Soigner jusqu'à se briser

🚨 Avertissement de contenu

L’épisode d’aujourd’hui aborde plusieurs thèmes sensibles, dont des violences à caractère sexuel et un suicide familial. Mélany en parle avec lucidité et pudeur. Si ces sujets sont trop proches de votre propre vécu, je vous invite à écouter l’épisode à votre rythme, à prendre des pauses ou à choisir un autre moment. L’important, c’est de prendre soin de vous.

🎙 Épisode 0.15 : « Je me suis effondrée quand on m’a posé une question toute simple » – Mélany Boucher, infirmière clinicienne

Dans cet épisode percutant de Soigner jusqu’à se briser, Mélany Boucher, infirmière clinicienne, raconte avec une sincérité bouleversante son parcours de soignante et de survivante. De l’enfance marquée par les violences et le silence, à l’effondrement en milieu de carrière, elle revient sur ce qui l’a brisée… et sur ce qui lui a permis de se reconstruire.

Forte de cette trajectoire, elle a fondé Elyade Impact, une firme qui accompagne les professionnel·le·s de la santé dans leur propre processus de reconstruction. On parle ensemble de la culture du sacrifice, des silences qui pèsent, des gestes de survie, mais aussi de la reprise de pouvoir, de la clarté intérieure et de ce qu’il faudrait changer pour rendre nos milieux plus humains.

💡 Ce qu’on aborde dans cet épisode
  • Ce qu’on apprend (ou pas) sur soi dans les formations en soins
  • Ce qu’on enfouit quand tout s’écroule
  • Ce que la société valorise chez les soignant·e·s… au détriment de leur humanité
  • Ce qu’on peut faire, concrètement, pour se relever et aider les autres à le faire
  • Ce que Mélany a compris en accompagnant ses collègues dans des milieux à bout de souffle
📢 Citations marquantes

« Je me suis effondrée quand on m’a posé une question toute simple : "Mais toi Mélany, comment te sens-tu?" » — Mélany Boucher
« On nous a dit de s’oublier, de donner, puis surtout de ne pas déranger. » — Mélany Boucher
« Puis j’espère que les gens qui vont nous écouter vont pouvoir s’identifier à quelques aspects, puis aux apprentissages que la vie t’a amenés. » — Steven Palanchuck
« Ce qui me touche, c’est ta lucidité. Tu mets des mots sur quelque chose qu’on vit, mais qu’on n’arrive pas à nommer. » — Steven Palanchuck

🧭 Pour aller plus loin

Mélany est fondatrice d’Elyade Impact. Elle a conçu le programme RENOUVEAU, une démarche structurée d’accompagnement psychologique pour les professionnel·le·s de la santé en situation d’épuisement. Ce programme est basé sur des évaluations psychométriques, des pratiques de pleine conscience et un accompagnement individualisé. Il fait actuellement l’objet d’une analyse d’impact clinique.

📩 Pour la joindre : melany.boucher@elyadeimpact.com

🆘 Ressources et soutien
  • 📞 1-866-APPELLE (277-3553) – Ligne québécoise de prévention du suicide
  • 📞 811, option 2 – Info-Social
  • 💬 535353 – Texter un·e intervenant·e
  • 💻 Suicide.ca – Service d'aide professionnel et confidentiel offert 24 h sur 24, 7 jours sur 7
  • 💡 PAMQ.org – Programme d’aide aux médecins du Québec
🎧 À propos du balado

Soigner jusqu’à se briser est un balado documentaire qui donne une voix aux soignant·e·s et à leurs proches, créé et animé par Steven Palanchuck, MD.

Une production de VociNova – La Nouvelle Voix des Soignant·e·s
Diffusée par @MedicaBot

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Le balado sur Instagram : @soignerjusquasebriser 💙
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MedicaBot – Dialogue & Dx : Chaîne YouTube

Créateurs et invités

SM
Hôte
Steven Palanchuck, MD
Médecin et fondateur de VociNova – La nouvelle voix des soignants. Créateur du balado Soigner jusqu’à se briser et de MedicaBot - Dialogue & Dx, il met en lumière la détresse des soignants et les enjeux du système de santé.

Qu'est-ce que Soigner jusqu'à se briser ?

« Soigner jusqu’à se briser » est un balado documentaire francophone qui explore la détresse des soignant·e·s principalement du Québec à travers des témoignages bruts et des discussions avec des proches et des expert·e·s. Entre pression du métier, traumatismes accumulés et failles du système, nous posons une question essentielle : qui soigne celles et ceux qui soignent?

Quand j'étais étudiante infirmière, on ne nous enseigne pas à prendre soin de nous, on
nous enseigne à prendre soin des autres et déjà on a ce penchant-là instinctif d'être

tourné vers les autres.

Je me souviens qu'on s'encourageait aussi entre nous à se dépasser, jusqu'à se vider.

C'était même valorisé.

On est vu comme quelqu'un d'exceptionnel et on aime ça.

Bonjour à toutes et à tous, bienvenue à "Soigner jusqu'à se briser".

Je m'appelle Steven Palanchuck et vous écoutez aujourd'hui le 15e épisode hors série du
balado.

Depuis le début de l'aventure, vous êtes de plus en plus nombreuses et nombreux à m'écrire
et à me partager ce que les épisodes vous font vivre.

Je voulais vous dire que ça me touche profondément.

Le fait que le balado soit maintenant cité dans les médias et qu'il circule aussi
largement, c'est une grande source de sens pour moi.

Merci beaucoup d'être là.

Aujourd'hui, je vous présente ma conversation avec Mélany Boucher.

Mélany est infirmière clinicienne de formation, puis vous allez voir qu'elle a traversé
pas mal de tempêtes, autant dans sa vie personnelle que dans le réseau de la santé.

Sauf qu'au lieu de se laisser briser, elle a choisi de transformer ses épreuves en moteur
de changement.

Mélany est issue d'un milieu difficile marqué par des blessures profondes, mais elle a été
capable de transformer ses douleurs en ressources,

puis ses apprentissages en solutions concrètes pour vraiment faire une différence dans le
quotidien des soignantes et des soignants.

Aujourd'hui, elle prend la parole courageusement pour briser le silence qui peut souvent
entourer l'épuisement professionnel, malheureusement.

Elle partage une histoire qui est vraie, qui est parfois difficile à entendre, mais qui
est toujours pleine d'espoir.

Elle montre qu'en prenant le temps de s'arrêter, de s'écouter et de se recentrer, on est
capable de faire émerger des réponses.

Je pense qu'elle est la preuve vivante qu'ensemble, on peut vraiment faire la voie à un
changement durable.

Je voulais aussi vous mettre en garde de choses importantes avant de commencer.

L'épisode d'aujourd'hui va aborder plusieurs thèmes qui pourraient être très sensibles
pour certaines personnes, dont des violences à caractère sexuel puis un suicide familial.

Mélany en parle avec beaucoup de lucidité, de pudeur et de courage, mais si ces sujets
sont trop près de votre propre vécu, je vous invite à écouter la conversation à votre

propre rythme,

à prendre quelques pauses ou bien à choisir un autre moment.

L'important, c'est de vraiment prendre soin de vous.

Je vous laisse avec cette conversation qui est, d'après moi, essentielle, puis je vous
souhaite une bonne écoute.

Premièrement, pourquoi avoir accepté cette invitation-là à partager au balado?

Premièrement, c'est le message, le titre de ton balado et aussi ton témoignage et le
témoignage de tes invités.

Je sentais que ces deux parties-là de ce que j'entendais sont venues vraiment
m'interpeller.

Et aussi, c'est comme ton parcours de vie, ce que tu as vécu et ton parcours de soignant.

La raison pour laquelle je décide de partager ça, c'est parce que j'ai des messages aussi
que j'ai envie d'offrir derrière tout ça.

J'ai un parcours de vie particulier et ce que je veux surtout enseigner derrière ça, ce
dont j'ai envie, ce n'est pas de faire pitié, surtout pas.

J'ai pas envie d'aller chercher la sympathie et tous ces "Ah mon Dieu, elle fait bien
pitié", et puis tout ça.

Mais non, le message que je cherche à livrer derrière ça, c'est que peu importe ce qu'on
vit, peu importe ce à quoi on fait face, peu importe les difficultés ou les traumas c'est

qu'il y a toujours de l'espoir et il y a toujours à quelque part une part de lumière qui
va apparaître.

De jamais se laisser aller à du cynisme ou à la perte d'espoir, non, au contraire.

Il y a toujours quelque chose qui va se manifester à un moment donné et d'aller vers ça.

Puis C'est souvent quelque chose qu'on a tendance à vivre dans l'isolement, je trouve,
cette souffrance-là.

Puis je te partagerais que d'avoir exprimé publiquement mon vécu, autant personnel que
professionnel, j'ai beaucoup entendu des gens qui parlaient de courage.

Mais un peu comme tu dis, je n'ai pas fait ça, en fait, pour avoir l'air

courageux ou pour recevoir de la sympathie, mais plutôt pour aller rejoindre les gens là
où ils sont.

Puis en me disant, mais si ça peut aider, ne serait-ce qu'une seule personne à se sortir
de la honte, qui est une émotion qui m'avait beaucoup enseveli, envahi, durant une longue

période.

Puis on dirait que

de parler publiquement, c'est un peu de reprendre le contrôle sur sa propre histoire puis
d'en faire un sens.

Exact.

Et je te rejoins beaucoup sur tout ce que tu viens de dire.

J'ai envie de te partager cette histoire-là parce que justement, la raconter donne aussi
beaucoup de sens à ce que je fais.

Et si ça peut inspirer des gens

à se dire que moi aussi je suis capable et moi aussi j'ai besoin de justement libérer
quelque chose qui me pèse, tant mieux.

Moi, c'est ça, je viens d'un milieu défavorisé, très défavorisé.

Mes parents aussi viennent de milieux défavorisés, donc c'est quelque chose qui s'est
transmis de génération en génération, je pourrais dire.

Et là d'où je viens,

il y a de l'abus, il y a de la violence, il y a de la néligeance et il y a surtout du
silence.

Le silence étant comme une façon de se protéger de la honte justement qui nous pèse quand
on vient de là.

Moi, à l'âge de trois ans, j'ai été abusée par une cousine qui me gardait.

Les images de cet événement-là m'habitent encore aujourd'hui, mais j'ai fait un énorme
travail sur ça et je pourrais dire que je suis en paix aujourd'hui avec ça.

À l'âge de 10 ans, j'ai été abusée par le cousin de mon père aussi qui était en train de
nous garder.

Et encore aussi à l'âge de 10 ans, on venait de déménager dans un secteur plus défavorisé
encore.

Et j'étais toute nouvelle dans une école en 5e année.

J'ai été victime d'intimidation pendant deux ans, bien soutenue et très intense.

Chaque matin, je me levais et je devais affronter la chef de la gang de cette école-là et
toute sa gang de gars, j'étais terrorisée.

Je vivais avec la peur au ventre chaque jour et je me demandais chaque fois que je me
rendais à l'école, j'étais seule, j'avais pas d'amis, chaque fois que je me rendais à

l'école, je me disais est-ce que je vais revenir ce soir à la maison?

J'avais vraiment l'impression que

j'allais peut-être mourir.

Quand je la voyais frapper et s'en prendre à d'autres élèves, je me disais si je tombe
sous ses poings, c'est sûr que je ne survis pas à ça.

J'étais tellement toute petite, j'étais fragile.

Elle faisait quasiment trois fois mon poids et elle était enragée.

Dans dans la classe, tout le monde s'y prêtait.

J'étais comme la personne idéale parce que j'étais vulnérable, j'étais fragile, j'avais
personne avec qui me défendre et je ne me défendais pas.

J'étais la personne idéale pour devenir le bouc émissaire d'un groupe qui cherchait à
faire sortir leur violence et leur souffrance.

Et je me souviens que j'ai été humiliée, j'ai été...

Il y avait de tout.

Et je me souviens très bien un jour où la vibration, la terreur qui m'habitait, ça a
tellement secoué en dedans de moi, qu'il y a quelque chose qui s'est brisé.

Je sais pas c'est quoi, mais il y a quelque chose qui a brisé et heureusement j'ai survécu
à ça.

Je restais quand même assez en équilibre à travers tout ça.

Je trouvais mon petit refuge à moi.

Et

après ces deux années-là intenses, l'été de mes 12 ans a été un petit peu plus reposant,
mais mon père a été victime d'une dépression profonde et majeure.

Il était dans un conflit de travail qui l'habitait habitait énormément.

Au début de mon année de secondaire 1, lorsque j'ai recommencé l'école le 9 septembre, il
s'est suicidé.

Sans laisser de d'héritage, sans laisser de lettre, sans réponse.

Je me souviens très bien le jour où c'est arrivé, je le sentais que ça allait arriver.

Je ne sais pas pourquoi.

On ne me l'avait pas dit, mais je savais que c'est ça qui était arrivé.

Ma famille a cherché à nous le cacher pour nous protéger.

Mon plancher s'est ouvert en-dessous de moi.

Je me souviens très bien que j'ai déconnecté de mon corps.

Je n'étais plus du tout en contact avec mes émotions.

Le corps étant bien fait, il a fait ça pour que je puisse continuer.

Un mois après ça,

j'ai été violée par un collègue de classe, alors que j'étais encore vierge.

Donc, ça a été un autre traumatisme qui venait s'empiler sur ceux que j'avais.

Et, bon, à l'âge de 14 ans, j'ai été agressée par deux hommes, alors que j'étais en voyage
en Floride.

Donc, tout ça accumulé, moi, je suis partie comme ça dans la vie.

Avec tout ça,

sans être capable d'en parler parce que le milieu d'où je viens, on ne parle pas.

On reste dans le silence et c'est comme ça.

Comment j'ai fait pour traverser tout ça?

C'est encore une question à laquelle je pense aujourd'hui.

Mais comment j'ai fait?

Mais curieusement, je pense que ce qui m'a portée à travers tout ça, c'est que

j'étais profondément habitée par la sensation que j'étais ici pour quelque chose, que
j'avais quelque chose à accomplir.

Puis cette seule impression-là, une conviction profonde, je devais rester en vie.

Je devais rester là et je devais continuer.

Et bien, ma vulnérabilité a toujours été quelque chose sur laquelle je me suis basée.

Parce que je me suis rendue compte que lorsqu'on révèle notre vulnérabilité, ce qui est
derrière ça, c'est une grande force.

C'est le courage et l'audace d'aller de l'avant malgré tout.

Donc, j'ai entamé la vie comme ça.

touchant.

Merci pour la confiance et pour ton partage.

Je suis vraiment désolé d'apprendre que tu aies traversé tout ça.

Par contre, je suis impressionné par ta résilience.

On dirait souvent que la résilience, c'est après coup qu'on réalise qu'elle était en nous.

On dirait que pendant, en tout cas, je vais parler pour moi, mais c'était plus la perte
d'espoir qui était forte.

Mais quand on passe au travers, puis qu'on regarde un peu dans le rétroviseur, puis on se
rend compte à quel point on a fait du chemin.

Je pense que c'est là que le parcours vient à faire du sens.

Moi, ce qui m'a sauvé, je dirais, c'est que j'avais

la conviction aussi à l'intérieur de moi que ce qui me permettrait de sortir de ce
monde-là, parce que j'étais quand même consciente qu'il y avait autre chose qui se passait

dans le monde.

Je voyais des gens qui avaient l'air heureux.

Je voyais des gens qui avaient accès à des choses à laquelle j'avais pas accès.

Et j'ai curieusement fait le lien à un moment donné que ce qui nous distinguait, c'était
l'éducation.

Et la santé, la santé psychologique entre autres.

Et je me suis dit si je m'éduque, si je continue à aller à l'école le plus longtemps que
je peux et si je reste en bonne santé, autant physique que mentale, je pense que je vais y

arriver.

Et là, ma mère — c'était ma mère plus tard qui y avait des problèmes de santé mentale —
elle sombrait vraiment dans une dépression aussi, puis elle était en train de m'entraîner

avec elle.

Et moi, vu que là, j'allais à l'école, j'étais étudiante en sciences infirmières.

J'avais appris qu'il existait des CLSC et dans ces CLSC-là, il y avait des travailleurs
sociaux, des psychologues qui pouvaient nous aider si on avait des difficultés de l'ordre

ce que ma mère vivait.

J'ai fait parfait,

il faut que j'y aille.

Mais si j'avais pas été éduquée, je l'aurais jamais su.

Et là, c'est pour la première fois de ma vie, j'avais 19 ans à l'époque, je m'étais assise
dans un bureau de travailleur social et j'ai fait part de ma détresse parce que j'aidais

beaucoup ma mère et elle était en train de m'entraîner avec elle.

Et pour la première fois, on me disait, et toi, Mélany, comment te sens-tu dans ça?

Je me suis effondrée.

Je me suis effondrée.

J'ai dit pour la première fois de ma vie, il y a quelqu'un qui me demande comment je vais.

Excusez, ça me touche encore.

Comment je vais?

Et ça, a été un tournant dans ma vie.

J'ai pris conscience que, mon Dieu, je suis importante.

Je suis importante.

Il y a de l'espoir.

Et ça, ça m'a donné une force immense, une force de vivre, une force de continuer.

Et c'est ce qui est arrivé.

J'ai pris ma vie en main.

Je suis partie de chez ma mère parce que je devais partir.

Et j'ai commencé ma vie.

Et je me suis retrouvée dans un chez moi.

J'ai poursuivi mes études et je suis devenue infirmière.

Je suis devenue infirmière parce que

j'ai la fibre en moi de vouloir aider les autres et de vouloir faire une différence dans
la vie des gens.

Et je pense que c'est comme un peu un trait commun que l'on a entre les soignants.

Je trouve, c'est quelque chose qu'on a en commun dans le domaine du soin.

Le don de soi, souvent la tendance à la culture du sacrifice, même, je dirais, de
prioriser le bonheur et le bien-être des gens autour de nous avant le nôtre.

En thérapie, une des choses que j'avais comprise, c'est que je pense inconsciemment, je me
disais que j'avais moins de valeur que les personnes autour de moi, et donc que ce n'était

pas important finalement de faire attention à moi.

Et que c'était, je pense, un privilège de pouvoir aider les autres autour de moi.

Donc, on dirait que cette tendance-là à vouloir donner, même

quand il ne reste plus rien à donner, même quand j'étais dans mes périodes les plus
basses, j'ai continué à soigner.

Je ne le faisais pas avec le cœur et l'humanité, je pense, que ça prend, mais j'étais
encore fidèle au poste.

On dirait que c'est très fréquent, je trouve, cette culture du sacrifice-là et du don de
soi.

Oui, je le retrouvais beaucoup chez mes collègues.

Moi, je suis arrivée dans le système de la santé quand j'ai commencé ma carrière.

J'arrivais en plein virage ambulatoire et en pleine crise du verglas, donc en décembre
1997.

Et dès lors, on nous apprenait

qu'on devait travailler très fort, on devait apprendre sur le tas comme on disait, avec
essais et erreurs des fois et c'était dur.

Il fallait se débrouiller, il fallait être très très débrouillard et il fallait comprendre
très vite comment ça fonctionnait.

Il y avait eu un départ massif des infirmières seniors qui étaient là comme pour nous
épauler, nous montrer un peu.

Mais le départ de ces infirmières-là a amené comme un milieu de travail très difficile
parce que bon, on était chacune pour soi.

Et j'ai appris souvent à mes dépens.

Mais bon, c'était comme ça.

Et avec le temps, bon, on a eu des réformes, on a eu des grandes restructurations et ça,
ça nous a vraiment énormément déstabilisées.

Mais tout ça pour en arriver, c'est que bon, j'ai fait mon chemin et j'ai été faire du
développement international aussi.

Je suis allée travailler en Afrique de l'Ouest, donc j'ai fait des projets et je suis
revenue ici après au Québec et bon, j'ai continué à travailler dans le milieu de la santé.

Et j'ai terminé ma carrière, les 11 dernières années de ma carrière en première ligne au
CLSC de Côte-des-Neiges.

Et je dirais que c'est là que j'ai vécu mes plus belles, mais aussi mes années les plus
difficiles.

Par après, j'ai connu un peu ce que c'était que de travailler vraiment dans une équipe
interdisciplinaire.

Je sentais vraiment que je participais à la construction d'une belle société.

On accueillait des immigrants, on les accompagnait dans leur processus.

J'aidais des familles à donner la vie, à avoir un nouveau-né.

Je travaillais au programme Enfance Famille.

Je participais aussi avec la chaire de recherche SHERPA sur

comment travailler auprès des communautés avec lesquelles on vivait des difficultés et
comment on arrivait à rester dans une relation de soins à travers ça.

Donc j'étais vraiment très fière de ce que j'ai amené et de ma contribution.

Et pour moi, ça faisait énormément de sens.

Mais quand est arrivée la réforme Barrette et qu'on a du tout restructurer,

j'ai toujours été une personne qui cherchait toujours des solutions et qu'on voyait
vraiment au bien-être de nos équipes à travers ça parce que pour moi, pour bien soigner,

il faut d'abord être un soignant qui est bien.

Et pour prendre soin des autres, faut d'abord prendre soin de nous.

Et donc, je m'assurais que bon, on allait recréer un environnement où on allait être
encore bien et encore une bonne équipe solide qui continue.

J'étais en train de faire ma maîtrise à l'époque aussi.

J'étais avec un conjoint avec qui j'avais une relation toxique, des jeunes enfants.

Bref, j'en avais pas mal sur les épaules et Comme bien des infirmières, on se sent comme
des guerrières.

Écoute, on entreprend beaucoup de choses.

On est comme des super women,

cordonnier mal chaussé, Je donne, je donne, je donne, je donne, mais j'oublie de me donner
à moi.

J'avais cette vision-là pour les autres, mais quand il s'agissait de moi, on dirait que
là, je ne faisais pas partie de ça.

J'oubliais que bon, je devais prendre soin de moi.

Et je suis tombée.

Le 9 janvier 2020, deux mois avant la COVID, moi, je suis tombée.

Je suis tombée en épuisement professionnel.

Tout a lâché.

Et je suis retombée avec moi-même chez moi et En me posant vraiment la question, mais où
est-ce que je m'en vais maintenant?

Si je ne suis plus une soignante, si je ne peux plus aider personne, qui suis-je
maintenant?

Et ça, ça m'a...

Pour la première fois de ma vie, je ne savais plus où je m'en allais.

Ma vie avait perdu un peu son sens.

Et ça a été difficile.

Et là est arrivée la COVID.

Et bon, je restais quand même en contact avec des amis collègues de mon milieu de travail.

Et c'est là que tout a commencé, mes inquiétudes.

Je les entendais me témoigner comment ça se passait sur le terrain.

J'épargne tous les témoignages, mais bref, c'était vraiment difficile.

Et là, je me disais que je me sentais impuissante parce que j'étais chez moi et je ne
pouvais pas les aider.

Je ne pouvais pas rien faire.

Et ça, m'a...

Je n'ai pas les mots pour dire comment je me sentais, mais j'étais enragée de ne pouvoir
rien faire.

venir aussi avec une grande culpabilité, savoir qu'on n'a pas la capacité de faire ce
pourquoi on est né des fois, de donner.

On dirait qu'à ce moment-là, c'est encore pire.

Tu parlais un peu de l'identité, qui suis-je si je ne suis pas un soignant, une soignante?

Je me suis posé la même question

quand je n'avais plus la capacité d'être le docteur, puis que j'avais concentré tout mon
temps, mon énergie dans mes études médicales, mon début de pratique.

Puis moi aussi, avec la pandémie, j'étais dans une dynamique de dévouement jusqu'à temps
que je m'épuise complètement.

Comment as-tu pu gérer tout ça?

Bien, ce que j'ai fait, c'est que j'ai été puisée dans mes ressources du passé, ce qui m'a
permis de me relever de tous ces traumas-là.

En allant puiser là-dedans, l'art m'a beaucoup aidée.

Je peins aussi et le fait de peindre et de me retrouver justement en moi et de m'arrêter,
de m'autoriser cet arrêt-là,

mais ça devait servir à quelque chose.

Ça devait servir à quelque chose.

Et pendant tout cet arrêt-là, j'ai réfléchi, j'ai lu.

J'allais lire les études qu'il se faisait avec l'INSPQ, toutes les recherches qu'il se
faisait en étudiant l'impact que la COVID avait dans les milieux soins.

Et en faisant cette revue de littérature-là, me sont apparues des solutions.

Je me suis dit, pourquoi pas essayer de réfléchir à voir comment maintenant on va devoir
composer avec tout ça.

Ce qui m'a permi d'aller de l'avant malgré le sentiment d'impuissance, c'est de reprendre
mon pouvoir d'agir.

Comment mon pouvoir d'agir peut aller de l'avant malgré tout ça?

À travers la revue de littérature et tout ça, j'ai lu les solutions qui étaient proposées
et tout ça et ça m'interpellait beaucoup

parce que j'ai toujours été une personne de solution et de chercher un chemin pour sortir
d'une situation difficile ou peu importe.

J'entrevoyais peut-être un changement de carrière parce que je ne me revoyais pas
infirmière.

Et je me disais maintenant comment je vais pouvoir aider les autres si je ne suis plus
infirmière.

Et c'est là que, bon, en étant avec un orienteur professionnel, même deux,

les deux m'ont dit écoute Mélany, on te regarde, le coaching, est-ce que ça te parle?

Je ne connaissais même pas cette profession-là et je suis allée lire sur cette profession
et j'ai fait ok, je pense que c'est pour moi.

Donc avec un bac en soins en sciences infirmières, une maîtrise en sciences des religions,
je me dis allons maintenant vers le coaching et ça a été une révélation pour moi.

Parce que tout le long que j'ai fait cette formation-là et je suis allée jusqu'à aller en
France pour aller chercher certains autres outils et méthodes particulières.

C'est là que j'ai vu la voie qui était possible pour aider mes pairs.

Et c'est aussi là que j'ai fait, ok, ma carrière, ma vie prenait maintenant un nouveau
sens.

Je vais maintenant aider, mais

plus juste la population, mais maintenant j'ai le devoir d'aider mes pairs, d'aider les
soignants à faire face à tous les enjeux auxquels on fait face, les aider à prévenir, à

intervenir et à les soutenir dans ces situations-là.

Et ça fait depuis quatre ans, depuis 2020 et 2021, que j'ai commencé ce projet-là et que
je travaille sans relâche là-dessus,

à trouver une solution pour les accompagner à travers ça.

Et le chemin, je l'ai fait moi-même parce que bon, après mon congé maladie, suite à cet
épuisement professionnel-là, j'ai reçu les ressources du PAE de notre CIUSSS et Dieu

merci, ils ont été là.

J'avais une travailleuse sociale, j'avais une psychologue qui travaillait avec moi, un
ergothérapeute en santé mentale, mon médecin, ils ont tous fait un travail fantastique.

Ils m'ont aidé, ils m'ont accompagné et puis j'ai pu retourner au travail.

Mais par contre, ce qui est arrivé, c'est qu'une fois que je suis retournée dans
l'organisation d'où je suis venue, bien eux n'avaient pas vraiment fait de...

n'ont pas pu faire de changement.

Et de retourner dans un milieu qui n'a pas fait ces changements, mais même au contraire,
il s'est restructuré pour être un régime plus d'attaque, j'y suis pas arrivée.

Et c'est là que j'ai fait, si je reste là, ça ne marchera pas, je ne peux pas.

Alors je dois sortir de la boîte et réfléchir en dehors de la boîte pour voir comment je
peux venir soutenir et aider à travers ça.

Et c'est ça, pendant quatre ans, bien, bon, j'ai travaillé avec une psychologue, j'ai
travaillé avec une DG, j'ai travaillé avec des équipes pour mettre au point ce

programme-là que j'appelle le programme RENOUVEAU.

J'ai fait aussi des formations pour bon, compléter un peu les connaissances qu'ils ont
besoin pour s'outiller à travers tout ça.

Voilà, donc c'est maintenant, c'est ça qui a pris du sens, c'est ça qui m'a donné
maintenant du sens à travers tout ça.

J'ai vraiment la ferme sensation que c'est pour ça ce que je vis aujourd'hui, que tout ça
est arrivé.

Et c'est ce qui me donne la force et l'élan d'aller de l'avant.

Tu sais, je lisais à un moment donné

qu'on est des êtres profondément de connexion.

Et c'est dans cette connexion-là qu'on est capable de guérir de nos traumas, de nos
difficultés.

Et j'aimais ça aussi le partage que tu as eu avec Jean-Marie Lapointe, on peut guérir de
toutes sortes de traumatismes ou de toutes sortes de douleurs

quand on trouve un sens.

Et ça, ça m'a parlé énormément.

Et c'est ce que je vois aussi à travers l'accompagnement des gens que je fais, c'est
lorsque je crée cette connexion profonde-là avec eux et qu'on arrive à trouver un sens à

ce qu'ils vivent quand ils finissent par le trouver, que c'est là que la guérison
commence.

Ça résume un peu ce pourquoi je suis ici.

Merci de m'avoir invitée parce que j'ai envie que ça continue.

J'ai envie de pouvoir rendre ça accessible.

Et je trouve ça intéressant aussi ce que tu disais comme message, qu'on fait face

à un mur, j'ai l'impression, toi tu le vois dans ta perspective comme un mur qui nous
sépare de...

Moi, il y a un mur qui me sépare de la possibilité de les aider, je dirais surtout les
infirmières.

Les médecins semblent un peu plus accessibles, mais les infirmières, il y a comme quelque
chose dans le travail que je fais pour pouvoir les rejoindre, les atteindre.

C'est comme un mur invisible qui m'empêche d'y accéder.

Tu parlais qu'il s'agit d'un problème de culture.

Et je trouve ça intéressant dans ce que tu dis.

Peut-être as-tu une réponse ou peut-être que dans la discussion qu'on a, on peut trouver
un chemin.

Je pense que c'est souvent pas un problème de ressources dans les rencontres que j'ai
faites pour le balado parce que les ressources existent.

Dans les milieux, il y a souvent plusieurs initiatives locales qui existent pour toutes
les catégories d'employés ou les médecins.

Pour nous, les médecins, on a le Programme d'aide aux médecins du Québec.

Tu mentionnais les programmes d'aide aux employés.

Souvent, je trouve que ce sont des initiatives, par contre, qui fonctionnent en silos,
puis qui vont aller vraiment, je dirais, verticalement, puis de compartimenter les

professionnels, les infirmières ensemble, les médecins ensemble, les autres professionnels
ensemble, mais je pense que

c'est une erreur, bien humblement, parce qu'il faudrait connecter sur ce qui nous rejoint,
c'est-à-dire notre humanité.

Puis de reconnaître que soigner peut être une expérience, je dirais, à la limite
traumatisante sur certains aspects.

Puis qu'il faut donc être capable de rejoindre les gens là où ils sont.

L'enjeu n'est donc pas au niveau des ressources, d'après moi, parce que, en tout cas, je
vais parler pour moi, je savais que ces ressources-là existaient, mais pour plusieurs

raisons, une raison physique, je pense que je n'avais tellement plus d'énergie que même si
on m'avait proposé une initiative, un groupe de soutien, j'aurais trouvé des excuses,

j'aurais dit que

j'avais pas le temps, alors que c'est plus que je ne voulais pas prendre le temps, parce
que le temps, on s'entend que c'est constitué de multiples choix qu'on fait 24 heures à la

fois.

Donc, c'était pas de savoir que ces ressources-là existaient, mais c'était de me donner la
permission de les utiliser, puis surtout de me rendre compte que j'étais pas tout seul.

Puis ça, ça m'a pris du temps

à le réaliser parce qu'on a souvent tendance à croire qu'on vit ces choses-là tous et
toutes individuellement alors qu'il y a plein de choses qui vont nous unir, mais il faut

briser le mythe de l'invulnérabilité.

Il faut parler de cet engagement excessif-là qu'on a souvent dans le domaine des soins.

Nommer la stigmatisation aussi.

Autant celle qu'on a à l'intérieur de nous, envers nous-mêmes, qu'on peut avoir des fois
très inconsciemment, puis sans aucune malveillance, entre collègues.

J'ai vu des médecins pratiquer alors qu'ils étaient physiquement très malades, alors que
si on avait des

patientes ou des patients qui viendraient nous voir avec les mêmes problématiques, on
dirait, "Mon Dieu, mais ça n'a pas de bon sens".

Pourtant, nous, on l'accepte.

Je pense que c'est un peu ça aussi le but de la démarche du balado, c'est de briser ces
tabous-là et de faire en sorte que...

on revient à la honte, que les gens se sortent de la honte.

Nos ordres professionnels, il faut se rappeler que la première mission, c'est toujours la
protection du public, de protéger la profession, puis protéger le public, puis c'est tout

à fait correct.

Mais ça a comme effet secondaire que parfois les gens hésitent à demander de l'aide, de
peur de paraître faible ou de briser des obligations déontologiques.

Alors que moi, je stipulerais l'inverse, c'est que si on reste dans la honte, dans notre
souffrance, puis que ça nous empêche de demander l'aide qui est nécessaire, bien ça, ça ne

rend pas service du tout au public.

Ça fait de nous des personnes qui peuvent juste éventuellement se détériorer, puis ça va
détériorer donc la qualité des soins.

Donc c'est pour ça que je pense qu'il faut prendre un pas de recul puis se demander, pour
soigner une population, bien, ça nous prend des soignantes puis des soignants en santé.

Puis il ne devrait pas y avoir de honte à dire ça parce que, puis là on reprend souvent
l'image du masque d'oxygène en avion.

Il faut être capable

de mettre son propre masque avant d'aider les autres.

Mais ça, changer une culture, ça va prendre, je pense, du temps.

Puis il va falloir probablement commencer tôt aussi.

je pense, dès les études, dès qu'on commence notre parcours de professionnalisation, je
pense aller rejoindre les gens puis de montrer aussi...

Tu parlais du pouvoir d'agir.

On peut agir sur notre personne.

Quel genre de modèle de rôle on veut être aussi pour notre entourage.

Ça, je pense qu'on peut agir là-dessus.

J'ai des étudiants en médecine, des résidents qui travaillent avec moi.

J'essaie de leur montrer, dans la mesure du possible, qu'on peut essayer d'être équilibré,
qu'on a le droit d'être malade.

Je pense que c'est en montrant l'exemple que peut-être on peut changer progressivement la
culture.

Oui, j'ajouterais à ça que je me souviens très bien aussi Quand j'étais étudiante
infirmière, comme tu dis, on ne nous enseigne pas à prendre soin de nous, on nous enseigne

à prendre soin des autres et déjà on a ce penchant-là instinctif d'être tourné vers les
autres.

Je me souviens qu'on s'encourageait aussi entre nous à se dépasser, à se donner, jusqu'à
se vider.

C'était même valorisé.

Exactement.

On est vu comme quelqu'un d'exceptionnel et on aime ça.

Et c'est ça, indirectement ça nous encourage à aller vers ça.

Et je me souviens très bien que cette habitude-là venait vraiment me chercher.

Puis

pour aussi dire que moi ce qui m'a profondément marquée dernièrement, c'est que mon
conjoint a un cancer et il a dû se faire opérer dernièrement.

Il a des traitements de chimiothérapie et j'ai vécu le système de la santé d'aujourd'hui
dans le regard du patient.

Et j'essaie de rester positive à travers tout ça et j'essaie de garder un regard
constructif pour voir maintenant qu'est-ce qu'on peut faire à travers tout ça.

Parce que je vois que la culture même du milieu change et tout ça et que ça avance et ça
évolue vers une direction que je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut faire et

changer.

C'est en se ralliant ensemble, c'est en unissant nos forces et c'est en parlant justement
pour briser les tabous de la honte qui va faire qu'on va pouvoir avancer.

J'espère que mon plus grand souhait c'est

qu'on continue à en parler, mais qu'on essaie de réfléchir à ce que je peux faire
aujourd'hui qui va faire qu'on va changer quelque chose.

Parce que sans système de la santé et sans système de l'éducation, je vais parler comme
témoin à travers ça.

Un enfant qui vient de milieu défavorisé, moi je n'aurais jamais eu la chance que j'ai eue
si on ne préserve pas ça.

C'est une richesse qu'on a dans notre société et si on veut préserver la société de
demain, mais ça prend le système de la santé en santé.

Tout comme le système d'éducation en santé aussi.

Je crois énormément en notre société.

Je crois énormément en nos capacités, en ce qu'on peut faire.

Je trouve qu'on est une culture résiliente, on est une culture qui sait s'entraider quand
on est dans des moments difficiles.

Et je souhaite vraiment qu'on se rallie pour pouvoir travailler ensemble et y croire à
nouveau.

Et tant et aussi longtemps qu'il y a de l'espoir, tout est possible.

...

Mais c'est mon espoir, c'est mon rêve et c'est la raison pour laquelle je suis ici
aujourd'hui avec toi.

On dirait que la pandémie nous a beaucoup éloigné, par l'isolement, puis la distanciation,
puis tu parlais de l'importance de la connexion.

Moi aussi, je pense que dans les choses que j'ai comprises, ce qui faisait du sens pour
moi.

C'était cette connexion-là.

Puis comme tu dis, qu'est-ce qu'on peut faire concrètement aujourd'hui pour

se reconnecter puis pour passer à l'action?

Parce que je te dirais, une des choses qui me paralysait, moi je suis une personne très
cartésienne, j'aime réfléchir, faire des liens, mais des fois j'ai tendance à m'empêtrer

là-dedans puis à rester dans mes pensées.

Ils appellent ça en anglais le «analysis paralysis», d'être paralysé par l'analyse, puis
d'oublier qu'à un moment donné, il faut commencer quelque part, puis que les premiers

gestes, ça ne sera pas parfait, mais on commence, puis éventuellement, on fait un deuxième
pas, puis un troisième, puis après ça, on se retourne, puis on réalise qu'on en a fait du

chemin.

Je veux parler bien humblement du balado.

J'y pensais depuis plus qu'un an, depuis que j'avais eu des pertes de collègues par
suicide, de par mon propre épuisement, de par la souffrance que je constatais chez

certains collègues encore.

Mais je me disais, il faut en parler.

Mais on dirait que j'étais vraiment, je te dirais, juste trop concentré sur trouver la
meilleure idée ou la meilleure façon possible.

À un moment donné, je me suis dit, bien, on commence, puis ça sera ça.

Puis éventuellement, on s'ajustera en cours de route.

Puis j'essaie d'appliquer ce principe-là

un peu à toutes les sphères de ma vie.

C'est un peu ça que j'ai l'impression que tu nommes, qu'il faut commencer.

On commence petit, et éventuellement, on est capable de faire boule de neige.

Oui, tout à fait.

Oui, c'est d'agir.

C'est correct d'en parler.

Il faut pour ouvrir les portes et briser les tabous, comme tu dis.

Mais moi, je suis une personne d'action.

Oui, c'est beau les statistiques, c'est beau les recherches, et il en faut.

C'est nécessaire.

Mais qu'est-ce qu'on fait maintenant?

Qu'est-ce qu'on fait?

Qu'est-ce qu'on peut faire?

Il y a toujours quelque chose qu'on peut faire.

Et j'essaie d'entraîner les gens à agir maintenant.

Il faut faire, c'est ça.

Et je trouve parfois que c'est ça qui manque un peu.

Et c'est la raison pour laquelle j'ai fait tout ce que j'ai fait jusqu'à maintenant depuis
quatre ans.

J'ai fait des choses et ce sont des outils concrets qu'on peut mettre en application et
qu'on fait et qu'il y a quelque chose qui se passe maintenant.

Ce qui m'amène à toucher au sujet des solutions.

Quels outils utilises-tu ou quelles solutions verrais-tu pour faire ce changement-là?

En fait, je pense qu'il faut intervenir à deux niveaux.

Je pense qu'il y a une de tes invités qui parlait, qu'il faut intervenir au niveau de
l'individu, mais il faut aussi intervenir au niveau de l'organisation.

Si un change et que l'autre ne change pas, il n'y a pas de possibilité de durabilité.

C'est que tout d'abord, c'est d'intervenir et de prévenir cette souffrance-là qui est déjà
présente à travers le programme d'accompagnement.

Et une fois que les gens sont en processus de pouvoir s'outiller pour ne plus retomber
dans les mêmes patterns ou ce qui les a épuisés, parce que la personne a des prises de

conscience à faire sur elle-même.

Elle a un changement à faire au niveau de son mode de vie, des changements à faire dans
les choix qu'elle fait, dans la façon dont elle se traite elle-même.

Plein de choses à comprendre, plein de liens à faire pour ensuite donner du sens à

ce qu'elle a envie de recréer pour elle-même.

Et si on la retourne, une fois qu'elle a tout fait ce chemin-là et ce travail-là, et
qu'elle est prête, qu'elle a retrouvé son énergie, lorsqu'on la retourne dans son milieu,

si le milieu n'a pas apporté ces changements, la personne va retomber et c'est ce qui
m'est arrivé.

Donc, il y a le milieu aussi où il faut intervenir.

J'ai aussi développé un outil de mesure qui permet de poser un diagnostic

qui évalue 35 déterminants et à travers ces 35 déterminants-là, celui qui est le plus
prioritaire, on peut intervenir à ce niveau-là.

Voilà, donc c'est d'éduquer, d'amener les personnes à apporter des changements.

Une des choses qu'on m'a mentionnée, c'est que souvent, on va s'attarder, par exemple, aux
milieux ou aux équipes qui sont dysfonctionnels ou dans lesquelles il y a un taux

d'absentéisme plus élevé ou qui a des difficultés organisationnelles, relationnelles.

C'est une chose, mais on devrait aussi s'intéresser aux équipes qui fonctionnent bien, aux
milieux, qui s'épanouissent, puis se demander pourquoi?

Qu'est-ce que ces gens font de différent?

fait, Parce que bon, ce n'est pas toutes les équipes qui ne vont pas bien.

Justement, bon, j'ai...

J'ai des équipes avec lesquelles je suis intervenue.

Bon, on apporte des petits ajustements que eux, ils ont voulu, mais ce sont des équipes
qui vont super bien, qui ont une belle confiance verticale, organisationnelle et des

gestionnaires dévoués à leurs employés qui veulent vraiment qu'ils aillent bien.

C'est tout à fait remarquable.

Et je leur dis bravo pour le travail que vous faites.

Il faut les féliciter aussi, il faut souligner ça.

Mais oui, ils sont inspirants parce que quand je vais dans d'autres milieux, où c'est plus
difficile, mais je m'inspire de leurs actions

pour leur dire, moi j'interviens dans un milieu et ça fonctionne.

Donc allez-y si vous voulez faire comme ça, je vous le dis, ça apporte des changements.

Donc oui, il faut s'en inspirer tout à fait.

C'est pas facile parce que pour avoir discuté avec plusieurs gestionnaires, les consignes
viennent d'en haut, on doit composer avec des contraintes avec lesquelles on n'est pas

toujours d'accord comme gestionnaire.

Puis oser faire les choses différemment, souvent ça dérange.

Alors

que quand on se donne la permission de l'essayer et de vraiment mettre l'humain en
priorité, ça peut donner des résultats.

J'ai quelques unités dans mon hôpital qui fonctionnent un peu, qui sont un peu le village
gaulois de l'hôpital.

Mais après ça, on se demande, qu'est-ce qui se passe de différent?

Souvent c'est la personne, c'est le gestionnaire ou la gestionnaire qui peut faire toute
la différence, puis c'est souvent ce qui est nommé.

De redonner aussi un sentiment de pouvoir puis de liberté aussi aux individus, dans
l'aménagement des horaires, la gestion des absences, de redonner de l'autonomie, aussi un

sentiment d'autonomie.

C'est souvent ce qui revenait du côté des employés.

Puis après ça, on se rend compte, mon Dieu, j'ai moins d'absentéisme, je paye moins de
temps supplémentaire parce que les gens vont avoir confiance qu'ils peuvent avoir les

congés qui vont être demandés en avance.

À ce moment-là, au final, c'est même une économie monétaire.

Ce n'est pas juste humain.

Oui.

aussi d'argent, puis parfois c'est le langage qu'il faut utiliser dans le milieu de la
gestion, mais les données sont là aussi par rapport à ça.

J'aime beaucoup ce que tu dis et ça rejoint un peu ma vision aussi.

C'est oui, effectivement, c'est très bien que, bon, c'est une gestion un peu top down
qu'on appelle, les ordres viennent d'en haut, ça, on le sait.

Mais je crois beaucoup aussi à l'approche terrain, que, bon, les solutions peuvent venir
aussi du terrain.

Je ne sais pas ce que tu en penses, avec ce que tu nous dis, c'est que

pour venir du terrain moi aussi, c'est que les gens qui sont dans le quotidien avec les
enjeux et les difficultés auxquelles ils font face, eux aussi ont réfléchi déjà à des

solutions et ils les connaissent et ils ont souvent d'excellentes idées et qui
fonctionneraient.

Et malheureusement, des fois, je trouve qu'on devrait les écouter plus et ils ont envie
aussi de participer

à ces changements-là et à ces solutions-là, ils sont prêts à faire beaucoup de choses.

Et justement, ce que je fais aussi à travers mon entreprise, c'est de les accompagner
justement à identifier les enjeux prioritaires et à trouver leurs propres solutions et

leurs propres plans d'intervention.

Et la mise en place, ils s'en occupent.

Et ça amène d'excellents, de super beaux changements.

Et c'est efficace parce qu'on met à la pâte tout le monde ensemble et chacun participe.

Il y a de la motivation parce que bon, ils sentent qu'ils prennent part à quelque chose
qui va bénéficier à tous.

Donc c'est très intéressant de travailler à ce niveau.

à construire aussi la relation de confiance entre l'employé et son employeur finalement.

Quand il n'y a pas de confiance, souvent ça amène à une distanciation ou un désengagement.

Après ça, on tombe dans un cercle vicieux, malheureusement.

Si je prends l'exemple des infirmières, les temps supplémentaires obligatoires, on épuise
les équipes.

Et ça fait en sorte que les gens s'absentent encore plus, ce qui met de la pression
supplémentaire sur les gens qui restent.

Donc, à un moment donné, il faut, comment je dirais ça, pour reprendre les termes d'une
personne, d'un dirigeant connu, mais il faut shaker les colonnes du temple.

Donc, il faut oser faire les choses différemment pour avoir des résultats différents.

L'autre question que je pose souvent à mes invités, c'est si tu pouvais parler à une
ancienne version de toi-même avant tout ton parcours, tes expériences de vie, qu'est-ce

que tu aurais aimé comprendre avant ou de quoi tu aurais aimé être mise en garde?

Je pense que j'aurais voulu me dire, me mettre en garde contre mes propres limites à moi
que je me mets souvent.

Je me dirais, en fait, on est notre pire ennemi souvent.

C'est nous qui nous mettons nos propres limites.

Fais-toi confiance.

C'est la petite voix qui nous parle à l'intérieur de nous, notre intuition qui nous dit
quoi faire des fois qu'on veut taire, mais fais confiance à ça.

Si elle est là, si elle parle, c'est parce qu'elle a quelque chose d'important à dire et
il faut que tu l'écoutes.

Fais confiance et respecte la dans ce qu'elle dit.

C'est souvent quelque chose que j'avais appris à taire, justement, cette voix
intérieure-là, cette intuition, parce que ça correspondait pas à l'image que je voulais

projeter ou que ça me donnait l'impression de ne pas être suffisant ou de ne pas avoir
assez de valeur.

On parle souvent de mettre ses limites.

Je pense que de définir ses limites, c'est une chose, mais de les faire respecter, c'en
est une autre.

On parle souvent du concept de la cohérence, de ce que je dis, ce que je fais, ce que je
pense.

Tout ça est aligné.

Puis de reconnaître aussi que les émotions sont là pour une raison.

Quand j'ai une sensation physique, bien maintenant j'essaie de prendre une pause, de me
laisser l'occasion de la vivre, cette émotion-là, de me permettre de la ressentir, puis

après ça de l'identifier, qu'est-ce que je sens, puis ensuite de voir pourquoi, puis de
pouvoir l'exprimer par la suite.

On dirait que plus on le fait,

plus c'est aidant, plus c'est facile aussi.

Mais on dirait qu'au début, avant que j'aie mon passage en thérapie, tout ça était
chaotique dans ma tête.

Cette voix intérieure-là était noyée dans tout le reste du bruit.

Puis de prendre le moment de l'écouter, puis de me donner la permission de le faire,

c'est encore un défi, je veux dire, même à ce jour, je ne prétends pas avoir toutes les
réponses.

Mais je trouve que des conversations comme j'ai eu avec toi aujourd'hui, par exemple, ça
redonne le sens de ce que je veux faire.

C'est ce dont je me suis rendu compte à travers mes études en sciences des religions parce
que j'ai toujours été une personne en quête de sens.

Le sens est toujours super important pour moi.

Ce dont on se rend compte, c'est qu'on vit dans une ère et une société occidentale

très très axées sur le développement du mental et du cognitif.

On se sert énormément de notre cerveau et on est beaucoup beaucoup dans nos pensées et
dans notre tête.

Et c'est ça qui est valorisé et c'est ça qui est encouragé au détriment de notre vie
intérieure, de ce qui se passe ici, un peu côté peut-être un peu spirituel, mais de notre

vie intérieure je dirais, de ce qui se passe à l'intérieur de nous.

Moi ce qui m'est arrivé, c'est que

mes traumas qui sont arrivés très tôt dans mon enfance m'ont amené tout de suite à me
connecter avec ces émotions-là qui m'habitaient, puis ça brassait beaucoup.

Et j'étais très jeune à me connecter à ça, et très jeune, j'ai dû composer avec ça pour
pouvoir faire face à tout ce qui se passait, malgré mon jeune âge.

Moi, j'ai énormément développé ce qu'on appelle l'intelligence plus émotionnelle.

En haut aussi, mais c'est tout ça qui s'est développé.

Contrairement à la majorité des gens, on est plus dans notre tête.

Et ça m'a amené vraiment à être des fois en décalage avec le monde qui m'entoure.

Mon Dieu, il me semble qu'il y a quelque chose qui est différent et que je n'arrive pas à
savoir pourquoi.

Et c'est ça qui fait qu'aujourd'hui, la majorité des gens, on est beaucoup dans notre tête
et on est déconnecté de ce qui se passe ici.

Et cette intelligence-là qui nous habite plus profondément intérieurement comme notre
intuition, on n'entend plus clairement, on n'entend pas clairement qu'est-ce que ça nous

dit.

Et c'est un langage, c'est un langage qui parle, c'est un langage qui communique et c'est
important d'apprendre à décoder ce message-là et ça c'est l'histoire, c'est un travail

d'une vie.

Mais moi, j'ai réussi à développer cette espèce de lecture-là qui décode.

Et c'est ça que j'enseigne souvent aux gens que je rencontre.

C'est d'aller voir là et d'apprendre à lire ce qui se passe.

Parce que ici, oui, c'est très bien que ça nous sert pour apprendre des choses point de
vue académique et tout.

Mais lorsqu'on entre en relation avec soi-même et avec les autres, dans notre entourage,
avec nos collègues et tout, c'est ce langage-là qui prend le dessus et qui est utile.

C'est ça qui est manquant en ce moment, mais souvent quand les gens reconnectent avec ça,
en tout ça a été ça pour moi aussi, quand j'ai reconnecté, puis je pense que pour toi

aussi, quand on reconnecte avec ça et qu'on apprend à lire, qu'est-ce qui se passe, que là
on a accès à quelque chose d'autre qui nous permet de vivre de manière plus équilibrée, je

dirais plus harmonieuse avec ce qui nous entoure.

Je dis souvent que l'antidote au syndrome de l'imposteur, c'est l'authenticité et la
vulnérabilité.

Quand je suis authentique, quand je suis vulnérable, quand j'arrête de jouer un
personnage, parce que veux dire, une grande partie de ma vie, c'était ça, c'est d'avoir

appris par mécanisme de défense à jouer un personnage, de montrer aux autres ce que je
voulais bien que les autres voient de moi.

Puis, à moment donné, c'est tellement drainant, tout ça, de tout le temps masquer ou
déformer.

Puis je le dis pas nécessairement dans un sens péjoratif, mais de toujours essayer de se
montrer sous un certain jour, alors que je veux dire, la réalité étant ce qu'elle est,

bien, on a des bonnes, on a des moins bonnes journées.

Puis c'est correct, puis il faut normaliser ça.

Après ça, de se savoir authentique, bien, ça me permet un peu de baisser ce jugement-là
que j'avais envers moi-même, de ne pas être à la hauteur, de ne pas en faire assez, de

toujours vouloir en faire plus.

Puis après ça, de me dire que ce que je fais, c'est déjà bien, que juste moi, je suis
suffisant, puis que

ma valeur ne dépend pas du regard des autres.

Ça, ça m'a pris du temps à réaliser.

Oui, je me rappelle aussi que j'ai été longtemps comme ça aussi à projeter une image de
moi sur mon meilleur jour.

Que j'étais la femme forte, j'étais la femme brillante et sur qui on pouvait compter, qui
était capable de prendre tout le sort des autres sur ses épaules et allez-y suivez-moi.

On va y arriver.

Mais ce dont je me suis rendu compte, c'est que aussi à la longue, je ne sais pas, toi, si
c'était comme ça, mais à la longue, c'est que ça use de sorte qu'on est obligé après de

maintenir cette image-là.

Essayer de la maintenir même dans les moments difficiles, que c'est là que moi je perdais
pied.

C'est pas possible de maintenir ça tout le temps.

Des fois, je veux dire, l'effondrement, ça fait partie de la vie.

On va tous et toutes vivre des expériences.

C'est sûr que, je veux dire, on n'est pas tous exposés au même contexte, aux mêmes
milieux, aux mêmes traumas, aux mêmes tragédies.

Mais...

Je pense que le fait d'être humain vient avec le risque de se blesser au sens large du
terme.

Il faut juste, je pense, accepter ça.

Quand je dis accepter, n'est pas de refouler non plus, c'est de juste se dire, constater
avec une,

envers soi-même, une bienveillance.

Bien de dire, bien OK, j'ai vécu ça, ça a donné telles conséquences.

Puis pour moi, une des choses qui m'a aidé, c'est que j'ai arrêté de vouloir aussi tout
expliquer puis tout justifier, mais de me dire, bien pourquoi je suis comme ça, puis

pourquoi j'ai telles pensées, puis pourquoi telle chose m'est arrivée.

Jusqu'à un certain point, des fois, c'est pas important, tu sais.

De savoir que c'est là, une chose, mais après ça, de voir comment on se retrousse les
manches, puis comment on fait en sorte que la vie continue.

Oui, ça me parle, ce que tu dis.

De se rendre compte que oui, on n'est pas obligé de tout comprendre.

Qu'il y a des choses, des fois, qui sont juste comme ça pour le moment et qu'on doit
accueillir cet état d'être-là, même s'il est inconfortable en ce moment, d'apprendre à

tolérer jusqu'à un certain point cet état d'inconfort-là et de se dire, qu'est-ce que
j'aurais besoin de me dire en ce moment ou qu'est-ce que j'aurais besoin de faire dans ce

moment-ci

de difficulté, dans ce moment difficile et de répondre à ce besoin-là qui est derrière
tout ça.

Que derrière tout sentiment inconfortable, c'est qu'il y a un besoin qui est insatisfait

et que c'était un peu une partie de notre responsabilité de voir à répondre à ce
besoin-là.

Des fois, c'est seulement ça.

Une fois qu'on fait confiance, on dit "OK, OK, j'aurais besoin de faire ça.

Je vais le faire." Essayer de le faire, des fois, c'est ça qui manque.

Oui, c'est...

même de reconnaître d'avoir ce besoin-là, c'est pas toujours évident.

Puis tu parlais d'émotions inconfortables.

J'apprécie le mot parce que ce ne sont pas des émotions négatives.

Il n'y a pas d'émotions positives ou négatives.

Ça peut être confortable ou inconfortable.

Mais de l'accueillir puis d'identifier le besoin.

Des fois, c'est plus difficile que de juste l'engourdir, cette sensation-là, avec...

ou de la fuir ou de...

Puis pour plusieurs personnes, ça va peut-être être différent.

Pour certaines personnes, ça va peut-être être même le travail.

Tu sais, on veut...

Pour ne pas ressentir cette émotion-là, cet état-là désagréable, bien, je vais m'engourdir
dans le travail, je vais essayer de faire des choses

qui donnent un sens, de me sentir utile en travaillant, au lieu de faire le travail
d'écoute sur soi-même, puis de savoir bien, c'est quoi finalement le besoin qui est non

répondu.

Je sais pas toi, mais moi aussi, je suis allée là-dedans.

Je suis allée dans une certaine fuite.

Je dirais, on a tous étant jeunes, fait le party et vous travaillez très fort,
entreprendre plein de projets en même temps, juste comme pour...

C'est comme si on était dans une forme de croyance que si on ne sent pas bien, si on est
dans une émotion inconfortable, c'est pas correct.

C'est pas correct, ça ne va pas, ça ne marche pas, c'est pas accepté.

Il faut être dans quelque chose qui nous drive, il faut être dans quelque chose où je sens
de l'adrénaline ou des sensations fortes.

On est un peu dans une culture qui est comme ça, qui encourage ça.

Mais que avec le temps, ça nous conduit à perdre pied et à s'effondrer.

C'est de voir aussi cet événement-là ou ce moment-là de souffrance ou ce moment
difficile-là, que c'est une invitation à se retrouver avec soi-même.

Il ne faut pas avoir peur de s'arrêter.

Et que c'est normal, des fois, de prendre le temps de s'arrêter.

Et je trouve que dans la majorité des gens que je rencontre, c'est cette difficulté-là, de
prendre le temps de s'arrêter et d'être pleinement présents au moment.

La vie va tellement vite aussi, la société dans laquelle on vit, le fait d'avoir des
familles, des enfants, le travail.

On dirait que des fois, on est entraîné dans un espèce de tourbillon, puis qu'on perd le
contrôle carrément de sa vie, puis de ces moments-là qu'on aimerait vouloir prendre

pour ralentir.

Mais encore là, je reviendrais à ce que tu nommais, puis le pouvoir d'agir, puis les
petites pauses qu'on peut trouver, bien, on essaie de les exploiter là où elles sont.

Moi, c'est dans ma voiture.

Quand je me rends au travail ou que j'en reviens, bien, j'ai souvent des conversations
avec moi-même ou je vais écouter

des balados, je vais écouter de la musique pour me changer les idées, je vais chanter dans
la voiture.

De trouver des petits sanctuaires comme ça pour quand même se donner des moments pour soi
malgré tout.

Des moments pour soi pour aller entendre justement ce qui se passe à l'intérieur et ce qui
est en train de se dire ou ce qui est en train de se passer.

Juste être à l'écoute de ça.

Et c'est pas facile effectivement à cause de, comme tu dis si bien, c'est que on est
entraîné des fois dans des tourbillons, puis on n'est même plus conscient qu'on a une

conscience.

On n'est même plus conscient de ce qui est en train de se passer.

On fait juste être dans le flot qui va tellement vite.

Et on s'y perd.

Et j'ai même quelqu'un à moment donné qui me dit on est comme désencodés.

Désencodés de cette vie qui se passe là à l'intérieur de nous, qui nous appelle et qui
nous demande et qu'on n'entend même plus.

Je pense qu'un des chemins qui mène justement vers l'équilibre et la guérison de cet
épuisement, c'est justement ça, c'est de réapprendre à arrêter ou à ralentir.

Parce que je trouve que, et ça, bien des gens aussi me l'ont partagé, c'est dans ces
moments de paix et de calme intérieur que souvent des solutions insoupçonnées se révèlent.

C'est dans ces moments de calme-là qu'il y a des choses qui se révèlent, qu'on entend des
choses qui se révèlent, alors que des fois on court aussi d'avoir nos réponses, des

solutions, mais des fois c'est de prendre le temps de s'arrêter et que c'est là ça se
passe.

Comme disait Jean-Marie Lapointe, à un moment donné, un coup qu'on a atteint, cette paix
intérieure-là, elle devrait ou elle doit devenir non négociable, puis de se mettre dans

des conditions pour l'atteindre puis la maintenir.

Écoute, je voudrais terminer là-dessus en te remerciant.

Pour le moment qu'on a passé ensemble, je te remercie encore grandement pour ta confiance,
pour ton partage très, très touchant.

Puis j'espère que les gens qui vont nous écouter vont pouvoir s'identifier à quelques
aspects puis aux apprentissages que la vie t'a amenés,

puis je te félicite en fait pour ta grande résilience.

Merci beaucoup.

Ça a été un plaisir de partager ce moment-là.

Et on aura l'occasion de se reparler très bientôt.

Avec plaisir!