Signal nocturne

« Ce qui m'avait vraiment frappée, c'est que je n’étais même pas au courant qu'il y avait eu une histoire de l'esclavage aussi importante au Québec, et que la plupart des esclaves étaient autochtones. »

Avec une tisane à la réglisse dans les mains, l'activiste et l’artiste multidisciplinaire Émilie Monnet se confie avec douceur au réalisateur et animateur Julien Morissette.

L’artiste d’origine anishinaabe et française raconte la genèse de son dernier projet ô combien ambitieux, Marguerite. Elle revient sur ses rencontres marquantes et inspirantes faites lors de sa quête pour remonter sur les traces de Marguerite Duplessis, la première esclave autochtone à avoir lutté juridiquement pour obtenir sa liberté.

Après avoir abordé des sujets difficiles comme l'esclavage et la traite des femmes dans ses créations, Émilie Monnet s'imagine parler d'amour et de sensualité avec les langues et la flore qui l'entourent.

Laissez-vous guider et enivrer par la poésie et la conception musicale des extraits d’Okinum et de Marguerite. Les deux balados sont disponibles sur toutes les plateformes d’écoute en ligne.

Show Notes

« Ce qui m'avait vraiment frappée, c'est que je n’étais même pas au courant qu'il y avait eu une histoire de l'esclavage aussi importante au Québec, et que la plupart des esclaves étaient autochtones. »

Avec une tisane à la réglisse dans les mains, l'activiste et l’artiste multidisciplinaire Émilie Monnet se confie avec douceur au réalisateur et animateur Julien Morissette.

L’artiste d’origine anishinaabe et française raconte la genèse de son dernier projet ô combien ambitieux, Marguerite. Elle revient sur ses rencontres marquantes et inspirantes faites lors de sa quête pour remonter sur les traces de Marguerite Duplessis, la première esclave autochtone à avoir lutté juridiquement pour obtenir sa liberté.   

Après avoir abordé des sujets difficiles comme l'esclavage et la traite des femmes dans ses créations, Émilie Monnet s'imagine parler d'amour et de sensualité avec les langues et la flore qui l'entourent.

Laissez-vous guider et enivrer par la poésie et la conception musicale des extraits d’Okinum et de Marguerite. Les deux balados sont disponibles sur toutes les plateformes d’écoute en ligne.

Creators & Guests

Host
Julien Morissette
Co-fondateur et directeur artistique de Transistor Média, Julien Morissette a réalisé et animé plus de 200 épisodes de balados comme Synthèses, Daniel Bélanger : Rêve encore, Signal nocturne, L'heure de radio McGarrigle et Les amours extraordinaires.

What is Signal nocturne?

Chaque vendredi sur le coup de 22 h 00, Julien Morissette reçoit des artistes de partout au Québec, issus de la littérature, du théâtre, du cinéma et de la création sonore et musicale. Découvrez des entrevues passionnantes, des textes inédits, des performances intimes et des conceptions sonores envoûtantes. Une production de La Fabrique culturelle de Télé-Québec, en collaboration avec Transistor Média.

ID INTRO
Ce balado est une présentation de La Fabrique culturelle de Télé-Québec, en collaboration avec Transistor Média

BLOC 1 - CITATION + THÈME_____________________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 1]

Dans son roman « Les falaises », Virginie De Champlain écrit :

Les sorcières
les fées
dans la nuit agitée

Les cavernes sombres
Où les peuples cachés
M’attendent

Vous écoutez Signal nocturne

BLOC 2 - TEXTE INTRO_________________________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 2]
Quand je me promène dans les rues du Vieux-Aylmer, autour du phare où François et moi passons nos vendredis soirs, je me réjouis quand je croise des promeneurs nocturnes.

À toute heure de la nuit, y’a toujours des gens qui marchent : solitaires, en duos ou en petits groupes.
Sur les berges de la rivière, au quai où les voiliers sont bien cordés, dans les rues centenaires du village.

Je croise des rock stars déchues et des insomniaques en quête de distraction.
Des vieilles amies qui profitent de la nuit étoilée et des fêtards qui appréhendent le prochain couvre-feu.

Ce soir, j’ai croisé une artiste remarquable et je l’ai invitée à prendre le thé, bien au chaud, dans le studio.

Émilie Monnet est une créatrice originaire d’Aylmer, née d’une mère anishinaabe-algonquine et d’un père d’origine française.
On pourrait situer son travail au croisement du théâtre, de la performance, des arts médiatiques et du son.

Il y a quelques hivers, j’étais allé à sa rencontre dans le secteur du Pontiac.
Elle m’avait reçu, en compagnie de Sophie Cadieux, au chalet familial, où elle avait parlé de ses origines et de son parcours.

ÉMILIE MONNET [PROXÉMIE SAISON 3]
Je pense j'avais toujours envie d'être… d'être comédienne ou d'être une artiste. Je je… Ma mère elle m'a toujours donné cet éveil ou cette curiosité par rapport à à la culture ou à l’art. Pis j'ai beaucoup lu aussi quand j'étais ado. Puis après, c'est venu vraiment plus vers le tard. En fait il y a vraiment eu une révélation, mon chum de l'époque était, était malade, et puis il avait un cancer puis c'était terminal en fait. Fait que j'étais aux soins palliatifs avec lui. Puis il y a eu, là il est entré dans un coma, puis à ce moment-là, tu vois j'étais avec lui, je veillais sur lui, puis j'ai eu comme un déclic où je me suis dit : Ben un moment donné, je vais avoir 40 ans, ça va venir plus vite que ça va venir. Et puis j'ai pas envie d'avoir de regrets dans ma vie. Puis c'était vraiment ça mon mon secret ou mon désir profond… Je l'avais pas avoué encore, donc donc ça a été vraiment ce déclic là ou je me suis dit, j'ai pas envie que j'ai pas envie que la vie passe puis que j'ai 40 ans et que je me dise que j'ai pas fait ce que j'avais vraiment envie de faire donc ça a été ce déclic-là.

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 3]
On va donc traverser la nuit en compagnie d’Émilie Monnet, en commençant avec un extrait d’Okinum.

C’est une pièce écrite et mise en scène par Émilie Monnet, publiée aux Herbes rouges.
L’oeuvre continue d’être présentée sur scène, depuis sa création, en 2018.

En langue anishinaabemowin, Okinum veut dire « barrage »

Écoutons les premières minutes de la version sonore d’Okinum, créée en 2021.

BLOC 3 - EXTRAIT OKINUM______________________________________________

Début d’Okinum - 0:00 à 3:44

BLOC 4 - PRÉSENTER ENTREVUE________________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 4]
Émilie et moi on a pris le thé ensemble, dans notre phare d’Aylmer, à quelques rues d’où ses parents habitent toujours.

On s’est rencontrés pour discuter de Marguerite, un projet fascinant sur l’histoire de Marguerite Duplessis, une esclave autochtone qui a lutté pour sa liberté en 1740.

L’oeuvre d’Émilie se décline en trois formes : une pièce de théâtre, un parcours sonore et une série balado, sur laquelle j’ai eu la chance de travailler avec elle.

Depuis qu’on se connaît, on boit toujours la même tisane à la réglisse, avec des arômes d’orange, de cannelle et d’anis étoilée.

BLOC 5 - ENTREVUE 1 ________________________________________

JULIEN MORISSETTE
Est-ce que ton thé est bon?

ÉMILIE MONNET
Mon thé est bon. Hahaha! Mais en fait, moi, c'est une des choses que j'aime beaucoup dans dans dans, quand je fais des enregistrements sonores là. J'aime ça entendre, ben souvent on doit du thé aussi là, surtout en milieu autochtone. Donc tsé d'entendre les bruits des gens qui qui sirotent le thé. Puis t'as l'impression de sentir un peu la, même la chaleur du thé ou le réconfort que ça procure à la personne qui parle. J'aime vraiment ça.

JULIEN MORISSETTE
Tellement! Pis t'as fait beaucoup d'entrevues quand même dans les, dans les derniers mois, que ce soit pour Okinum, pour Marguerite.

ÉMILIE MONNET
Ouais.

JULIEN MORISSETTE
Est-ce que c'est quelque chose que t'as découvert? Est-ce que t'as toujours aimé ça faire des entretiens, enregistrer ça?

ÉMILIE MONNET
Ça fait quand même un petit moment que que j'fais ça pour mon plaisir aussi. Pour archiver, documenter aussi la parole des, ben surtout des aînés ou des gens qui ont, qui ont des savoirs à transmettre ou avec ma prof en anishinaabemowin aussi. Donc ouais, j'aime ça documenter, j'aime ça. Puis, souvent, ben j'avais pas fait grand chose avec ça avant artistiquement. Tsé, à part, à part juste de documenter, d'archiver pour pour pour moi, pour mon processus, mais. Mais j'aime vraiment ça. J'aime vraiment ça inclure la parole documentaire, en fait, dans mon travail.

JULIEN MORISSETTE
Qu'est ce que tu retrouves là-dedans que t'as pas dans une écriture qui plus soit théâtrale ou littéraire?

ÉMILIE MONNET
Une relation, je dirais. Je pense, c'est ce qui m'intéresse aussi beaucoup. C'est de sentir la... La réciprocité de l'échange. Parce que souvent on va aller, on va aller faire des recherches et tout ça. Mais, et on se laisse inspirer, imprégné par ce qu'on, ce qu'on, ce qu'on découvre. Mais je trouve que dans l'entretien, dans l'oralité, on sent cette cette proximité, cette, ben cette réciprocité aussi parce que la personne va s'ouvrir ou va, va se confier selon la relation qu'elle a aussi avec avec toi. Donc, ça j'trouve que c'est vraiment précieux. Pis j'trouve que l'oralité permet d'avoir accès à ça, à la, la relation qui est tissée entre entre la personne qui interview et la personne qui qui qui donne des informations. Mais en fait, finalement, quand moi je, je fais des entrevues, je remarque que plus je partage un peu de qui je suis ou de mes réflexions, plus la personne va aussi s'ouvrir davantage.

JULIEN MORISSETTE
Heille, je me souviens, Émilie, j'pense que ça va faire deux ans. T'es venue à Transistor. Et cette fois là, je ne sais pas si on avait bu du thé. Peut être plus un gin. Et tu m'avais parlé de ce projet là sur Marguerite Duplessis. Je connaissais pas le nom. Tu m'as fait découvrir, cette femme, ce personnage historique, en me disant que tu voulais travailler sur cette figure là. Que c'était un un sujet qui te trottait en tête depuis de nombreuses années. Comment t'as découvert Marguerite Duplessis? Comment elle est entrée dans ta vie?

ÉMILIE MONNET
Ben ça fait un moment déjà. Mais c'est une histoire qui qui m'habite quand même depuis. Depuis ma rencontre avec son histoire. C'était y a peut être 12, 13 ans. Quand j'ai déménagé à Montréal. Pis j'avais une amie qui faisait des études aussi. Elle faisait beaucoup des marches sonores. Pis elle elle préparait son doctorat là dessus. Donc des fois, je l'accompagnais. Puis y'a, y avait un tour avec l'autre Montréal, sur le Montréal autochtone. Donc, je suis allée, par curiosité. Puis on était dans un autobus, puis on se promenait un peu partout. Puis, à un moment donné, on s'est arrêté sur la rue Saint-Paul. Puis... C'est ça, la garde a commencé à parler de Marguerite Duplessis. Moi, à l'époque, ce qui m'avait vraiment frappé, c'est que j'étais même pas au courant qu'il y avait eu une histoire de l'esclavage aussi importante au Québec. Puis que la plupart des esclaves étaient autochtones. Ça m'a, ça m'a un peu complètement wow, c'est fou. Je je. J'étais pas au courant de ça.

Donc c'est un peu parti de ça. Puis après, ben j'ai j'ai j'me suis renseignée un peu. J'ai, y a, y'a des choses sur Internet quand même su elle. Y'a des historiens qui se sont penchés sur son cas. Parce que elle a entamé en fait un un processus qui n'avait jamais été entamé avant par une personne mise en esclavage. C'est à dire qu'elle a adressé le Conseil supérieur de la Nouvelle-France pour pour faire reconnaître sa liberté. En fait qu'elle était née une femme libre. Et c'était la première fois dans l'histoire que une personne mis en esclavage.... ben, c'est ça, avait, avait un procès pour faire reconnaître sa liberté. Mais aussi une personne autochtone. Donc, c'est une une pionnière, une précurseur. Elle a pas gagné. Évidemment, le système de justice, à l'époque, elle était pas fait pour que des personnes mises en esclavage ou des autochtones ou même des femmes puissent obtenir justice. Mais elle, elle aurait pu créer un précédent. Et ça c'est... tsé c'est quand même important. Donc, j'avais comme envie de de ramener sa mémoire à la surface. Puis puis aussi d'interroger pourquoi est-ce qu'on on sait pas son histoire? Ou pourquoi est-ce qu'on parle pas de l'esclavage ici, en, au Québec, en Nouvelle-France…

Mais moi, ce qui m'intéresse aussi, tsé dans son histoire. Plus qu'un personnage historique, c'est de voir les résonances de son histoire aujourd'hui pour pour des femmes aujourd'hui. Donc, c'est là dessus que que en fait, que j'avais envie de de me concentrer, avec ce projet.

JULIEN MORISSETTE
Et t'as rencontré plein de gens : C'est quoi le, la trajectoire que qu'à eu ce projet là dans les dernières années?

ÉMILIE MONNET
Ben... Beaucoup de choses. Y'a eu, bon, y a eu la pandémie, en fait aussi. Au début, je devais même aller au Nebraska, puis au Missouri. Parce que ça, ça aurait été de là qu'elle qu'elle, qu'elle serait en fait. Si elle n'avait pas dit la vérité dans son procès parce qu'elle elle argumentait qu'elle était née de de monsieur Duplessis. En fait, c'était son père. Et que sa mère, c'était une une femme autochtone esclave. Mais bon, après, y a des historiens qui disent que c'est peu probable. Que en fait, elle essaie de trouver une tactique pour se sortir de sa situation. Parce qu'en fait, au moment où elle a entamé ses démarches pour, ben, pour faire reconnaître sa liberté, elle était emprisonnée pour être déportée en Martinique, où elle allait où elle allait être revendue. Donc, c'est ça. Donc j'avais envie de voir ben d'où elle venait. Les pawnees. C'était probablement de là qu'elle était issue. La plupart des esclaves autochtones étaient de cette nation là. Et des renards aussi. Et donc voilà. Mais ça ne s'est pas fait. Mais je suis allé en Martinique quand même. Donc, je suis allée sur sa trace. Je suis allée un mois en Martinique et j'ai pas trouvé de traces de Marguerite. Mais, mais je me suis beaucoup imprégnée de, de l'île de, de l'histoire là-bas. J'ai fait des des rencontres aussi, pis…

JULIEN MORISSETTE
Comment tu te sentais sur place en Martinique?

ÉMILIE MONNET
Ben en fait, ce qui m'a, ce qui m'a vraiment interpellé, c'est le volcan, en fait la montagne Pelée, à, en Martinique. Pis c'est là que j'ai commencé à faire des liens aussi au niveau des volcans. Parce qu'à Montréal, en anishinaabemowin, ça veut dire... On on appelle Montréal Mooniyang. Et Mooniyang voudrait dire un endroit creux. Donc, sous sous la montagne, le mont Royal, y a un... y'a du magma. C'est un un un volcan qui a jamais été créé avec le temps. Mais y'a y'a de la pierre volcanique sous le, sous le, sous le mont Royal.

Donc, je trouvais ça intéressant aussi de de partir de ça comme une analogie aussi à à des mémoires qui sont enfouies ou endormies. Puis la Pelée en Martinique. Quand y a eu l'éruption en 1902. Ça a été une éruption vraiment terrible là. La plus grande éruption même du vingtième siècle. Donc Saint-Pierre, à l'époque, c'était une ville. Y'avait le téléphone. C'était une ville très développée. Donc, quand la Pélé a a, ben a fait couler ça, toute sa lave, ça ça a anéanti des plantations de, ben des plantations de cannes à sucre, des maîtres, des esclaves. Tout le monde donc sans, sans discrimination. Elle a a anéanti tout le monde.

Mais ce que je trouvais vraiment intéressant parce que le Musée du du volcan à Saint-Pierre et tu vois les objets encore qui ont été recouverts de lave volcanique. Et c'est c'est magnifique là. Pis, justement, ça a inspiré André Breton, entre autres. Même Picasso y parle de ça dans le musée. Donc, tu comprends. Ouais. tu comprends un peu comment ça a pu aussi inspirer un courant comme le surréalisme aussi.

BLOC 6 - EXTRAIT MARGUERITE 1 ________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 5]
Écoutons un extrait du balado Marguerite : la traversée, dans lequel on entend Aly Ndiaye alias Webster, précédé d’Émilie Monnet.

Épisode 1 - 14:24 à 17:50

POÉSIE EM 2
Il y a les arbres qui racontent les récits millénaires et la mémoire du territoire.
Il y a les troncs des chênes qui deviennent parchemins pour garder les traces du passé.
Il y a le bruissement des feuilles qui rappellent la présence des ancêtres.

ÉMILIE MONNET [NARRATION 5.5.]
Cette forêt majestueuse, c’est sûrement ce que Marguerite a d’abord remarqué quand elle est arrivée ici. Pendant les guerres napoléoniennes, les chênes vont être complètement décimés parce que les Anglais auront besoin de mâts pour leurs bateaux de guerre.

NARRATION EM 6
En 1960, la publication du livre L’Esclavage au Canada français provoque un scandale dans le milieu universitaire et religieux. Plusieurs s’opposent à reconnaître la pratique de l’esclavage ici. L’auteur du livre, Marcel Trudel, est un précurseur qui permettra à ce pan de notre histoire de remonter à la surface.

L’historien a aussi publié Dictionnaire des esclaves et de leurs propriétaires au Canada français. Ce livre montre à quel point nos ancêtres québécois ont été partie prenante de ce système.

WEBSTER
Marcel Trudel a répertorié 4 185 esclaves. Beaucoup d’historiens utilisent ce peu de nombre pour banaliser l’esclavage ici. Donc, je dis même des historiens de, de… qui sont encore vivants aujourd’hui qui nous disent “Ah oui, non, mais c’était des membres de la famille. Ils se sont traités comme des membres de la famille et c’était comme une adoption, si on veut. C’est l’esclavage light.”

Mais la seule raison pour laquelle l'esclavage ici n'est pas un esclavage économique, c'est une question climatique. Il fait trop froid pour avoir des plantations de canne à sucre. Il fait trop froid pour avoir, pour avoir, des rizières, pour faire pousser le riz. Il fait trop froid pour avoir des, des, des plantations de cacao, de café, de coton, d'indigo. C'est la seule raison. Ce n'est pas parce que nos ancêtres étaient meilleurs!

Mais je trouve que c’est une méconnaissance de cette pratique qu’est l’esclavage et c’est une banalisation dangeureuse parce q’on banalise tout le côté psychologique de l’esclavage. Dans les documents, on comprend que les sévices sexuels avaient la part belle dans notre histoire et comme on dit toujours, y'a pas de consentement en esclavage. Cette domination, cette dynamique de pouvoir fait qu’il n’y a pas de consentement pour la femme, c’est à dire qu’elle a le choix, soit d’accepter ou d’être forcée.

RESPIRATION MUSICALE

BLOC 7 - ANIMATION ____________________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION 6]
Marguerite, le grand projet d’Émilie Monnet, n’est pas seulement qu’un balado : c’est aussi un spectacle de théâtre et un parcours audio à faire dans le Vieux-Montréal, deux oeuvres qui seront présentées en 2022.

C’est un triptyque qui attire beaucoup d’attention.

BLOC 8 - ENTREVUE 2 ________________________________________

JULIEN MORISSETTE
Comment les gens réagissent à la figure de de Marguerite de Duplessis et à son absence de notre mémoire collective?

ÉMILIE MONNET
Ben j'vois un un intérêt, en tout cas pour mon projet. J'vois des invitations, des portes qui s'ouvrent. Tsé des médias qui sont intéressés à en parler. Donc j'me dis : "OK, bon, on est, on est rendu là dans la conversation". Pis c'est, c'est le fun. C'est le fun que y'est, que y'est cet intérêt là. Est ce que ça aurait été comme ça y'a 10 ans? Je sais pas.

Mais je me dis que c'est un signe que en tant que société, on est, on est prêts à avoir ce genre de conversation là. Pis c'est peut être pas des conversations supers confortables. Mais je pense qu'il faut qu'on passe là dessus pour pouvoir passer à autre chose aussi. Pour, pour pouvoir parler de de de lumière, de de guérison aussi quelque part. Parce que même si, voilà le sujet, c'est c'est l'esclavage, l'injustice, l'amnésie collective. Mais j'ai vraiment comme souci d'en faire un spectacle lumineux pis qui va, qui va juste honorer sa mémoire, en fait.

JULIEN MORISSETTE
Puis, ce que je trouve fascinant dans dans ce sur un fait, c'est de tisser des liens aussi avec des enjeux contemporains et des choses qui sont tellement actuelles, que ce soit dans le traitement des femmes… et les liens entre ce qui s'est passé en 1740 et ce qui se passe en 2021-22 sont assez fous. Comment t'inscris ça dans dans le présent, ce ce projet là?

ÉMILIE MONNET
Ben, j'pense que c'est super important parce que si on, on veut parler d'aujourd'hui, il faut comprendre d'où ça vient. Puis, le trafic des femmes, ça remonte à la traite des fourrures au début de la colonisation, en fait. Tsé on peut avoir une image très romantisé de des coureurs des bois. Mais ça a été vraiment le le début de la prostitution des femmes autochtones aussi. Ça, on en parle beaucoup en milieu autochtone. Mais ce n'est pas une conversation qu'on a beaucoup autrement.

Donc, je pense que, tsé c'est important de faire ces ces liens pour comprendre aussi que si on veut, ben si on veut se projeter dans l'avenir, il faut, il faut guérir aussi le passé. Donc c'est dans, c'est dans cette optique là. Mais tsé j'me souviens, toi, t'étais là quand on avait eu une entrevue avec une une femme survivante.

JULIEN MORISSETTE
Oui!

ÉMILIE MONNET
Mais moi, je me souviens cette cette personne avant. Bon, elle veut, elle veut qu'on garde son nom...

JULIEN MORISSETTE
Ouais, son anonymat là.

ÉMILIE MONNET
Son anonymat. Mais ce qui m'avait vraiment frappé, c'était ça la force qui se dégageait d'elle. Pis la résilience aussi. Pis ça, tsé, c'est vraiment là dessus que j'ai envie d'axer aussi ces récits là.

JULIEN MORISSETTE
Y'a d'autres rencontres qui ont été marquantes dans ce balado là et qui ont permis de faire beaucoup de liens entre ben les Afro descendante et autochtone. Que ce soit Philippe Néméh-Nombré ou Webster aussi qui participent au au balado. C'est quoi? Est-ce qu'il y a des liens naturels qui se font entre entre ces luttes là, ces causes là? Où est ce que tu les a découverts, ces liens là, en faisant le balado?

ÉMILIE MONNET
Heuu, ben, c'était une intuition à la base. D'une de de d'allier ces ces luttes là. Je pense qu'on parle peut être pas assez de, des liens entre l'esclavage et la colonisation. Et en fait, c'est c'est des liens qui sont très évidents quand on y pense. Je pense que de plus en plus de gens qui le font. Ben, Philippe, justement, fait un un doctorat quand même sur les solidarités afro descendantes et autochtones... Dans la musique. Donc ça, je pense que c'est c'est une personne, mais il y en a beaucoup, beaucoup. Une des interprètes dans le spectacle, Aïcha Bastien N’Diaye. Elle est elle est moitié wendat et moitié guinéenne. Donc oui, j'avais envie de. J'avais envie de faire faire se répondre en fait ces réalités. Il y a beaucoup de différences. Mais il y a beaucoup de de similarités aussi. Donc heu.. je j'trouve ça riche aussi de de faire cohabiter ces, ces histoires là.

JULIEN MORISSETTE
Est-ce que tu trouves ça éprouvant de travailler sur des sujets comme ça?

ÉMILIE MONNET
C'est vraiment dense. C'est c'est aussi ambitieux. Pour moi c'est un gros projet là aussi. Mais je te dirais j'suis super bien entourée. Pis dans le, dans le processus c'est c'est très, c'est très agréable. Donc j'pense, c'est peut être ça le secret, c'est de de préserver ça. Mais je te dirais que pour ce qui s'en vient après, j'ai envie de parler de d'amour. J'ai envie de parler. C'est vraiment de ça que j'ai envie de parler. Ou de tsé de revenir à quelque chose de plus proche aussi de moi, puis de plus euh… ouais, de de parler de ça, de la la sensualité des langues, ou le le rapport très sensoriel aussi et musical aux langues et comment c'est relié à à l'affect et puis, ben ça m'a amené à en ce moment, je fais beaucoup de recherches sonores sur les arbres, sur les fleurs et comment les fleurs font l'amour. Je ne sais pas comment ça va être relié, mais je je vois qu'il va y avoir un lien.

JULIEN MORISSETTE
Parce qu'est ce que t'es, est-ce que t'as un mode de création différent? J'pense à, je ne sais pas Okinum qui est, que tu présentes en français et en anglais… Un spectacle dans lequel tsé y'a de l'anishinaabemowin, tsé qui nous permet aussi en tant que, en tant que public, en tant qu'allochtones de de découvrir et d'avoir un autre contact avec avec des langues… des langues autochtones. Est-ce que pour toi, est-ce que pour toi, la langue, c'est un véhicule pour une pensée ou t'as, y a certains projets que tu vas commencer en français ou en anglais? Ou tsé est-ce que pour toi, ce ce sont des véhicules... différents?

ÉMILIE MONNET
Ben, ça dépend avec qui je travaille aussi. Tu vois là j'ai un projet que je développe avec la Colombie. Donc c'est sûr que y a une grosse partie du du projet qui est écrit en espagnol. Et l'espagnol va va faire partie du spectacle. Donc, c'est des raisons pratiques avant tout peut être. Après, tsé ça me fait penser à Rita Letendre, qui qui est décédée y a pas longtemps. Cette peintre merveilleuse là. Qui a, qui a été dans les automatistes et tout ça. Dont la grand mère, était abénaquise. Pis j'ai fait une entrevue avec elle pour Canadian Art, y a peut être deux ans. Sur les langues, justement. Puis elle m'avait dit parce qu'elle, elle parlait plusieurs langues. Son mari était juif, donc elle parlait hébreu. Elle avait habité en Italie, elle parlait italien aussi. Pis elle m'avait dit : "Mais pourquoi est-ce qu'on se priverait de parler plein de langues? Ça te permet de rencontrer plus de gens, pis d'avoir plus d'amis". Donc, c'est un peu dans cette optique là, moi. Ça résonne beaucoup avec moi. C'est c'est une façon de de de se lier davantage, d'avoir des racines qui vont s'étaler plus loin aussi. Donc c'est ça. Tsé pis une façon. Pour moi c'est une façon de nourrir toujours mon lien avec avec tsé avec le Brésil ou avec l'Amérique du Sud, où j'ai passé beaucoup, beaucoup de temps là dans ma vie. Donc c'est une façon de juste entretenir ben les liens, les relations que j'ai avec, avec les gens là bas.

BLOC 9 - GÉNÉRIQUE________ ________________________________________

JULIEN MORISSETTE [NARRATION X]
Avant de vous dire aurevoir, je vous invite à écouter la série Marguerite : la traversée sur toutes les applications de balados et Okinum sur le site de La Fabrique culturelle.

Merci à toute l’équipe de Signal nocturne :

Pour Télé-Québec
-La coordonnatrice Nadine Deschamps
-La technicienne de production Erica Coutu-Lamarche
-La chef de contenu Ariane Gratton-Jacob
-L’édimestre Sophie Richard
-La directrice de La Fabrique culturelle et des partenariats, Jeanne Dompierre

Pour Transistor Média

-Tenaga Studio à la musique originale et à l’habillage sonore
-François Larivière au mixage
-Sophie Gemme à la recherche
-Claire Thévenin, chargée de production
-Louis-Philippe Roy aux communications
-Stéphanie Laurin à la production exécutive

Abonnez-vous dès maintenant à Signal nocturne dans l’application de balado de votre choix ou écoutez-nous sur lafabriqueculturelle.tv, on vous propose un nouvel épisode chaque vendredi soir.

Je m’appelle Julien Morissette, bonne nuit.