LET'S TALK ABOUT UKRAINE

Galia Ackerman, rédactrice en chef du média en ligne Desk Russie : Poutine, cerveau collectif du KGB - Enregistrement : Théâtre du Soleil, le 11 février 2024

What is LET'S TALK ABOUT UKRAINE?

Face à la lassitude de nos gouvernants, restons infatigables. Ne lâchons pas l’Ukraine !

Cette série de rencontres, née de la collaboration du Théâtre du Soleil et de Desk Russie, donne à entendre la parole d’experts, de journalistes, d'universitaires et d'auteurs ukrainiens, russes et français.
Au programme : réflexions, décryptages, analyses, témoignages, lectures et poésies.

Organisation des rencontres : Galia Ackerman | Desk Russie
En collaboration avec le Théâtre du Soleil, le Théâtre de l'Aquarium, la MC93 et Making Waves

Sylvain Creuzvault:

Galia Ackerman est essayiste, historienne et journaliste, spécialiste de la Russie et de l'Ukraine, autrice de plusieurs livres. Elle a créé et dirige depuis bientôt trois ans un média en ligne Desk Russie. Ton intervention, Galia, tu as choisi le titre Poutine, cerveau collectif du KGB.

Galia Ackerman:

Oui en effet, je pense qu'il est toujours utile de revenir sur la figure de Poutine. Vous savez, il y a beaucoup de Russes et il y a beaucoup de commentateurs experts étrangers qui pensent que Poutine a évolué, que au début il était plus ou moins un dirigeant normal et que graduellement et d'ailleurs poutine lui-même accuse de cette évolution les pays occidentaux l'OTAN et cetera l'Ukraine que poutine était quelqu'un de normal et que peu à peu il est devenu un monstre qu'on connaît. Ce que j'aimerais bien montrer ici c'est une idée différente et c'est l'idée que nous développons dans le livre noir de Vladimir Poutine que j'ai dirigé et coécrit avec toute une équipe de spécialistes. Il faut d'abord dire que Poutine n'est pas quand même arrivé au pouvoir juste par hasard parce que l'oligarque très influent à l'époque Boris Berezovski a suggéré son nom à yelsin il y avait derrière toute une carrière et notamment Vladimir poutine quand même a été chef du FSB c'est-à-dire ancien kGB kGB et avant le long de de de sa jeunesse c'était un officier du kGB or le kGB est une organisation très puissante et on peut supposer qu'en fait le KGB a toujours été en quelque sorte derrière Poutine et que Poutine a incarné les préceptes, les méthodes et les pratiques du KGB même si la dénomination le kGB a été abandonnée en faveur de FSB service de sécurité fédéraux.

Galia Ackerman:

Comment peut-on démontrer ça bien, il faut simplement suivre la trajectoire de Poutine depuis sa prise du pouvoir. D'abord, il a été nommé par Boris Eltsine comme ministre et ensuite successeur du président ensuite il a été élu en deux mille en tant que président en titre et donc c'est un monsieur qui se trouve au pouvoir depuis pratiquement vingt-quatre ans. Si vous analysez politique concrètement, vous verrez que tout simplement il va pas après pas vers ce que nous observons actuellement. Je rappelle les les principaux les les principales étapes il a commencé comme vous savez par la deuxième guerre de Tchétchénie qui a été matrice de toutes ces guerres futures au nom de l'unité de la fédération de Russie pour ne pas permettre disait-il de dominos, c'est-à-dire il y a toujours une crainte de l'éclatement de l'empire et tous les moyens y compris les plus cruels, la Tchétchénie a perdu dix pour cent de sa population dans cette deuxième guerre et c'est un petit peuple. Donc donc ça ça a déjà montré les ambitions de ce régime.

Galia Ackerman:

Ensuite très rapidement, pratiquement au même moment, il a pris contrôle de deux principales chaînes de télévision du pays et ça a été le début de la les télés qui pouvaient véhiculer un autre point de vue que celui du pouvoir. Ensuite, il a mis au les oligarques, c'était en deux mille trois avec la fer Yucos dont beaucoup de vous ont le souvenir, il était il a mis en prison pour dix ans un oligarque qui essayait de créer une grande société pétrolière indépendante donc depuis depuis les oligarques ont été tous mis au pas. Ensuite une fois qu'il a qu'il s'est emparé davantage de la situation à l'intérieur du pays, il commence à attaquer sur le plan international en deux mille sept et il y a le fameux discours de Munich où Vladimir Poutine esquisse les principes de sa politique étrangère avec donc la demande déjà très exigeante de détruire on peut dire l'ordre occidental. Ensuite l'année suivante s'ensuit la guerre de Géorgie en deux mille huit et à la suite de cette guerre la Géorgie perd vingt pour cent de son territoire. Il faut dire que les pays occidentaux n'ont pas appris très au sérieux le discours de Poutine parce que en mai deux mille huit les deux pays qui sont probablement les plus pro européens de tout l'espace post-soviétique à savoir l'Ukraine et la Géorgie ont frappé à la porte de l'OTAN mais l'OTAN ne leur a pas accordé le le le premier comment dirais-je le premier pas vers l'adhésion c'est-à-dire un programme d'accompagnement spécial et déjà en deux mille huit la première punition s'en est suivie cette guerre russo géorgienne ensuite poutine commence à préparer son armée en deux mille neuf une réforme qui a duré cinq ans une réforme militaire de l'armée a commencé pour la rendre plus opérationnelle plus moderne mieux équipée et cetera entre-temps il y a aussi la société qui est qui est militarisée graduellement c'est ce que je raconte en détail dans l'autre livre dont vous voyez maintenant la couverture le régiment immortel parce qu'il créait tout un réseau d'organisations militaro-patriotiques avec embrigadement croissant des jeunes et donc le régiment immortel ce qui a donné le nom à ce livre, c'est en fait la marche annuelle qui est une sorte de rappel de la grande guerre patriotique avec le slogan nous le répéter, c'est-à-dire nous pouvons encore une fois conquérir l'Europe, encore une fois arriver jusqu'à Berlin.

Galia Ackerman:

Ensuite, Poutine profite du Maïdan, de d'une certaine désorganisation de l'état ukrainien pour annexer la crimée en deux mille quatorze pour déclencher la guerre dans le donbass qui je le rappelle a duré huit ans de deux mille quatorze à deux mille vingt-deux donc le côté des soi-disant séparatistes a été totalement encadré par les russes et c'est la résistance des ukrainiens qui a permis que le projet de ce que les russes appelaient en deux-mille-quatorze deux-mille-quinze novorossi et la nouvelle Russie c'est-à-dire s'emparer de la rive de la rive gauche pardon du Dniepr ne se réalise pas et soit limitée à seule une partie des régions du Donbass. Ensuite déjà les préparatifs pour la guerre continuent et pour cela entre deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et-un en particulier, c'est-à-dire c'est un mouvement graduel, mais le comble arrive en deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et-un et continue depuis, c'est-à-dire on écrase totalement l'opposition, on interdit toutes les ONG possibles et imaginables même même celles qui ne sont n'ont pas de de d'activité politique, mais par exemple bien sûr les plus connus c'est le mémorial c'est aussi le fond de navalny qui était très bien planté et avec la possibilité pour Poutine, se réélire et avec la possibilité pour Poutine se réélire encore et encore jusqu'à deux-mille-trente-six.

Galia Ackerman:

Et donc c'est que après cela qu'a lieu la grande guerre la grande guerre contre l'Ukraine qui est déclenchée nous allons bientôt marquer ce triste deuxième anniversaire à partir de vingt-deux, vingt-quatre février pardon de deux-mille-vingt-deux. Maintenant, qu'est-ce qui nous fait penser qu'en fait on retourne avec Poutine qui qui qui l'a mené pendant vingt ans probablement en concert avec les éléments les plus réactionnaires et notamment avec les services secrets, le FSB en premier lieu. Qu'est-ce qui nous permet de dire qu'on retombe sous une autre appellation dans une sorte de l'union soviétique et même l'union soviétique non pas de sa meilleure époque relativement relativement tranquille c'est une partie des années brejenève je ne parle même pas de la pestica mais carrément dans une sorte de néo stalinisme Si vous voulez pour ça, il faut, il suffit de comparer les principes de gouvernance à l'époque soviétique et ça c'est valable pour toute l'époque soviétique et les principes de la gouvernance aujourd'hui. Donc il s'agit du contrôle total de la population non alternance de de principes du pouvoir, la répression bien sûr à la délation dénie de toute qualité humaine intrinsèque, c'est-à-dire l'homme est évalué uniquement en fonction de sa conformité et son utilité au régime.

Galia Ackerman:

Ensuite, il s'agit de la destruction de, de, du projet de destruction du monde occidental ou capitaliste, qui a été prôné par les Soviétiques et qui est toujours prôné par Poutine sous une autre appellation. Idée messianique chimique qui justifie tous les moyens et l'idée peut être une idée communiste, mais ça peut être toute autre idée notamment comme c'est maintenant valeurs traditionnelles, idées impériales, état civilisation russe et caetera et ensuite bien sûr élargissement de l'empire par tous les moyens parce que c'est la matrice de l'empire russe qui existe depuis plus plus de deux siècles en tout cas c'est catherine catherine ii qui qui disait que le moins le meilleur moyen de défendre la russie est d'élargir ses frontières et donc ceux qui sont utilisés par le régime sont récompensés en proportion de leurs services et ça leur permet d'avoir une vie plus aisée avec un sentiment de satisfaction et ceux qui sont inutiles mènent une vie misérable et qui s'opposent sont incarcérés ou éliminés. Donc ce que je décris a été instauré par Lénine n'a jamais changé fondamentalement, les cartes ont été redistribuées mais le jeu est resté le même, seulement avec l'élimination du parti communiste qui à cause du dogme en vigueur devait garder certaines apparences, il n'y a plus de limites pour les utiles du régime.

Galia Ackerman:

Ils ont à eux toute la richesse des sols, à eux les entreprises qui sont de plus en plus on n'a pas payé beaucoup d'attention mais toute la grosse industrie en Russie est depuis un moment déjà renationalisée à eux des des plaisirs comme envoyer leurs familles en occident et caetera et les objectifs sur le plan international restent les mêmes destruction de la domination occidentale ouvertement proclamée par Poutine et ses autres propagandistes, destruction de la démocratie, accroissement de l'influence dans le monde, soutien de régimes dictatoriaux, et caetera. Bref, bref, pas, il faut, il faut comprendre une chose. C'est une doctrine, c'est une doctrine qui a des dizaines d'années qui qui qui se modifie encore une fois les cartes sont rebattues mais grosso modo les tendances sont les mêmes et c'est pour ça que la personne de Poutine finalement n'a pas n'a pas beaucoup d'importance parce que c'est quelqu'un qui est entièrement façonné par l'expérience soviétique et les pratiques du KGB. Parfois je je je dis même que Poutine est une sorte de derrière Poutine et le cerveau collectif du KGB alias FSB et que il s'agit en quelque sorte, vous imaginez un logiciel de l'intelligence artificielle qui a été complètement nourri par toutes les pratiques du kGB ben c'est ça poutine c'est pour ça que quand emmanuel macron essayait de le taper sur l'épaule et pensait que en lui parlant humainement en lui expliquant que le l'occident n'était pas dangereux et caetera qu'on pourrait le convaincre On ne peut pas convaincre une machine.

Galia Ackerman:

Ce que nous devons faire, c'est simplement nous tenir au principe parce que c'est un homme avec qui on ne peut pas négocier il faut que nous ayons l'Ukraine et la supériorité. Merci