu'elles jouent dans la transformation des jungles de béton en milieu de vie vibrant et verdoyant.
Accueillons maintenant nos invités pour discuter des forêts urbaines.
Nous avons avec nous aujourd'hui Sarah Yoga et Christian Couture. Sarah et Christian, ça va bien.
Christian Couture : Ça va bien, et vous-même?
Joël : Très bien. Merci.
Sarah Yoga : Bonjour.
Joël : Bonjour. Est-ce qu'on peut commencer par apprendre à vous connaître? Sarah, est-ce que tu peux nous parler de toi?
Sarah : Oui. Bonjour. Je m'appelle Sarah Yoga. Je suis analyste de politiques à Ressources naturelles Canada. Je travaille au Service canadien des forêts au sein de l'Unité de foresterie urbaine. Comme le nom l'indique, je couvre, avec mon équipe, différentes thématiques qui reposent sur la foresterie urbaine.
Christian : Bonjour, je m'appelle Christian Couture. J'ai travaillé plus de dix ans au Service canadien des forêts. Maintenant, je viens à titre de professionnel de politique publique, puisque je suis maintenant à l'emploi d'Infrastructure Canada.
Joël : Super. Merci beaucoup. Le terme forêt urbaine, pour moi, c'est une sorte de paradoxe qui prête un peu à confusion. Qu'entend-on par forêt urbaine?
Christian : On peut prendre différentes perspectives. C'est un terme, un concept qui peut être flexible selon les organisations et selon la perspective qu'on prend. Si on veut être simple, on peut dire c'est le couvert forestier au sein d'un territoire, d'une municipalité, d'une MRC (municipalité régionale de comté), d'une autorité régionale ou quoi que ce soit. Si on veut parler de forêt périurbaine, ça peut inclure les arbres, ça peut inclure les arbustes, les parcs urbains, les arbres sur les terrains privés et institutionnels qui appartiennent au gouvernement ou à un organisme public. Évidemment, la FAO, la Food and Agriculture Organization des Nations Unies, peut avoir une définition. Les différents gouvernements étrangers, les différentes juridictions peuvent avoir aussi une définition qui leur est propre. C'est comme ça qu'on peut approcher ça. Sarah, est-ce que tu as des vues sur la définition?
Sarah : Oui. Effectivement, quand on parle en fait d'un milieu urbain, on va sûrement penser aux buildings, on va sûrement penser aux voitures, on va sûrement penser aux routes, mais les arbres, ils ont aussi leur place au sein de notre environnement urbain et un rôle à jouer. Lorsque l'on parle de foresterie urbaine, on peut penser à tous les arbres, donc les arbres le long des routes, le long des chemins, les arbres dans les parcs, les arbres dans les espaces naturels qui se trouvent donc au sein d'une ville, d'un village et aux alentours. Tout ça est désigné par le terme foresterie urbaine. Aussi, lorsque l'on parle de foresterie urbaine, il faut aussi inclure un plan de gestion ou un plan d'entretien, un plan de conservation de ces arbres.
Joël : Pourquoi les forêts urbaines sont-elles si importantes?
Sarah : C'est une très bonne question. Les forêts urbaines sont très importantes parce que déjà, elles façonnent notre environnement et aussi l'on peut tirer différents bénéfices de ces forêts. Par exemple, les arbres ont la capacité d'absorber le carbone ou encore d'absorber d'autres particules dans l'atmosphère, ce qui permet de purifier l'air. Ça permet également de diminuer la température. Aussi, la forme des arbres ou leur composition nous permet d'avoir des avantages en termes d’ombrage. C'est quelque chose que nous apprécions fort pendant l'été.
Les arbres créent également de l'emploi. Nous pouvons penser à tous les métiers au niveau de l'arboriculture, tous les professionnels qui permettent de couper, de tailler, d'améliorer les arbres. Les arbres aussi, en forêt, contribuent à la biodiversité. Il y a certaines espèces faunistiques et floristiques qui cohabitent avec les arbres, qui coexistent avec les arbres. Avoir des arbres en milieu urbain permet de rapporter cette biodiversité à notre portée.
Christian : Je peux compléter. C'est vrai que lorsqu'on parle de l'importance des forêts urbaines au Canada, au Québec, en Ontario, entre les provinces, il faut aller au-delà de la considération esthétique. Évidemment, c'est beau un arbre sur un terrain d'une maison, un arbre majestueux qui surplombe la maison et le voisinage. Comme Sarah le dit, les forêts urbaines ou les couverts forestiers – au sein de territoires, de municipalités ou des autorités régionales, d'administrations régionales – génèrent beaucoup de services écologiques, environnementaux et économiques également.
Des arbres qui sont à proximité d'édifices ou de résidences ou de maisons génèrent de l'ombre, donc on fait baisser notre facture d'électricité. En cause, on peut mettre la climatisation. C'est un exemple parmi tant d'autres. Également, des couverts forestiers, des végétations dans des secteurs minéralisés, comme Sarah l'a dit, ça génère des services en matière de santé publique à l'effet que les arbres apportent de l’ombre aux secteurs où il y a des îlots de chaleur. Les gens peuvent avoir des maladies, aussi cardio, mais respiratoires. Je ne suis pas médecin, je ne veux pas m'aventurer dans des termes médicaux, mais ça atténue les impacts des îlots de chaleur en milieu urbain.
Sarah : Aussi, un autre bienfait des arbres, c'est qu'ils jouent un rôle important dans notre santé, notre bien-être. Faire une marche dans la forêt, c'est tout à fait bénéfique. On se sent ressourcé, donc cela démontre l'importance des arbres.
Joël : C'est la santé physique, mais aussi la santé mentale.
Sarah : Effectivement.
Christian : Ce sont des composantes essentielles et importantes pour la résilience des communautés. La résilience est un concept très élastique, mais une population en santé qui a accès à des espaces verts pour diverses activités, que ce soit récréatives ou simplement pour prendre l'air, ça fait des citoyens productifs, donc ça a des bons impacts économiques éventuellement également.
Joël : Où est notre science, ici à Ressources naturelles Canada, entre-t-elle en jeu lorsqu'il s'agit de la gestion des forêts urbaines?
Christian : On peut dire que notre science peut contribuer à identifier les bons arbres, à planter au bon endroit au bon moment selon les zones climatiques. Les zones de rusticité, je crois. C'est la carte des zones de rusticité. Tu peux me corriger, Sarah? On a élaboré une application pour téléphone intelligent il y a quelques années qui s'appelle Mon Arbre, qui offre aux Canadiens des informations sur les zones climatiques et une sélection d'arbres, des essences indigènes (je pense que c'est comme ça qu'on dit en français), des espèces indigènes canadiennes et exotiques à considérer pour planter dans ces zones climatiques, qui ont un bon potentiel de survie. Ce n'est pas un guide de plantation. C'est seulement un guide indicatif pour les Canadiens et Canadiennes qui désirent planter des arbres.
Sarah : Oui, effectivement. Ce que je pourrais ajouter – Christian nous a parlé des cartes de rusticité des arbres – c’est que nous sommes en train de les actualiser. Ces cartes nous indiquent les limites géographiques de croissance d'une certaine espèce, donc ça nous permet de savoir où planter quelle espèce et à quel moment. Nous sommes contents de pouvoir les réactualiser, pour pouvoir prendre en considération des nouvelles données climatiques. Ces produits seront disponibles au courant de 2024. Un autre élément qu’apporte Ressources naturelles Canada en ce qui concerne la foresterie urbaine, c’est le plan de 2 milliards d'arbres où le Ministère a une enveloppe d'à peu près 10 % de son budget qui est consacrée à la plantation des arbres en milieu urbain. C’est une bonne nouvelle pour la forêt.
Joël : Vous avez mentionné le climat. On s'attend à ce que le changement climatique ait un impact sur les forêts canadiennes. Certains arbres ont tendance à prospérer dans un climat spécifique. Si le climat change, cela peut avoir un impact sur l'ensemble du paysage forestier, quel sera l'impact du changement climatique sur les forêts urbaines?
Sarah : C'est une très bonne question. C'est vrai que d'une manière générale avec les changements climatiques, on peut s'attendre à certains endroits à des hivers un peu plus doux ou à d'autres endroits avoir des étés beaucoup plus chauds et beaucoup plus secs. Il est important de noter que les arbres sont quand même des espèces assez résilientes, donc on ne verra pas immédiatement les effets des changements climatiques sur les arbres. Par contre, à long terme, ces changements climatiques créent des stress au niveau des arbres, donc amènent une certaine vulnérabilité à ces arbres. On peut notamment penser à des invasions biologiques de certaines espèces, certains insectes ou certains envahisseurs qui vont détruire nos arbres. Je pourrais aussi ajouter que le froid est une sorte de barrière naturelle, qui a un effet protecteur sur les arbres. L'absence de ce froid va augmenter la vulnérabilité de nos arbres.
Christian : Je pourrais compléter le propos de Sarah en disant que les changements climatiques à moyen et long terme vont provoquer éventuellement, tout dépendant de la volonté des administrations municipales, de diversifier les espèces en milieux urbains. On a tous entendu parler des ravages de l'agrile du frêne. Pourquoi ça a causé tant de ravages? C'est parce que la variété d'espèces était limitée, c'est-à-dire que les villes ont planté beaucoup de frênes pour toutes sortes de considérations. De plus en plus, on réclame d’accroître la mixité ou la variété des espèces en milieu urbain pour rendre les forêts urbaines plus résilientes face aux pressions générées, notamment par les espèces envahissantes, les ravageurs forestiers et autres pressions générées par les changements climatiques.
Dans certaines villes, il y a beaucoup, par exemple, d'érables de Norvège ou certains types d'érables qui ont été considérés pour soit des considérations budgétaires ou c'est facile à entretenir, mais comme je le disais, plusieurs spécialistes qui plaident pour une plus grande variété des espèces au sein des agglomérations.
Joël : Comment décide-t-on du type d'arbre à planter et où? Comment serait la compatibilité avec l'environnement dans lequel ils sont plantés et respecter les écosystèmes existants?
Christian : Les éléments à considérer avant de planter un arbre : il faut s'assurer que le sol est adéquat, puisse accueillir l'arbre, une luminosité adéquate. Il faut décider si l'arbre est capable de tolérer l'ombre ou de tolérer énormément d'ensoleillement. Évidemment, la zone climatique. Est-ce que votre arbre peut tolérer les variations de température et de climat? Si vous êtes dans la bonne zone, vous pouvez télécharger l'application Mon Arbre produite par le Service canadien des forêts et RNCan. Également, la hauteur maximale de l'arbre, ainsi que la largeur du feuillage pour éviter qu'il touche, par exemple, les fils électriques, une question de sécurité également et les autres édifices. D'abord et avant tout, il faut s'assurer qu'on trouve les bonnes informations pour trouver le bon arbre au bon endroit qui correspond au bon écosystème auprès de votre pépinière préférée dans votre localité. Ce sont les experts.
Sarah : Voilà, effectivement, il faut connaitre le milieu, savoir quel est le milieu dans lequel on veut planter les arbres, comme Christian l'a bien décrit. Il faut aussi connaitre les spécificités de l'arbre. Qu'est-ce qu'on veut planter? Qu'est-ce qu'il préfère? Qu'est-ce qu'il ne préfère pas et voir si les deux se marient pour pouvoir optimiser la plantation de ces arbres? Je pourrais également ajouter qu'il faudrait favoriser la diversité des arbres, donc éviter de planter en monoculture.
Joël : Je vois, c'est beaucoup d'informations, mais peut-être que ce qu'on peut faire, c'est avoir un lien à l'application Mon Arbre (c'est ça?), Mon Arbre dans la description de notre balado. Que pouvons-nous faire, moi-même et nos auditeurs, pour aider les forêts urbaines à prospérer?
Sarah : Une chose que nous pouvons faire, c'est d'être de bons citoyens et de vérifier, regarder nos arbres, s'assurer qu'ils sont en bonne santé. Si un arbre, par exemple, perd des feuilles de manière anormale ou que les feuilles ont certaines tâches qui sont anormales, prévenir les services compétents. Une autre chose également que nous pouvons faire, c'est éviter tout ce qui est graffiti ou gravure sur les arbres. Je sais que c'est joli de noter un petit message d'amour, les initiales sur les arbres, mais malheureusement, ça fragilise les arbres.
Christian : Oui, tout à fait. Également, lorsqu'on prend une décision de planter un arbre, premièrement, il faut respecter son budget. Deuxièmement, choisir une essence appropriée, parce que chaque arbre compte. Évidemment, c'est pour les citoyens privés qui veulent planter un arbre sur leur terrain ou leur cour arrière. Si les gens se sentent engagés au niveau communautaire, gardez un œil sur nos administrations municipales, à savoir si les budgets des administrations municipales sont suffisants ou sont appelés à être réduits. En ces temps d'inflation, les infrastructures tombent un peu partout, les administrations municipales font des choix. Être un citoyen attentif qui observe les mairies et les hôtels de ville, parce que souvent, les questions forestières ne sont pas mises de côté, mais souvent entre la réfection d'un égout, un trottoir et planter un arbre, parfois, les choix peuvent être peu déchirants, donc il faut être un citoyen, un contribuable aussi, éclairé.
Sarah : Un autre élément que je pourrais également rajouter, c'est de laisser suffisamment de place à l'arbre pour qu'il puisse croître. Avant d'ériger une clôture ou dans les travaux de construction, il faut vraiment penser à l'arbre, qu'il a besoin de croître, qu'il a besoin de s'étendre de manière naturelle. Il a besoin de cet espace, donc ce serait bon de prendre ça en considération également.
Joël : Christian et Sarah, merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir jaser avec nous aujourd'hui.
Sarah : Merci.
Christian : Merci, ça me fait plaisir.
Joël : Merci, Sarah et Christian, pour cette conversation forte intéressante. Nous sommes vraiment choyés de pouvoir nous entretenir avec autant d'experts et d'avoir accès à leur incroyable bagage de connaissances. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous à notre chaîne. Vous pouvez aussi nous envoyer des commentaires ou partager l'épisode sur les médias sociaux. La science simplifiée a aussi un site web et une chaîne YouTube que je vous recommande fortement de visiter. Nous avons des articles et des vidéos intéressants sur le travail scientifique exceptionnel qui se fait ici à Ressources naturelles Canada. Merci de votre écoute, ne ratez pas le prochain épisode.
Annik : Vous venez d'écouter une édition spéciale de Hé-coutez bien!
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