Le balado de l’Armée canadienne s’adresse aux soldats de l’Armée canadienne et traite de sujets qui les concernent. Les soldats constituent notre public cible principal, mais les sujets abordés pourraient s’avérer pertinents pour toute personne qui appuie nos soldats ou qui s’intéresse aux enjeux militaires canadiens.
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Sergent Jasson Langlois : En ayant la chance d’enseigner à l’armée ukrainienne, on leur donne une chance d’être viable, de survivre puis de pouvoir continuer à combattre sur le champ de bataille.
Capitaine Adam Orton : Salut, ici capitaine Adam Orton avec Le balado de l’Armée canadienne. Depuis 2015, les Forces armées canadiennes offrent une instruction aux soldats ukrainiens dans le cadre de l’opération UNIFIER. Aujourd’hui, alors qu’une invasion russe est en cours, l’acquisition de compétences militaires est plus importante que jamais. Près de 40 sapeurs de l’Armée canadienne sont actuellement en déploiement en Pologne pour poursuivre cette mission et aider à nos alliés ukrainiens. Le sergent Jasson Langlois, commandant de section et un des instructeurs principaux pour les futurs sapeurs ukrainiens, se joint à moi de la Pologne. Bienvenue au balado!
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Sgt Langlois : Merci beaucoup capitaine Orton pour m’avoir aujourd’hui avec toi.
Capt Orton : Ça fait plaisir, merci de nous donner la chance de partager tes expériences. Donc est-ce que tu t’es senti quand tu savais que tu étais pour aller en Pologne pour entraîner des sapeurs ukrainiens.
Sgt Langlois : Personnellement, j’étais vraiment excité. Les Ukrainiens en ce moment, c’est le conflit de l’heure, puis ils ont besoin d’énormément d’entraînement pour combler certains gaps dans leur training, puis en tant qu’ingénieur de combat j’étais excité puis j’étais fier de pouvoir participer à ça puis essayer de pousser un peu plus des compétences ce que nous on a comme soldat canadien.
Capt Orton : Comment est-ce que les sapeurs canadiens se retrouvent en Pologne pour faire cette mission?
Sgt Langlois : Les Polonais qui se sont fait demander par l’armée ukrainienne de l’aide pour former des sapeurs avaient besoin d’aide, avaient besoin de compétences que nous on pouvait fournir pour les aider à former ces soldats ukrainiens-là pour les renvoyer sur le champ de bataille en tant que sapeur.
Capt Orton : Puis, pourquoi est-ce que c’est important que les Ukrainiens aient accès à ces capacités-là? Comme pourquoi que nous autres on a besoin de les entraîner à faire ces choses-là?
Sgt Langlois : Et bien dans le fond, avec tout ce qui arrive en ce moment, l’armée russe qui recule l’armée ukrainienne qui pousse reprennent beaucoup de leur territoire, bien ça a été noté puis ça arrive régulièrement que les Russes vont implanter des engins explosifs improvisés, vont créer des pièges, des ‘booby traps’ dans les espaces qu’ils occupaient avant. En ayant la chance d’enseigner à l’armée ukrainienne, comment sécuritairement neutraliser, désarmer ces pièges-là, ces engins explosifs improvisés ou ‘traps’, on leur donne une chance d’être viable, de survivre puis de pouvoir continuer à combattre sur le champ de bataille.
Ça c’est juste une partie du cours. En même temps, en leur offrant l’expertise canadienne, de comment que nous on met en place des champs de mines, comment on met en place des obstacles où on fait des brèches dans des obstacles, on leur donne encore plus de ‘knowledge’ qu’ils vont être capable d’utiliser sur le champ de bataille.
Capt Orton : Et c’était quoi votre première impression des soldats ukrainiens quand vous les avez rencontrés?
Sgt Langlois : Ma première impression sur les soldats ukrainiens, j’ai remarqué qu’il y avait énormément de conscrits et énormément de gens qui ont rejoint la garde nationale ici avec nous. Il y a énormément de conscrits puis aussi il y a un certain nombre de soldats qui ont énormément d’expérience, puis qui ont été choisi par leur brigade pour revenir à être qualifiés en tant que sapeur.
Capt Orton : Donc les soldats qui arrivent ont déjà de l’expérience vraiment.
Sgt Langlois : Oui. Définitivement il y avait plusieurs types d’expériences différentes. On a des recrues ici avec nous qui ont passé du temps sur la ligne de front. Qui ont au-dessus de 10-12 ans d’expérience dans l’armée ukrainienne.
De l’autre côté, on a aussi des soldats qui ont aussi peu qu’un ‘basic training’, ou quelques mois dans l’armée ukrainienne puis qu’ils se sont aussi fait identifier comme sapeur pour venir chercher l’instruction qu’on donne ici et retourner sur la ligne de front comme sapeur.
Capt Orton : Qu’est-ce que le Canada enseigne aux soldats qui se préparent à se battre pour leur vie ou leur pays?
Sgt Langlois : Bien dans le fond, on a divisé notre programme d’entraînement qu’on a ici avec en concurrence avec l’armée polonaise en 3 différentes plateformes. La première est enseignée par l’armée polonaise. Il s’agit de la démolition puis des explosifs. Un sujet qui est enseigné par l’armée polonaise qui utilise le même type d’explosifs que les Ukrainiens, soit du TNT.
D’un autre côté, nous les 2 plateformes qu’on enseigne sur différentes semaines sont les mines et les obstacles, les fouilles, les engins explosifs improvisés, et les munitions explosives aussi, Ça fait que dans le fond, c’est 3 sur un cours de 1 mois. Les étudiants ukrainiens vont se faire former par les polonais pour une semaine par nous pour deux semaines puis ils vont terminer notre entraînement ici avec nous avec un exercice de deux jours pour confirmer tout ce qu’ils ont appris durant ce temps ici avec nous. Puis, à chaque mois, on gradue environ 120 soldats ukrainiens.
Capt Orton : Est-ce que vous pouvez décrire l’exercice?
Sgt Langlois : L’exercice en tant que tel c’est un peu plus comme un round robin ou chaque Ukrainien va passer à chaque stand pour compléter une petite mission, et à la fin de tous ces stand-là, ils vont recevoir un examen écrit aussi pour confirmer qu’ils ont retenu assez d’information pendant le cours.
Capt Orton : Les stands comme qu’est-ce que ça a l’air ces stand-là?
Sgt Langlois : Les stands reflètent les catégories qui sont enseignées pendant le mois. On a un stand sur les fouilles de building occupé par soit des ennemis ou des civils. On a des fouilles de buildings qui sont abandonnés. On a aussi un stand où les étudiants ukrainiens vont devoir faire la clairance d’une tranchée. On a des stands sur lesquels ils vont faire une brèche dans un champ de mines. D’autres stands où ils vont créer des champs de mines. En utilisant la bonne information puis en étant capable de créer un rapport qui va être transmis à leur chaîne de commande plus tard pour être capable de marquer le champ de mine, savoir où il est puis être capable de garder cette information-là pour plus tard. Par dessus ça, l’armée polonaise font leur propre stand eux-autres aussi qui sont plus par rapport aux explosifs qui sont enseignés ici.
Capt Orton : C’était quoi votre impression de qu’est-ce que les soldats vivaient en ce moment?
Sgt Langlois : Bien c’est du monde qui sont dans une réalité où ils ont un ennemi directement dans leur cour-arrière, puis ils veulent apprendre. Ils veulent être capable de rester en vie, de rester sécuritaires, puis en étant des alliés pour eux de l’OTAN. Ils savent que notre training est très reconnu notre entraînement puis normalement on est assez sécuritaire dans ce qu’on fait. Ça fait qu’ils veulent apprendre le plus possible de nous pour pouvoir appliquer ce qu’on leur apprend sur le champ de bataille puis pouvoir rester safe puis gagner leur guerre.
Capt Orton : C’est sûr que donner de l’instruction à du monde qui parle peut-être pas ta langue natale. Ça doit pas être facile. C’est quoi votre expérience avec les interprètes?
Sgt Langlois : Ça rend tout un petit peu plus lent. Personnellement je suis quelqu’un qui parle rapidement, qui parle beaucoup ça fait qu’il a fallu que j’apprenne à me ‘pacer’. Il a fallu que j'apprenne à parler une couple de phrases à la fois, leur laisser le temps de digérer l’information pour être capable de la passer de la façon la plus complète. C’est toujours plaisant de travailler avec les interprètes. La plupart d’entre eux sont Ukrainiens ou Canadiens avec un background familial venant de l’Ukraine. Ça fait qu’ils veulent aider, ils donnent leur 100 pourcent, ils sont vraiment heureux de participer, de faire partie de la mission.
Capt Orton : C’est sûr qu’utiliser des interprètes, c’est pas facile, mais il doit y avoir d’autres défis à travailler dans un environnement culturel qui est un petit peu différent, avec des soldats militaires différents, en plus vous n’êtes pas chez vous. Vous n’avez pas nécessairement accès à tout l’équipement que vous auriez normalement. C’est quoi votre expérience en faisant face à ces défis-là?
Sgt Langlois : On a une façon de faire les soldats canadiens. Je pense qu’on est très bien entraîné. On utilise le bon équipement pour la bonne tâche, pour réussir à faire notre tâche. En arrivant ici, c’est le contraire. Les Ukrainiens étant en guerre n’ont pas accès à énormément d’équipement, ça fait qu’il a fallu penser à comment on pourrait les aider à faire la job de la bonne façon avec le minimum d’équipement.
Capt Orton : Et pour les auditeurs, est-ce que vous avez des exemples?
Sgt Langlois : La plupart d’entre eux utilisent beaucoup des kits de fouilles qu’on leur a montré comment préparer avec ce qu’ils trouvent dans une quincaillerie ou un dépanneur on va dire. Ils ont pas la chance comme nous autres d’utiliser des kits dispendieux avec tout le matériel auquel on a accès. Ils sont en guerre, ils ont pas accès à autant de matériel de nous pour pouvoir faire leur job. C’est quelque chose qu’on s’est rendu compte assez rapidement. Ça fait qu’on a rapidement monté, on a pensé à comment, si on était à leur place, on ferait pour exécuter, pour faire notre job de la bonne façon en utilisant de l’équipement, du matériel qu’on n’a pas accès à. Quand on en vient au ‘hook and line’, les lignes, les crochets, c’est quelque chose de complexe. L’Armée canadienne on utilise de l’équipement très cher et spécialisé, mais un bon ingénieur avec une corde, quelques carabiners, puis une couple de crochets, il est capable de faire la job comme du monde. Ça fait qu’on a monté plusieurs kits différents ici, plusieurs kits faits à partir de ces équipements de Canadian Tire là si je pourrais dire que dans le fond les Ukrainiens ont copié. Aux nouvelles qu’on a eues, ils font sûr de créer leur propre hook and line kit si je pourrais dire, pour être capable d’accomplir leur job.
La même affaire pour les leçons. Quand on enseigne les fouilles au Canada, on enseigne les fouilles pendant des semaines. Ici on a quelques jours pour les passer au travers de ça, ça fait qu’on peut pas focuser sur les mêmes compétences. On passe un petit peu moins de temps sur les skills personnels puis on passe beaucoup plus de temps sur l’esprit critique, les amener à penser pour eux-même, les amener à être capable de rester sécuritaire le plus possible dans une zone de combat où que, en plus d’avoir un ennemi qui leur tire dessus, il peut y avoir des bombes qui pètent de tout bord tout côté.
Capt Orton : Ça fait que moins de PowerPoint dans le fond.
Sgt Langlois : Oui, non, exactement, on est moins fort sur les PowerPoint. On fait beaucoup plus de pratique. On a énormément de questions à répondre, puis il faut toujours s’adapter à ce que eux ils demandent et ce qu'eux ils voient sur le champ de bataille.
Les cours et les leçons ont extrêmement changé entre le premier cours et le cours qu’on a là. On essaie de s’adapter du mieux possible, de leur donner de l’information qui est vraiment up to date sur qu’est-ce qu’ils voient sur leur propre champ de bataille.
Capt Orton : Ça fait que la procédure hook and line pour tout ceux qui ne savent peut-être pas, c’est quoi ça?
Sgt Langlois : Le but du hook and line finalement c’est d’être capable de se garder un stand-off entre nous puis le danger qu’on perçoit. On va utiliser le hook and line qui est soit un crochet, un hook en tant que tel, un carabiner ou même une pince attachée à une corde. On va attacher ça à l’objet ou à la partie d’un engin explosif improvisé ou même à un trip wire en tant que tel, puis on va retourner, on va se garder une distance de stand-off, puis on va tirer pour pouvoir influencer l’objet en tant que tel pour être capable de le bouger, puis être capable d’influencer sa capacité à peut-être exploser si on a un problème avec un explosif.
Capt Orton : Qu’est-ce qui vous a marqué jusqu’à date, comme peut-être une de vos expériences préférées ou quelque chose qui a resté avec toi jusqu’à ce point-ci? Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a marqué?
Sgt Langlois : Oui, certainement. On a la chance de rester en contact avec la chaîne de commande ukrainienne, puis on a eu beaucoup d’informations qui nous reviennent par rapport au fait que les Ukrainiens utilisent beaucoup de ce qu’on leur apprend du côté des mines en ce moment, pour être capable d’exécuter certaines drills, de préparer les routes, les champs de mines de la manière dont on leur a appris. Pour revenir à la question de la chose qui m’a le plus marquée depuis, c'est comment que ces soldats-là absorbent l’information importante. Puis ça s’est vu directement par un message directement de leur chaîne de commandement nous expliquant à quel point que un des groupes ayant été leadé par un étudiant qu’on a eu sur un de nos cours précédents ont été capable de chercher une maison de campagne proche en Ukraine. Ils ont utilisé l'esprit critique qu’on leur a enseigné puis ils ont été capable de chercher cette maison de campagne-là, utilisant des séquences que normalement on leur apprend sur le cours. Ils ont trouvé deux engins explosifs improvisés de ce que je me rappelle, puis ils ont cherché pendant une quinzaine d’heures en restant sécuritaire. Les engins explosifs improvisés ont explosé à l’aide des kits hook and line, puis dans le fond ils n’ont eu aucun blessé. Ils n’ont pas eu de morts. Tout le monde sont restés ‘safe’. Ils ont été capables de finir la mission correctement. Être capable de faire tout ça, sans avoir aucun mort, sans avoir aucun blessé pour moi c’est mission accomplie.
Capt Orton : En regardant de l’avant, c’est quoi vos espoirs pour les soldats que vous envoyez certainement pour retourner en conflit puis pour la mission qu’on est en train de faire en ce moment?
Sgt Langlois : Avec les exemples que je t’ai donnés, de notre côté si on croit énormément qu’on a une influence sur le battle field en envoyant des soldats, des sapeurs maintenant ukrainiens pour leader certaines sections, pour être capable de garder leurs membres de section le plus safe possible, faisant leur job le plus sécuritairement, avec les exemples que j’ai t’ai donnés tantôt par rapport à la maison de campagne, aux Ukrainiens qui reproduisent les kits de hook and line de la même façon dont on les a créé ici, ça nous donne le feeling qu’ils apprennent, puis ils répliquent ce qu’on fait. Pour moi je pense que c’est le plus important. Ça prouve que la mission marche, ça fait que la mission fonctionne. Puis j’espère que la mission va continuer. Ici on croit en ce qu’on fait puis on espère bien gros que le Canada va continuer à envoyer d’autres rotations d’op UNIFIER en Pologne pour continuer à former les soldats ukrainiens jusqu’à temps qu’ils réussissent à gagner cette guerre-ci.
Capt Orton : Je pense que c’est vraiment un beau message, puis j’apprécie vraiment l’effort que vous mettez, puis aussi le temps que vous avez passé à nous en parler.
Sgt Langlois : Ça fait plaisir. Je suis content d’avoir été invité.
Capt Orton : Oui, merci d’avoir participé au balado.
Sgt Langlois : Parfait! Un gros merci.
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Capt Orton : Ça c’était le sergent Jasson Langlois du 1er Régiment du génie de combat basé à Edmonton qui nous parle de la Pologne. Merci d’avoir été à l’écoute. Moi je suis capitaine Adam Orton. Prenez soin de vous.
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