FAUTE DE MIEUX, par Jindra Kratochvil

Faute de mieux, une chronique de Jindra Kratochvil (Cité anthropocène). Une chronique d'auteur, résolument spéculative, qui s'appuie sur le réel pour aller voir ce qui se trouve de l'autre côté. S'y entassent peut-être de vieilles idées, des rêves inachevés en attente de traitement, des coquilles conceptuelles y parsèment des chemins qui, naturellement, mènent presque partout et nulle part en particulier.

What is FAUTE DE MIEUX, par Jindra Kratochvil?

Faute de mieux, une chronique de Jindra Kratochvil (www.kratochvil.tv).
Une chronique d'auteur, résolument spéculative, qui s'appuie sur le réel pour aller voir ce qui se trouve de l'autre côté. S'y entassent peut-être de vieilles idées, des rêves inachevés en attente de traitement, des coquilles conceptuelles y parsèment des chemins qui, naturellement, mènent presque partout et nulle part en particulier.

#15 Faute de mieux, une magnétosphère en pleine forme
Celles et ceux qui regardent parfois le Soleil avec une certaine méfiance ne seront nullement surpris car depuis longtemps ils soupçonnent ce que la science observe et constate : le Soleil change, il évolue sans cesse, son activité est instable, chaotique sur les bords, et la constance qu’il affiche n’est qu’une façade.
Loin d’être un modèle de sérénité à toute épreuve, il serait même, en fait, un astre tout à fait cyclothymique, puisque ses pôles magnétiques ont tendance à se renverser tous les onze ans.
Un évènement qui, bien entendu, se fait sentir, c’est-à-dire qu’il est précédé – et suivi – par des sortes de convulsions, de tremblements, d’éternument accompagnées d’humeur odieuse. Ce qui le rend, en dépit de tout l’affection que par ailleurs nous lui portons, parfaitement infréquentable.
Et si vous avez l’impression que, depuis quelques semaines, le monde est encore plus tendu que d’habitude, c’est peut-être parce que notre cher Soleil est sur le point d’entrer dans une phase critique de son cycle de 22 ans – autrement dit : il vaut mieux éviter de lui adresser la parole jusqu’à 2025 au moins.
Ou plutôt : vous pouvez lui adresser la parole comme vous voulez. Vous pouvez l’ignorer et faire semblent de ne pas le connaitre, vous pouvez lui chuchoter des mots doux à l’oreille, mais n’oubliez pas que cela ne l’empêchera pas de vous cracher dessus jusqu’à plusieurs milliards de tonnes de plasma, à 1 000 000 de degrés, à une vitesse entre 100 et 2500 km/s. C’est ce qu’on appelle communément « un truc de malade », même si le mot scientifique précis est « EMC », pour dire « éjection de masse coronale ».
Heureusement, il se trouve que par une sorte de concours de circonstances, pour ne pas dire « miracle », la Terre dispose d’un bouclier protecteur. C’est le champ magnétique de la Terre qui fait dévier le flux de particules éjectées par le soleil, ce qui se manifeste notamment par les célèbres aurores boréales dans l’hémisphère nord et les aurores astrales dans l’hémisphère sud.
Vous vous demandez peut-être ce qui pourrait bien se passer en cas d’absence ou de dysfonctionnement de ce bouclier magnétique. Eh bien, pour aller vite : ce serait pas forcément très agréable.
Lorsque les flux électromagnétique issues des éruptions solaires arrivent à percer la magnétosphère terrestre, cela se traduit, certes, par des aurores observées à des latitudes exceptionnelles, comme par exemple des aurore à Honolulu en 1859 – ou encore, plus récemment et dans la moindre mesure, en France – mais surtout, cela se traduit par une tempête électromagnétique qui perturbe les télécommunications, les satellites, les GPS et peut sérieusement endommager les réseaux et les équipements électriques et électroniques. En 1921, par exemple, un orage électrique fait sauter le réseau pour 130 millions d’Américains, et une chose similaire se produit en 1989 au Québec.
Mais revenons en 2024 : d’un côté, nous avons notre mode de vie moderne, occidental, électrifié au point de plus pouvoir tirer la chasse d’eau sans solliciter un ordinateur ou un smartphone. De l’autre côté, nous avons le Soleil et son humeur imprévisible. Potentiellement dévastateur. Car il y a des tempêtes exceptionnelles tous les 20 ans, mais il y en a des plus exceptionnelles encore tous les 150 ans, et à ce qu’il semble, encore bien pires tous les 800 ans !
Alors souhaitons à notre chère planète de garder une magnétosphère en forme.
Et c’est d’ailleurs l’une des meilleurs choses que nous pouvons souhaiter les uns aux autres. Vous avez déjà remarqué qu’il y a des jours où l’humeur exécrable de vos proches, de vos amis ou de vos collègues pénètre profondément dans votre psyché pour la brûler comme si c’était de l’acide ? Alors qu’il y a des jours où cela ne vous fait quasiment aucun effet ? Comme si tout cela passait à côté de vous ?
Eh bien, c’est à peu près pareil. Souhaitons-nous donc, faute de mieux, une magnétosphère en forme. Et n’oublions pas que le 23 mai 1967, en pleine guerre froide, les systèmes d’alerte états-uniens ont été perturbés par un puissant orage électromagnétique, chose qui a d’abord été interprétée comme un brouillage volontaire de la part des soviétiques, et qui a fait quasiment décoller les bombardiers nucléaires de contre-attaque. Alors qu’il s’agissait, comme d’habitude, d’un simple malentendu cosmique.