Là où la poussière se dépose

En avant-scène, Patrice et Zoé se font face, un micro sur pied s’interpose entre eux. La lumière est dirigée.

La lumière est bleutée, verdatre, d’un blanc froid, quelque peu éblouissante. Patrice se retourne pour aller chercher des chaises, il revient au côté de Zoé. Il les gardera dans ses mains jusqu’à la fin de la scène. Zoé fait face au public, elle ignore volontairement la présence de Patrice.

Entendu dans ce tableau : une musique d’attente, l’intérieur d’un concessionnaire automobile.



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What is Là où la poussière se dépose?

Dans cette autofiction sonore, l’autrice Karina Pawlikowski et le réalisateur Julien Morissette nous invitent à pénétrer, par la petite porte de l’intimité, dans la transformation de leurs maisons.

PATRICE
« Faut juste qu’on reste un team »

ZOÉ
c’est ça que tu m’as dit
l‘été de cette année-là
après que je t’ai laissé
me laisser
sur le balcon

Parce que,
j’aurais jamais trouvé le courage de faire ça toute seule.
J’haïs tellement ça briser des affaires.
un verre,
une clôture,
une maison,
un char,
des enfants,
les nôtres.

Mais toi, t’es maladroit comme dix.
T’es habitué.
de te salir,
de tacher tes vêtements.
casser une chaise,
une table,
un bol de soupe,
un lit.
Boucle d’or t'arrive pas à la cheville.

On s’est séparés,
c’était un samedi,
du mois d’août.
Un été de canicule.
il faisait chaud,
déjà,
tôt le matin.
J’étais assise,
en avant de la maison
je buvais mon premier café,
et je regardais les voitures passer,
avec notre chien, évaché sur le côté,
y'avait l’air bien.

T’es venu me rejoindre
la porte est restée ouverte
tu t’es assis à côté de moi
tu m’as regardée
je t’ai regardé me regarder
tu m’as dit
« ouin, ça marchera pas, je serai pas capable. »

J’ai rien dit, mais j’ai compris.
que tu venais de creuser la première fissure.
Une fente, qui s’étirerait jusqu’à nous fendre.

Cet après-midi là, on est parti ensemble s’acheter un char
ça nous prenait un char
ça faisait 3 ans qu’on galérait, pis là on a senti l’urgence de nous simplifier la vie,
dans certaines sphères qu’on pouvait encore contrôler.
On est arrêté chez le concessionnaire,
celui de « La famille et l’amour, des valeurs sûres »
à Gatineau-Gatineau.

On a choisi un char, presque au hasard.
Pas cher, pas engageant, pas beau, pas neuf.
On l’a mis à ton nom.
Pis quand le vendeur s’est assis avec nous dans un bureau qui inspire l’aide médicale à mourir,
en remplissant un formulaire pour l’enquête de crédit, y t’a regardé pis y’a dit :
« êtes-vous mariés, conjoints de fait, célibataire, ou veuf…
veuf j’espère pas pour vous madame. »

J’ai pas ri.
J’ai eu chaud.
Tout de suite
j’ai eu envie de pleurer.
Je me suis retenue,
j’ai pas relevé la tête.
Ma gorge s’est serrée comme une conne.
Parce que ça aurait été ridicule d’exploser devant ce pauvre gars-là,
habillé avec un polo vert lime d’une marque de sport, la même que celle des joueurs de tennis, dans les tournois du grand chelem.
Mais lui y’était dans un stationnement de chars neufs mais surtout usagés
à Gatineau-Gatineau.
Je le méprise.
Je m’haïs de le mépriser
mais c’est ça pareil, le sentiment qui m’habite.

Y’a eu un moment,
comme un temps
une pause,
tu réfléchissais,
t’étais pas sûr.
T’as répondu :

PATRICE
« conjoints de fait »

ZOÉ
Un mensonge, comme un secret, que, seulement moi, pouvais déceler.