Les balados du CIRCEM visent à promouvoir la recherche interdisciplinaire sur la citoyenneté démocratique et les groupes minoritaires et minorisés, à partir de la tradition intellectuelle du monde francophone.
[Musique de fond]
00:06 Marie-Hélène Frenette-Assad
Les balados du CIRCEM visent à promouvoir la recherche interdisciplinaire sur la citoyenneté démocratique et les groupes minoritaires et minorisés, à partir de la tradition intellectuelle du monde francophone.
00:20 Stéphanie Gaudet
Vous écoutez un balado du CIRCEM de la série de conférences Mauril Bélanger. Ici Stéphanie Gaudet, directrice du CIRCEM et professeure à l'École d'études sociologiques et anthropologiques de l'Université d'Ottawa. Ce balado poursuit une discussion autour du livre « Faire l’expérience de la démocratie : les tiers-lieux de l’éducation à la citoyenneté des jeunes au Québec », publié aux Presses de l'Université d'Ottawa en mai 2024. Le livre présente les résultats d'un terrain ethnographique multisite dans sept organisations partenaires issues de la société civile québécoise qui œuvrent auprès d'enfants, d'adolescents et d'adolescentes ou de jeunes adultes. Je codirige cet ouvrage avec Caroline Caron, professeure au Département des sciences sociales de l'Université du Québec en Outaouais, en collaboration avec Sophie Théwissen-LeBlanc, auxiliaire de recherche.
Aujourd'hui, nous rencontrons William-Jacomo Beauchemin et Ducakis Désinat, tous deux de l'organisation Exeko, un des terrains d'enquête de ce projet de recherche partenarial.
[Fin de la musique de fond]
01:28 Stéphanie Gaudet
Bienvenue, messieurs!
Ducakis Desinat
Merci.
William-Jacomo Beauchemin
Bonjour Stéphanie
01:31 Stéphanie Gaudet
Bonjour. Alors William-Jacomo, j'aimerais vous poser une question toute simple : pourriez-vous me décrire, en quelques mots, quelle est cette organisation, Exeko?
01:42 William-Jacomo Beauchemin
Oui, bien sûr. Exeko, c'est un OSBL qui a été fondé en 2006 à Montréal. La mission de l'organisme, c'est assez simple, c'est d'utiliser les arts, la philosophie comme des outils pour une transformation sociale inclusive et émancipatrice. Ça nous amène à travailler, à Montréal dans un pôle qu'on appelle « Ville inclusive », à travailler en collaboration avec les Premières Nations et les Inuits, et également à développer des projets de recherche-action dans nos laboratoires. Et donc, voilà un peu pour l'ensemble. On a une équipe multidisciplinaire, autant en arts qu'en sciences humaines.
02:18 Stéphanie Gaudet
Merci beaucoup. Alors, Exeko, c'est un projet quand même assez original, on pourrait le catégoriser dans le processus de médiation intellectuelle, médiation artistique. Comment Exeko s'inscrit-il dans un projet d'éducation à la citoyenneté démocratique?
02:39 Ducakis Desinat
Je vais prendre la question. Je pense que la première chose qu'on pourrait dire, c'est peut-être revenir un peu à ce début d'Exeko, en fait, je crois que la dimension d'éducation populaire, elle est un fondement de l'organisme. Peut-être un petit peu pour rappel, Nadia Duguay, qui est la fondatrice, a commencé Exeko dans les prisons où elle partageait la philosophie avec des prisonniers. Donc je pense que cette dimension d'éducation populaire est inhérente à l'organisme. Puis, comme elle a évolué, aussi aujourd'hui notre mission, c'est l'inclusion sociale. Je pense que l'essence même, la dimension plutôt, de l'éducation populaire est restée à travers les différents projets. William parlait un peu de ville inclusive où on travaille avec des populations concernées, que ce soit en réinsertion sociale ou en itinérance. Donc il y a toujours cette dimension de transfert de connaissances, transfert d'outils, transfert de compétences. Puis je pense aussi, à travers le temps, en tout cas de mon expérience à Exeko, j’ai vu aussi, il y a une évolution en termes d’encapacitation, ou si on peut prendre le terme en anglais, « empowerment » des communautés. Je pense que ça c'est vraiment quelque chose qu'on a su développer au cours des années, où l'idée c'est pas simplement de transférer des connaissances mais aussi un désir de développer et de mieux comprendre comment les différentes communautés ou les différentes personnes avec qui on travaille peuvent amener un savoir en connaissance autour des enjeux sociaux. Peut-être l’autre dimension aussi c’est qu’on travaille aussi avec des partenaires institutionnels. Donc il y a vraiment une volonté de mieux, de collaborer avec ces partenaires-là pour mieux les aider à offrir des espaces d'inclusion dans la société. Donc, on travaille au deux niveaux en termes d'éducation, c'est-à-dire avec les communautés concernées et aussi avec les institutions. Donc, voilà.
04:45 Stéphanie Gaudet
Et quand vous dites « institutions », est-ce que vous pourriez nous donner un exemple concret du travail avec certaines institutions?
04:53 Ducakis Desinat
Oui je peux donner plusieurs exemples, on sort d'un projet de deux ans que je travaillais sur la participation citoyenne des jeunes où on collaborait avec cinq partenaires différents qui étaient à la fois la ville de Montréal, on travaillait aussi avec le CIUSSS du Nord de l'île de Montréal, mais aussi on avait des partenaires communautaires comme Hoodstock, qui est un organisme qui est situé à Montréal-Nord qui travaille avec les jeunes dans le quartier, une maison de jeunes comme le Chalet Kent. Donc c'est vraiment différent niveaux, on travaille aussi par moments avec des institutions universitaires avec lesquelles on collabore, des chaires de recherche. Les partenaires varient [en riant], on a aussi des collaborations avec des organisations, comme je disais, en réinsertion sociale.
05:41 Stéphanie Gaudet
Ducakis, vous avez une formation en philosophie.
Ducakis Desinat
Oui.
Stéphanie Gaudet
Alors, c'est toujours un peu étonnant, pour certaines personnes, de voir qu'avec une formation philosophie, on peut s'inscrire dans la recherche-action ou l'intervention, certaines formes d'intervention.
Ducakis Desinat
Ouais, ouais, ouais.
Stéphanie Gaudet
Comment voyez-vous l'apport de la philosophie? Je vous pose une grande question existentielle [en riant], mais… [rire]
06:08 Ducakis Desinat
[Rire]. Premièrement, j'ai fait ma philosophie à l'Université d'Ottawa, donc [rire]. Je pense que ça s'est fait de manière plutôt naturelle, en fait, cette insertion-là. Je crois qu'on n'est jamais loin du social [rire]. On n'est peut-être pas dans la pratique quand on fait de la philosophie, mais on n'est jamais loin, on réfléchit à ces questions-là. Et je pense que, quand j'ai dit que ça s'est fait de manière naturelle, après mes études en philosophie, je suis revenu à Montréal. C'était un peu à travers des réseaux que je me suis retrouvé, concrètement, à travailler dans le milieu communautaire et social. Puis, à travers les branches, j'ai connu Exeko, puis ça résonnait, à travers la mission. Puis aussi, oui, on est dans la pratique, mais ça n'empêche pas de réfléchir concrètement, d'être confronté, d'être en proximité par rapport aux enjeux sociaux. Donc, réflexion et pratique, il y avait une proximité assez directe entre les deux. Donc, pour moi, ce n'était pas tant un défi, mais c'était plutôt naturel.
07:04 Stéphanie Gaudet
C'était plutôt naturel, oui. Alors que parfois, ce ne l’est pas pour certaines personnes, mais moi je trouve ça intéressant parce qu'effectivement, il y a beaucoup de liens à faire entre une formation en philosophie puis une intervention dans le social. Alors, je trouve que c'est intéressant à Exeko, quand même, que l'on marie ces deux approches-là.
07:25 Ducakis Desinat
Ouais, ouais. Puis je dirais aussi, même par rapport à l'approche de, la médiation en soi, c'est un peu cette capacité en fait d'unifier un peu cette théorie-là qu'on apprend, ou bien la pensée qu'on développe en philosophie, puis confrontée à des enjeux directs de société. Pour prendre un exemple, on sort dans la rue, on travaille avec des personnes en situation d'itinérance. C'est une urgence, c'est une réalité, mais ça ne nous empêche pas non plus de comprendre ça dans une perspective beaucoup plus macro, d'inclusion sociale, de transformation, d'enjeux sociaux directs, de justice sociale.
08:02 Stéphanie Gaudet
Puis quelles sont les méthodes particulières à Exeko et sa philosophie?
08:09 William-Jacomo Beauchemin
Oui, bien, la philosophie de l'organisme est sans doute le mieux représentée par sa mission, sa mission, comme je vous disais plus tôt, qui est de mobiliser les arts, les sciences humaines, comme des leviers pour une transformation sociale inclusive et émancipatrice. Et nous, quand on parle d'art, on parle vraiment de toutes les formes d'art, théâtre, cinéma, arts visuels, marionnettes, littérature, opéra, donc vraiment les arts dans un sens large. Et c'est la même chose pour les sciences humaines, dans notre équipe on a autant des philosophes, sociologues, comme Ducakis, que des anthropologues, des gens en travail social, des gens qui sont plus concentrés sur les études critiques du genre, de la race, ainsi de suite. Et c'est souvent la rencontre entre ces différents ancrages-là, ces différentes disciplines, qui permet de développer des initiatives uniques, singulières, qui essaient d'innover dans les manières d'approcher certains enjeux sociaux assez complexes. Et quand on parle d'utiliser ces outils-là pour l'inclusion sociale, bien on entend l'inclusion sociale non pas comme de simplement avoir une représentation superficielle, mais vraiment comme essayer de transformer des normes. Et c'est pour ça que tout à l'heure, Ducakis parlait du travail avec les institutions. Les institutions, c'est les endroits où les normes sont créées, produites, consolidées, légitimées. Et travailler avec les institutions dans cette perspective-là de transformation de normes, c'est un peu ce qui motive pour nous ce travail-là complémentaire avec ces différentes institutions, mais toujours en centrant la perspective sur celles des personnes qui sont les premières concernées. Pour vous donner un exemple, en ce moment à Montréal, une des grandes questions qu'on se pose, c'est celle de la cohabitation sociale, à cause de l'intensification du contexte en itinérance depuis la pandémie. C'est un enjeu majeur. Et bien, on a des collègues qui ont développé un projet qui s'appelle Espaces Partagés, où c'est d'aborder cette question de la cohabitation sociale, mais non pas du point de vue directement des riverains, des commerçants qu'on entend beaucoup dans l'espace public, mais du point de vue des personnes qui vivent l'itinérance, qui vivent l'exclusion sociale. Et ce qu'il ressort de là, c'est assez intéressant, parce qu'on voit que pour ces personnes-là aussi, il y a des défis majeurs dans le contexte actuel, des défis de sécurité, des défis d'avoir accès aux ressources et qu'il faut continuer à prendre en compte. Quand on parle de transformation sociale émancipatrice, et bien là on parle davantage d'exercice des libertés fondamentales. Les espaces qu'Exeko crée, c'est des espaces qu'on peut considérer comme un peu un gym de la pensée. On va s'entraîner à exercer nos libertés fondamentales, liberté d'expression, liberté d'association, liberté de conscience, ainsi de suite. Et c'est un peu ça, on pourrait dire, la philosophie de l'organisme. Sur les méthodes, on utilise des pratiques de médiation, médiation sociale, médiation culturelle, médiation intellectuelle. La médiation sociale et la médiation culturelle, ce sont des approches qui existent depuis longtemps. La médiation sociale, de venir travailler sur les rapports entre groupes, sur les tensions, les conflits. La médiation culturelle crée des voies d'accès aux arts, aux pratiques artistiques, faire des projets de cocréation d'œuvres. Mais ce qui distingue Exeko, c'est vraiment l'approche de médiation intellectuelle qui a été développé à l'intérieur de l'organisme, dont l'objectif est vraiment de créer des espaces égalitaires de réflexion collective, et donc, par ces espaces-là, de faire une place à la diversité des savoirs, savoirs théoriques, mais aussi savoirs pratiques, savoirs expérientiels, les savoirs sensibles, des espaces dans lesquels on met l'avant davantage les potentiels, les intérêts, la curiosité des personnes qui participent. Ce qui distingue souvent l'approche qu'on a d'approches dans différents organismes communautaires qui vont, par la force des choses, travailler davantage sur les problématiques. Et donc, on essaie de travailler en complémentarité avec ces acteurs-là pour que nos pratiques viennent vraiment supporter leur mission et que les espaces qu'on crée répondent vraiment également à notre vision de ce qu'on peut faire avec des approches de médiation comme celle-là.
12:26 Stéphanie Gaudet
Dans le projet de recherche partenarial qu'on a complété avec Exeko, nous avons observé une médiation sociale dans le quartier Pointe-Saint-Charles où finalement on avait invité des jeunes à réfléchir sur la gentrification dans ce quartier-là. Ça, c'est un exemple concret, par exemple, du type d'intervention que vous faites. À la fois vous utilisez les arts pour inclure les gens, parce que parfois c'est plus facile d'intervenir à travers les arts, de s'exprimer à travers les arts, mais en même temps, vous suscitez des réflexions sur des enjeux contemporains, des enjeux très actuels. Dans le cadre de la recherche, donc, on s'intéressait davantage à l'intervention auprès des jeunes, que ce soit adolescents, adolescentes ou jeunes adultes. Et on était intéressés à comprendre le rôle des adultes finalement avec les jeunes, parce que je pense qu'en médiation intellectuelle, médiation culturelle, c'est peut-être un rôle différent de ce qu'on voit dans d'autres types d'interventions. Comment décririez-vous le type de rapport que vous instaurez entre les jeunes et les adultes?
13:50 Ducakis Desinat
Ben oui, je vais prendre la question. Je réfléchissais quand même pas mal à comment, de manière pratique, en fait, on intervenait dans cette intersection entre jeunes et adultes. Je crois que William l'a déjà mentionné, cette idée de complémentarité, je pense qu'elle est quand même centrale dans tout ce qu'on fait. Donc, je dirais que c'est surtout ça qui guide notre pratique de la médiation. Puis, quand je dis complémentarité, je parle concrètement dans l'idée à la fois d'engager une conversation intergénérationnelle, je pense que c'est quelque chose qui nous tient à cœur, de voir aussi dans quelle manière il peut avoir une communication ou une compréhension, une manière de se parler, de ces enjeux-là, pour qu'il y a une vision assez commune, ou une vision partagée des enjeux. Puis ce que je vois aussi c'est un peu la dimension de... qu'est-ce que, de manière intergénérationnelle, qu'est-ce qu'on lègue, qu'est-ce qu'on partage? C’est-à-dire que, tantôt on parlait de savoirs expérientiels dans ces milieux-là, je crois que c'est quelque chose qui ressort. C'est-à-dire qu’est-ce que, moi, de mon expérience, je peux partager en tant que personne, en tant qu'adulte qui a vécu, et qui peut partager à la jeune génération. Puis je pense aussi à cette idée de, concrètement moi, en tant que jeune, comment je vis ça présentement, et comment je peux, je regarde l’avenir, je regarde l’avenir. Donc pour moi, c'est vraiment la première dimension qui revient, cette idée de développer, dans les différents terrains, de développer un partage, une forme de complémentarité dans le travail qu'on fait.
15:46 William-Jacomo Beauchemin
Oui, puis j'ajouterais à ce que Ducakis a dit, que les adultes jouent à la fois un rôle d'accompagnateurs, donc ils vont venir soutenir les jeunes, que ce soit des adultes qui sont en position d'intervention, de médiation, des adultes plus âgés de la communauté, mais les adultes eux-mêmes sont aussi dans une position d'apprenant et d'apprenante. Donc, de venir apprendre des espaces qui sont ouverts avec les jeunes, de venir apprendre des jeunes. Les jeunes apprennent des adultes, certes, mais c’est réciproque. Parce que nous, la posture éthique fondamentale qu'on met de l'avant dans nos espaces, c'est la présomption d'égalité des intelligences. Et donc, un adulte a vécu davantage qu'un jeune, mais ça ne fait pas de cette personne une personne qui serait plus intelligente que le jeune. C’est une personne qui a d'autres formes de savoir, qui a plus d'expérience, mais de partir d'un contexte d'égalité entre adulte et jeune, c'est ça qui permet de bien aussi mettre la scène pour un rôle aux adultes qui ne soit pas un rôle où il y aurait une forme de condescendance ou de paternalisme et qui laisse la place aux jeunes pour eux-mêmes réfléchir autrement aux problèmes, aux enjeux qui sont abordés. Comme ça a été le cas dans le cadre du projet à Pointe-Saint-Charles qui est décrit dans le livre, les adultes sont dans une posture dialogique avec les jeunes, non pas dans une posture, on pourrait dire, d'éducation formelle où on ne fait que transférer des connaissances. Cette réciprocité-là, elle est essentielle.
17:18 Stéphanie Gaudet
Pour revenir sur le concept d'égalité des intelligences, que développe notamment Rancière, je crois bien, si ma mémoire est bonne, c'est cette idée, comme on l'a aussi dans les contextes de philosophie pour enfants et adolescents, que ces personnes-là, même si elles n'ont pas la même expérience et le même niveau de connaissances, elles sont capables de participer à un questionnement, à un développement critique, puis elles sont capables aussi de développer leur pensée, parfois plus que certains adultes même. Donc, je trouve que c'est intéressant votre façon d'aborder la question de la médiation avec la présomption d'égalité des intelligences. Ça me paraît une approche philosophique tout à fait propice pour l'intervention.
18:13 William-Jacomo Beauchemin
Oui, tout à fait, ça vient d'un livre de Jacques Rancière, Le maître ignorant, qui est lui-même ce livre-là, un peu un travail d'archivistique des travaux d'un pédagogue français du 19e siècle, Joseph Jacotot. Et c'est vraiment cette idée-là que, la présomption d’égalité des intelligences, que tout le monde est capable de penser, de réfléchir, d'avoir des idées, de changer d'idée, d'agir d'après ses idées, et que c'est en créant des espaces de rencontres, de réflexion égalitaire que ce travail-là intellectuel, réflexif, peut se faire. Et donc effectivement, quand on parle de philosophie pour enfants, il y a tout ce mouvement-là, des nouvelles pratiques philosophiques, la philosophie dans la cité, la philosophie avec les enfants, qui s'est développé depuis une vingtaine d'années. Mais on s'inscrit vraiment dans cette lignée-là d'un renouvellement des pratiques philosophiques, pour que ça devienne des pratiques qui sont alignées vers le social, vers le culturel, vers la vie collective en général, plutôt que d'être parfois restreintes à certains lieux institutionnels précis. Alors ça, et je pense que même le mieux philosophique lui-même a pris conscience depuis quelques années, ce besoin de décloisonner la philosophie, c'était le thème du dernier congrès de la Société de philosophie du Québec. Et donc ce mouvement-là, il faut le continuer, il faut le faire perdurer, et c’est ça aussi qui ouvre d'autres avenues pour les jeunes philosophes, ce que vous nommiez tout à l'heure Stéphanie.
19:49 Ducakis Desinat
Je vais peut-être renchérir là-dessus. Je pense peut-être revenir aussi à la question de savoir pourquoi c'était aussi naturel le passage de philosophie au monde social et communautaire. Je crois que William le résume bien. Ce n'est pas simplement, la question de la présomption d'égalité des intelligences, oui, c'est une posture éthique, mais il y a une réalité pratique dans le travail qu'on fait tous les jours à la fois où on l'expérimente, ou aussi, comment je peux dire ça, oui, on l'expérimente, puis on l'expérimente à travers les conditions, en fait, qu'on met en place au niveau de la médiation qu'on fait pour qu'elle émerge. Et je pense que c'est vraiment important de ne pas juste le voir comme simplement une posture à adopter sur le terrain, mais qu'elle s'affiche à la fois dans ce qu'on fait dans la rue, avec les personnes en itinérance, que ce qu'on travaille aussi avec les institutions quand on amène un groupe de jeunes dans des espaces institutionnels. Donc l'idée c'est pas simplement qu'ils reçoivent un savoir, mais aussi qu'ils amènent quelque chose dans cet espace-là. Et nous, notre travail en tant que médiateurs, c'est d'assurer en fait ce dialogue-là, cette complémentarité entre les deux pour, à la fin, qu'on trouve, il y a un savoir partagé qui se développe dans ces espaces. Donc oui, simplement pour dire que c'est pas une pratique, [rire] que c'est pas simplement une posture mais il y a une pratique concrète, il y a une réalité qui joue à travers ça.
21:18 Stéphanie Gaudet
Bien je pense en tout cas que vos témoignages, je pense qu'ils sont également importants pour nos jeunes diplômés en philosophie, mais aussi en sociologie, parce que William-Jacomo, vous êtes diplômé de sociologie. Alors, ça nous montre aussi tout ce qu'on peut faire avec ce genre de formation-là, je pense que c'est important aussi, parce que nos étudiants, étudiantes se demandent souvent : « Ah, qu'est-ce que je vais faire avec un bac plus général en sciences humaines, sciences sociales? » [Musique de fond] Bien, on peut faire vraiment des projets très intéressants, à la fois théoriquement intéressants, mais aussi très pertinents dans la pratique. Alors, j'aimerais beaucoup vous remercier Ducakis et William-Jacomo pour votre temps, pour vos convictions aussi dans ce que vous faites.
Et j'aimerais également remercier, en fait le CIRCEM remercie le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, la Fondation Famille Bertrand, ainsi que Robert Doyle et Nicole Mondou pour avoir financé la production de ce balado. Alors je vous remercie à la fois et je souhaite à la prochaine à nos auditeurs des balados du CIRCEM.
William-Jacomo Beauchemin
Merci Stéphanie.
Ducakis Desinat
Merci.