Bienvenue à « Au-delà des prisons », une série de balados mensuels du Service correctionnel du Canada (SCC). Suivez-nous alors que nous vous emmenons au-delà des murs de notre système correctionnel fédéral, mettant en lumière le travail que nous accomplissons chaque jour pour protéger la population canadienne et transformer des vies.
Kirstan : Le programme Possibilité de justice réparatrice permet un rapprochement entre la victime et le délinquant et ouvre la voie au dialogue pour les personnes les plus durement touchées par le crime. En place depuis maintenant 20 ans, le programme offre aux personnes touchées par un crime un environnement sécuritaire où les victimes et les délinquants peuvent communiquer de manière constructive afin de remédier aux torts causés par un crime grave. Le programme est axé sur les besoins des participants et peut prendre diverses formes.
Kirstan : Les participants ont le choix de communiquer par message vidéo, par lettre ou par l'intermédiaire d'un médiateur et dans certains cas, une rencontre en personne peut être organisée. En communiquant avec le délinquant qui leur a causé du tort les victimes peuvent raconter leur histoire et expliquer les répercussions qu'elles ont subies et trouver des réponses aux questions qui sont importantes à leurs yeux. Quant aux délinquants, en participant à ce programme, ils ont l'occasion d'assumer une responsabilité véritable de leurs actes, d'exprimer des remords, de répondre à des questions et, dans certains cas, d'aider à réparer une partie des torts qu'ils ont causé.
Kirstan : Au cours du processus, on retrouve des médiateurs de la collectivité qui sont formés et expérimentés pour répondre aux divers besoins des personnes touchées par un crime grave. Ces médiateurs travaillent avec les participants pour les aider à trouver et à explorer des façons de cerner les besoins de chacun et à travailler ensemble pour déterminer la meilleure façon d'y répondre. Dans l'épisode d'aujourd'hui, on discute avec Serge un médiateur du programme, depuis son lancement national il y a 20 ans, et Sean, un aumônier qui s'est joint au Services correctionnels il y a douze ans.
Kirstan : Vous allez les entendre parler de diverses expériences qu'ils ont vécues et vous développerez une meilleure compréhension de leur rôle particulier dans le milieu de la justice réparatrice. Avant de commencer, nous tenons à vous avertir. L'épisode d'aujourd'hui traite de crimes violents, de deuils et de traumatismes. Certaines parties de la discussion peuvent être difficiles à entendre pour les auditeurs, surtout ceux qui ont vécu des expériences similaires. Si vous ou une personne que vous connaissez fait face à des problèmes abordés dans l'épisode aujourd'hui, nous vous encourageons à demander de l'aide.
Kirstan : Nous avons fourni quelques ressources dans la description de l'épisode. Merci de vous joindre à nous. Commençons sans plus tarder.
Kirstan : Donc merci beaucoup d'être ici, puis bienvenue à notre balado. Donc parlez moi un petit peu de votre expérience, votre cheminement.
Serge : En fait, j'ai appris l'existence de ces services là dans le milieu des années 90. Je connaissais des expériences du Minnesota avec Marc Brett et des expériences de la Colombie-Britannique avec Sandy Burgen et Dave Gustafsson. Disons que j'étais un peu fasciné. Comme la plupart des gens sont fascinés par cette idée que des victimes de crimes graves rencontrent les auteurs de l'infraction, ou même que certains survivants rencontrent les auteurs des crimes qui leur ont enlevé leurs enfants, leurs conjoints, des choses comme ça.
Serge : Alors donc, comme mon intérêt était porté sur la médiation jeune contrevenant-victime aussi de la justice réparatrice, j'ai cherché. J'appelle le Service correctionnel comme ça, et j'ai été invité finalement pour suivre une formation, une formation de huit jours en 2004. Donc depuis ce temps là, je suis engagé à organiser des rencontres entre les détenus et victimes.
Kirstan : Puis, si vous, je vous demandais d'expliquer c'est quoi la justice réparative en quelques mots, vous diriez quoi?
Serge : Je dirais que le service correctionnel, principalement, il s'agit surtout d'organiser des discussions, des échanges entre détenus et victimes. Si on sort à l'extérieur du service correctionnel, il y aurait d'autres définitions qu'on ajouterait ces choses là. Mais pour ici, on n'est pas en train de parler de détermination de la peine ou de cercle de paix ou quoi que ce soit. On est vraiment dans beaucoup plus proche du concept de "victim-offender mediation". Donc on est près de ça nous, en fait, avec les services correctionnels du Canada, c'est de réunir des gens, mais tout ça en réunissant deux conditions que les échanges soit constructifs et qu'ils ne menacent pas le bien être des gens.
Kirstan : Merci. Puis pour vous, parlez moi un petit peu de votre cheminement.
Sean : Il y a environ douze ans, j'ai commencé comme aumônier. Quand je rencontrais les gars, il y en avait beaucoup qui me parlaient de la justice réparatrice, puis le besoin de pouvoir parler avec les gens qui avaient blessé et un peu faire la paix et pouvoir s'expliquer. Alors j'ai commencé à faire de la recherche aussi, puis j'ai vu qu'il y avait le programme avec le SCC et aussi en communauté. Alors moi j'ai plus commencé en communauté avec le centre de service de justice réparatrice où on faisait des rencontres qu'on appelait face à face avec des auteurs et des victimes de crimes similaires.
Sean : Alors c'était jamais la personne qui avait qui avait blessé directement. Mais pour voir aussi un peu l'universalité de qu'est ce qu'une victime peut ressentir? Le mal qui peut être fait, les relations qui peuvent être brisées, puis comment on peut réparer le tout. Alors j'ai trouvé ça vraiment inspirant de voir les deux personnes vouloir discuter, comprendre. Puis je trouve que ça fait quand même une belle réflexion du travail que nous on fait en soins spirituels quand on accompagne les gars.
Sean : Alors j'ai beaucoup aimé, puis après quand j'ai eu l'opportunité aussi à avoir des choses, des conversations plus directes. J'ai vraiment voulu participer pour voir le support que je pouvais amener dans ces cas-là versus quand on le faisait en communauté.
Kirstan : Ok, donc parlez moi un petit peu des étapes. Si mettons une victime ou un détenu veut participer au programme. C'est quoi la première étape?
Serge : Il y a quelques différences entre une demande qui émane d'un détenu ou d'une victime. Mais essentiellement, ce qui est semblable, c'est qu'il y a des rencontres préalables. Et avant qu'il y ait conversation, il y a la préparation des gens. Donc c'est des gens qui se préparent à la rencontre. Donc, les médiateurs sont là pour tenir des rencontres individuelles qui vont consister à ce que des gens puissent situer leurs attentes. Qu'est ce qu'elles veulent réaliser dans cette conversation-là? Alors, ça, c'est le cadre général et par la suite, il s'agit de réunir ou sinon d'organiser des échanges qui sont des face à face, mais qui sont des lettres, qui sont des échanges audio, des échanges vidéo. Ça aussi, ça existe.
Serge : Alors je l'ai dit tantôt, j'ai commencé en disant qu'il y avait une différence entre organiser un échange quand c'est demandé par un détenu ou par une victime quand c'est demandé par un détenu, il y a quand même un travail qui est fait par l'équipe de gestion de cas. Donc tous les gens qui sont autour du détenu vont donner leur opinion. Donc, je rentre à ce moment-là, j'ai déjà une opinion favorable ou défavorable ou nuancée à l'égard de la demande du détenu. Et par la suite, j'ai la liberté de rencontrer un détenu plusieurs fois afin de vérifier les motifs pour lesquels il s'engage dans ça.
Serge : Donc il faut bien comprendre aussi qu'on ne veut pas se diriger vers une victime sans qu'on ait une certaine assise sur les profondes motivations d'un détenu. Donc, parce que l'entrée dans la vie d'une victime avec une demande, c'est quelque chose qui, on le sait, qui trouble, qui perturbe. Même si quelqu'un va nous dire oui, il y a des gens qui veulent entendre c'est quoi la demande et qui vont quand même dire non et qui vont persister. Donc plusieurs victimes qui vont nous dire on sait qu'il y a des chiffres autour de 25 % à peu près d'ouverture.
Serge : Sauf que tout le monde veut savoir. Il est connu que les victimes veulent savoir que quelqu'un a fait une demande de ce type-là et des fois, ils veulent même rencontrer le médiateur pour mieux connaître la demande, mais pas nécessairement pour accepter. Alors on pourrait poursuivre longtemps, mais en fait, c'est une opération assez longue. Donc les plus rapides que j'ai pu faire, moi, c'est après six mois. Les plus longues, c'était trois ans. Ce qui veut dire que, à certaines occasions, il y a plusieurs rencontres préparatoires, autant pour les victimes que pour les détenus.
Serge : Et si les conditions sont réunies à ce moment-là, il y a des échanges. Mais j'ai autant de préoccupations ou de finalement de précautions à prendre pour les échanges de lettres que pour un échange face à face.
Serge : Voilà. Et une fois que c'est fait, il y a toujours des rencontres post, suivies. Moi, je fais des rencontres avec détenus et victimes individuellement. Je viens voir et on regarde ensemble les impacts. Mais finalement on revoit la rencontre, son contenu et ces éléments-là.
Kirstan : Donc si je comprends bien, il n'y a pas un processus qui est pareil, ça dépend des objectifs des participants. Puis après ça, vous mettez ensemble un processus qui va les convenir. Donc vous avez parlé de lettre ou parfois c'est une rencontre où il y a différents, il y a différents formats dans le fond.
Serge : Ben c'est ça en fait. Chacun des processus est vraiment adapté pour les personnes. Donc c'est à eux à déterminer. Il y a des gens qui veulent absolument pas se rencontrer, donc où il y a des gens, une personne ne veut pas rencontrer. Puis finalement c'est des gens qui veulent pas rencontrer qui vont se décider donc et les échanges sont aussi différents. Donc j'accompagne plusieurs objectifs. Le seul critère que j'ai, c'est que les objectifs doivent être constructifs et ne pas menacer la sécurité des gens. Donc il y a des gens qui font ça pour vraiment différentes raisons, vraiment différentes raisons. Donc exemple le pardon, c'est plutôt rare que des victimes viennent pour pardonner. Il y en a qui le font. Donc si c'est le désir de quelqu'un, si c'est l'attente, nous accompagnons ces choses-là.
Serge : Donc, il y a aussi à jauger la capacité de chacune des personnes détenues et victimes de composer avec la conversation qui va se tenir.
Kirstan : Parfait. Pouvez-vous me parler d'un processus que vous avez vu? Je sais que vous ne pouvez pas divulguer des détails confidentiels, mais juste nous aider à comprendre un exemple?
Sean : Oui, bien souvent, quand on va prendre l'exemple qu'une victime demande de rencontrer un auteur. Souvent, on a des requêtes que les gens veulent nous rencontrer pour en discuter. Des fois, ils sont méfiants, ils sont incertains, ils veulent savoir le pourquoi. Alors moi, j'essaie toujours de rassurer, de dire que le processus va être fait comme on dit, un peu à la sauce de la personne, pour les besoins aussi. Puis c'est aussi de commencer à préparer la personne, alors que moi j'ai en arrière des murs de qu'est ce qui peut arriver? Des fois, on a des idées, mais j'essaie toujours de garder une ouverture parce qu'on sait jamais comment les gens vont réagir dans le positif autant que le négatif aussi.
Sean : Alors j'essaye toujours d'encourager au moins la préparation pour voir comment ils se sentent. Puis normalement, les gens que moi j'ai suivi, au moins, je les connaissais quand même assez bien. Alors j'avais déjà une idée si moi je pensais qu'ils étaient prêts ou non. Parce qu'il y a quand même un certain niveau de responsabilisation qui doit arriver avec ce qu'ils ont commis, qui ont accepté aussi, qui ont été auteurs de ces actes-là.
Sean : Ça, ça peut des fois prendre du temps. Quand quelqu'un arrive dans le milieu. Alors, moi, j'ai tout le temps dit que la justice réparatrice, c'est comme la responsabilité fois deux, c'est vraiment de se responsabiliser encore plus profondément, puis de vouloir travailler à réparer ce qui a été brisé. Alors dépendamment du gars, ça peut prendre pas longtemps, longtemps, ça dépend toujours de où eux sont rendus dans leur cheminement aussi. Mais c'est beaucoup de supporter, d'écouter, de rassurer aussi.
Sean : Quand on commence à être impliqué plus. Avec Serge, que j'ai beaucoup aimé de son approche, c'est qu'il mise beaucoup sur les mots, parce que c'est important quand on a une conversation comme elle qui va se passer. Les mots sont importants, ils peuvent être mal interprétés, peuvent être mal vus. Alors je trouve que ça aide aussi à montrer l'importance de bien s'exprimer, puis de choisir de peser nos mots. Alors c'est de quoi que j'ai beaucoup apprécié dans les fois où j'ai travaillé avec.
Sean : Comme il prend le temps de vraiment peser les mots et de faire les gars un peu tourner le regard et de dire comment vous pensez que eux vont recevoir ces mots-là. Alors je trouve que c'est vraiment un bel exercice. Ça affecte profondément les gars après ces rencontres-là.
Kirstan : Puis vous, en tant que médiateur, est-ce qu'il y a des processus qui vous viennent en tête que vous dites: Ça, c'est un vrai succès.
Serge : En fait, je pourrais dire que j'ai eu des surprises des fois sur ces questions-là.
Serge : Et j'essaierai aussi de parler du travail qu'on a fait ensemble, Sean et moi. Mais des surprises. Parce que dans le fond, j'ai le plus grand choc que j'ai eu, moi, c'était d'avoir de la difficulté à envisager pourquoi certains détenus font cette demande-là et les risques qu'ils prennent dans ça. Donc en ce sens, que faire une demande, ça veut dire que je dois aller porter une demande à une victime. Il y a déjà, je suis assez honnête quand je le fais, je leur dis qu'il y a quand même pas mal de victimes qui vont refuser.
Serge : Et c'est de voir finalement que même, même un non, mais un non accompagné d'un commentaire est souvent quelque chose de très positif pour un détenu. Donc je venais à un détenu et je pouvais lui dire écoute, la personne refuse, c'est énorme. Avec beaucoup, beaucoup de frustration et un peu de rancœur.
Serge : Elle ne comprend pas cette demande-là et la refuse. Et puis elle tient à ce que je te transmettre que c'est un refus fort. J'ai eu des gens qui m'ont dit wow, merci, merci, merci parce qu'elle l'a entendue, elle, elle prend sa décision par rapport à ça. Moi, ça m'apaise.
Serge : Parce que moi, il fallait que je le fasse, il fallait que je le fasse. Donc on m'exprime, il fallait que je le fasse, mais pas nécessairement le faire pour que ce soit un oui, même un non, et qu'elle prenne cette décision, qu'elle sache qu'elle a réfléchi à la question. Mais moi, ça me donne beaucoup. Donc je t'avoue que ça, c'est quand ça s'est passé dans mon expérience, j'étais parce que c'est pas des rencontres avec une fin hollywoodienne où les gens sortent puis ils se prennent..parce que ça aussi ça existe. Des fins hollywoodiennes où des gens se prennent ont pensé on peut pas penser nécessairement, mais qui à la suite de la rencontre des gens vont dire ben écoute, merci d'avoir accepté.
Serge : D'abord, c'est une victime qui dit merci d'avoir accepté un détenu et c'est déjà arrivé à quelques occasions que les gens disent Tu m'as rendu ma liberté.
Kirstan : OK.
Serge : Je peux maintenant. Pas toujours la même formule parce que là je donne des formules un peu caricaturales, mais c'est plus complexe que ça, mais j'ai quand même l'affaire de la caricature. Tu me permets de passer à autre chose. Tu sais, je me suis permis aussi en venant ici. Donc les gens reconnaissent les efforts qu'ils ont fait d'accepter aussi ces choses-là. Mais voilà. Donc ce sont des expériences comme ça qui sont même avec des petits mots, des refus, qui ont quand même des impacts importants.
Kirstan : C'est déjà fait que ça peut, comme vous avez dit, c'est pas toujours le but d'obtenir un pardon. Parfois, ça peut être la victime qui a une série de questions qu'elle veut poser à un détenu donc elle n'a pas de réponse. Puis elle veut recevoir, elle veut connaître les réponses, les motifs ou ça peut être plein d'autres choses. Ça dépend de quand vous avez ces discussions-là avec les victimes.
Serge : Il faut comprendre aussi que des événements qui sont très différents vont porter, vont amener certaines personnes à avoir des attentes un peu différentes. Mais il n'est pas rare qu'on accompagne des femmes qui ont été victimes d'inceste de la part de leur père et qui viennent dire à leur père des choses qui sont un peu dur à entendre et qui ne sont pas nécessairement douces à entendre non plus, et qui ne sont pas nécessairement qui ne sont pas dites non plus avec un ton calme, alors.
Serge : Mais l'important pour moi, c'est est ce que le père est capable de composer avec ça. Et si oui, à ce moment-là, on peut procéder. Donc il y a des gens, c'est pas des questions à lui poser, seulement des choses à lui dire.
Kirstan : Ok, ok.
Serge : Et ce que je veux voir, c'est comment il va se comporter quand il va entendre ça. Donc il y a d'autres personnes qui disent: Il est le seul qui était là lorsqu'il a pris la vie de ma fille. J'aimerais savoir qu'est ce qui s'est passé. Et c'est le seul. Et je sais que tout ce qui s'est dit au tribunal, ça correspond pas.
Kirstan : Puis c'est intéressant comme vous dites, parce que des fois c'est juste une direction en fait.
Serge : Il faut comprendre que le père qui accepte, c'est pas seulement une direction, il y a des il y a des hommes qui disent c'est si je peux faire quelque chose pour ma fille, j'ai détruit sa vie. Si je peux être un père, pour une fois, je vais l'être. Donc vous voyez que c'est pas je vais recevoir qu'il se passe n'importe quoi, je vais recevoir, mais mais il y a une intention de faire quelque chose pour lui permettre à elle de voir.
Kirstan : Comment ça se passe, si c'est une lettre. Par exemple, s'ils écrivent dans une lettre leurs sentiments. Puis est ce que vous avez un mécanisme pour la rétroaction après ou est ce que...
Serge : C'est évident quand il y a des lettres qui normalement plus qu'un aller retour, c'est pas juste les mots, c'est qu'est ce qu'on veut dire par cette expression là? Donc quand on va le faire par écrit, c'est pas un exercice uniquement de communication. C'est des gens qui ont des choses à se dire, mais ça va se faire par une communication. Donc quand il y a des mots qu'on sent vraiment importants, des fois le mot devient une phrase pour ajouter des éléments de précision. Donc quand on est en verbal, on peut vérifier avec l'autre.
Serge : Si tu me saisis bien, tu comprends ce que je veux dire. Mais quand on est par l'écrit, c'est assez statique. Alors donc, mon invitation, c'est est ce que tu sais que les gens, premièrement, c'est que quand quelqu'un me donne une lettre, je la relie devant lui, et c'est souvent là où les gens réalisent. Je devrais ajouter, je devrais ajouter, je devrais ajouter. Donc le travail de la préparation, de l'envoi de cette lettre-là, c'est un travail qui se construit comme ça. Donc, il y a des gens qui décident de faire ça sur le champ de modifier la lettre, et d'autres personnes qui disent laisse-moi, reviens, reviens me voir dans deux ou trois semaines, puis ma lettre sera mieux et je fais le même exercice aujourd'hui la lettre et avant d'aller porter cette lettre et bien entendu quand j'arrive avec une lettre, j'arrive pas comme ça.. Madame, il y a une lettre qui s'en vient, donc je vais vous l'apporter.
Serge : Il y a aussi une dame qui doit se préparer à recevoir cette lettre-là et on fait la lecture ensemble. Donc ce n'est pas une lecture.. Je ne laisse pas la lettre, je fais une lecture de la lettre. Il y a des consignes de toute façon, les gens s'entendent si on veut, elle peut garder la lettre ou il faut garder la lettre. Il y a des choses, mais je fais la lecture de la lettre avec madame et je travaille sa compréhension.
Serge : Ça va. J'ajoute pas d'élément de moi-même parce que je ne vais pas parler pour les détenus, mais ça peut aussi amener la personne à préparer sa propre réponse et sa lettre aussi, parce que c'est pas toujours juste des réponses, c'est des réponses dans laquelle s'ajoutent des éléments. Dans ce travail, on essaie toujours de s'accompagner. Donc je vais quand même mentionner qu'avec les aumôniers, il y a une très, très bonne collaboration et une très bonne collaboration avec les agents de libération conditionnelle aussi. Et à l'extérieur, on a plusieurs collaborations avec des psychologues, des CAVAC aussi qui accompagnent les victimes.
Serge : Je veux juste mentionner que notre travail, on n'est pas seul. Il y a beaucoup de gens qui tournent autour et qui nous appuient.
Kirstan : Puis que diriez-vous à des gens qui veulent participer mais sont un peu hésitants? Est-ce qu'il y a des avantages au programme?
Serge : En fait, la première chose que je dirais, c'est on est très bien placés pour vous donner de l'information et on ne fait aucune pression. Il y a aucune pression. Donc on se déplace à l'occasion seulement pour donner de l'information. Puis il y a des gens qui sont intéressés, qui sont pas intéressés, mais après notre passage, elles savent pourquoi elles ne sont pas intéressées. Ça va. Donc si c'est quelque chose qui trotte dans la tête d'une personne, il n'y a pas d'hésitation. On va se déplacer, on va prendre une heure, une heure 30 pour bien expliquer ou quinze minutes et et quelqu'un peut continuer sa réflexion.
Serge : On peut les diriger vers des personnes qui ont déjà participé, vers d'autres personnes qui ont déjà soutenu et sont en mesure de mieux considérer tout ce qui va autour de cette démarche-là.
Kirstan : Puis vous avez parlé un peu de processus, puis des éléments de succès qui sont parfois plus petits, dépendamment de qui on demande à qui on le demande. Mais je voulais savoir, il y a eu un processus en tant que tel qui vous a marqué dans votre carrière, que vous dites.. C'est pour ça que je continue de faire ce travail.
Serge : Ben oui, en fait. Si je continue à poursuivre cette phase de travail-là, c'est peut être parce que ça me bouscule encore. Je ne suis pas encore confortable. Je suis encore surpris. Je suis encore plus impressionné aussi, des fois par le courage que ces personnes-là ont. Donc d'une certaine manière, je sens qu'il y a quelque chose qui se fait là et que ces gens-là font. Et puis je le dis souvent, je suis un peu ébloui par leur courage et leur force, et ça me motive quand même.
Serge : C'est petit à petite échelle, c'est deux humains. Mais dans le fond, ce que je réalise aujourd'hui, c'est que c'est pas juste auprès des personnes, ça se joue aussi auprès des proches, de la famille proche des enfants. Alors je pense qu'on a réussi à agir sur un peu plus macro que juste deux personnes.
Kirstan : Puis j'ai passé la journée ici à l'établissement, puis on a parlé beaucoup de détenus, comme un être humain et cet élément-là. Puis pour vous, Sean, qu'est ce que vous apprenez en travaillant avec les détenus? C'est quoi qui vous marque?
Sean : Vous avez parlé de voir les détenus comme êtres humains. Le processus de justice réparatrice nous aide à voir le cheminement qu'ils font aussi quand ils sont dans notre garde au service. Ça nous aide aussi à avoir des fois des cycles qui sont présents en société, qu'on a avantage à discuter, enlever les tabous pour pouvoir libérer plus de personnes. Je trouve qu'il y a beaucoup de gens qui souffrent dans les ombres. Puis peut être une discussion pourrait les aider à guérir, à grandir.
Sean : Puis les gars que je vois faire ces exercices, je trouve qu'il y a ça aide à briser un peu les stéréotypes aussi. Les gens qui veulent rien savoir, qui ne veulent pas parler à leurs victimes qu'ils sont, qui n'ont pas de, qui n'ont pas de remords. Parce que je pense que les gens seraient surpris à voir le montant de remords qu'il y a entre les murs. Puis des fois la fragilité de penser à faire face, de de retourner à cet acte-là qui a créé la naissance de la nouvelle identité qu'ils vivent.
Sean : C'est quand même quelque chose de voir même quelqu'un qui a fait du chemin, qui est confortable dans sa vie, puis de voir comment il est prêt à retourner dans le but d'aider aussi à libérer les gens qui ont emprisonnés avec leur acte. Alors moi je trouve que oui, ça inspire, ça donne un sens à notre travail. Puis je pense que ça, j'aimerais ça que ce soit un service qui est de plus en plus utilisé, reconnu.
Kirstan : Et puis, pour vous, il y a eu un exemple d'un parcours que vous avez vu d'un détenu où ce que vous avez dit: On a vraiment fait notre travail ici pour l'aider à se réinsérer socialement.
Sean : Il y en a beaucoup. Je dirais la chose que j'aime le plus toujours, c'est la prise de conscience de l'impact de la conversation qu'ils ont eu pour eux, pour pouvoir aussi acheminer de pouvoir avancer encore plus, mais aussi de comment ils reconnaissent que la victime leur ont donné, de quoi pouvoir parler, pouvoir vraiment discuter. C'est de quoi je pense que beaucoup pensent qu'ils n'auront jamais la chance. Alors c'est. C'est beau à voir comment ils prennent ça, comme l'impact.
Kirstan : Puis pour vous. L'impact?
Serge : L'impact? Alors moi, j'ai le privilège de voir les impacts des deux côtés, c'est ça?
Serge : Et de m'appuyer sur les gens à l'intérieur des murs pour accompagner davantage de détenus. Donc je vois souvent plus les impacts chez les victimes. Et toujours l'encourager quand les gens réussissent à mieux composer. On va juste dire ça en mieux composé parce que je ne pense pas qu'il y ait personne qui est transformée. Je ne pense pas que la situation ait changé, mais ils peuvent mieux composer avec les lendemains de drames terribles. Alors c'est certainement quand il y a des demandes pis qu'on a ça en tête.
Serge : On se dit bon bah écoute, on va s'investir dans ça, on va écouter, puis on va laisser le temps à ces gens-là de se préparer adéquatement parce que, à la fin, il y a quand même des résultats très vite.
Kirstan : J'aime beaucoup votre commentaire de préparation parce que j'avais parlé avec quelqu'un qui voulait faire une rencontre face à face avec un détenu, mais elle n'avait jamais été dans un établissement correctionnel. Donc ça c'est aussi intimidant comme processus. Puis c'est ça, beaucoup, ça a pris beaucoup de préparation mentale avant de pouvoir justement faire la réunion, puis tous les détails étaient importants, où que les chaises étaient placées, dans quelle salle on allait être.
Kirstan : Puis elle m'expliquait tout ça, puis comment c'était important pour sa préparation.
Serge : Effectivement, il n'y a pas de détails qu'on cherche à oublier. On soulève tout, on amène tout. C'est ce qui est le plus important. C'est les motifs. Les gens y vont qui le réalisent, qui les découvre. Parce que l'idée des fois, un peu, elle est présente. Mais quelles sont les véritables raisons pour lesquelles on songe à ça depuis cinq ans? Bien, ces moments de préparation permettent d'approfondir ces questions-là et, à ce moment-là, de mieux envisager la conversation.
Kirstan : Donc, si quelqu'un est intéressé à participer et qu'ils ne sont pas prêts. Vous êtes toujours là pour donner de l'information, puis peut être deux ans, trois ans, cinq ans plus tard, ou..
Serge : Peut être jamais.
Kirstan : Peut être jamais.
Mais c'est une information qui est utile quand même. Quand on réfléchit à ça et qu'on prend une décision de ne pas y aller, de ne pas le faire, mais parce qu'on avait des informations, je pense que c'est utile.
Kirstan : Absolument. Donc merci beaucoup de vous êtes joint à nous aujourd'hui et d'avoir partagé l'information et votre vécu aussi.
Serge et Sean : Merci.
Kirstan : Un grand merci encore à nos invités Serge et Sean de s'être joint à nous pour cet épisode. Nous avons mis un lien vers la page du programme Possibilité de justice réparatrice dans la description de l'épisode pour ceux et celles qui souhaitent en entendre plus. Je m'appelle Kirstan Gagnon, votre animatrice d'aujourd'hui. Merci de nous avoir écouté.