Hé-coutez bien!

Plus de 70 langues autochtones distinctes sont parlées par les Premières Nations, les Métis et les Inuit au Canada, mais ces langues sont menacées.

Dans cet épisode, nous nous entretenons avec Randy Morin et Belinda kakiyosēw Daniels, qui partagent leurs connaissances de la langue crie avec les apprenants du Nêhiyawak Language Experience, au sujet de la sagesse encodée dans les langues autochtones, ainsi que des possibilités offertes par ces langues et des obstacles auxquels elles sont confrontées.

What is Hé-coutez bien!?

Soyez à l’écoute du balado Hé-coutez bien! pour faire la connaissance des personnes derrière les données et découvrir les histoires qu’elles révèlent. Soyez des nôtres alors que nous rencontrons des experts de Statistique Canada ainsi que de partout au pays pour leur poser les questions qui comptent pour les Canadiens et entendre leurs réponses.

Annik :
Bienvenue à Hé-coutez bien, un balado de Statistique Canada, où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu’elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.
Quand on parle de langues autochtones, on ne parle pas d’une seule chose. Le Canada compte plus de 70 langues autochtones distinctes.
Elles ont des statuts différents. Par exemple, l’inuktitut est une langue officielle au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, et près de 40 000 Inuit ont indiqué dans le Recensement de 2021 qu’ils le parlent assez bien pour soutenir une conversation. Les langues cries et ojibwées comptent également des dizaines de milliers de locuteurs, ce qui fait de ces trois langages les langues autochtones les plus couramment parlées au Canada. Cependant, il y a aussi des langues comme l’haisla, le haïda et le ktunaxa, qui représentent chacune moins de 300 locuteurs. Cependant entre le Recensement de 2016 et celui de 2021, le nombre de locuteurs du ktunaxa et du haisla a augmenté, tandis que le nombre de locuteurs du haïda a diminué.
Un peu plus de 237 000 Autochtones au Canada ont déclaré parler une langue autochtone assez bien pour soutenir une conversation dans le Recensement de 2021, mais ce nombre a diminué depuis le recensement précédent, durant lequel environ 260 000 Autochtones ont déclaré être capables de parler une langue autochtone. Cette baisse est attribuable à une diminution constante du nombre de personnes dont la langue maternelle est une langue autochtone.
Parallèlement, le Recensement de 2021 a indiqué que davantage d’Autochtones apprennent une langue autochtone comme langue seconde. Les locuteurs de langue seconde représentaient plus d’un quart de tous locuteurs de langues autochtones, en hausse de 4 100, ou de 6,7 %, par rapport à 2016.
L’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture considère que toutes les langues autochtones du Canada sont « à risque », c’est-à-dire vulnérables ou menacées. Les langues autochtones sont menacées à cause de la discrimination, de la colonisation et des pratiques, y compris le système des pensionnats indiens, qui visait à détruire les cultures et les langues autochtones. Les enfants autochtones se sont fait enlever leur langue lorsqu’ils ont été enlevés de force de leur famille et punis ou humiliés pour avoir parlé leur langue.
Tout cela signifie qu’aujourd’hui, ces langues sont en danger, et les communautés autochtones luttent pour garder leurs langues vivantes.
RANDY :
Oui, on dit qu’il n’y aura que trois langues qui seront encore parlées dans 20 à 25 ans et le cri est l’une d’entre elles. Le cri, l’inuktitut et l’ojibwé. C’est ce que disent les statistiques.
ANNIK :
C’est Randy Morin, un gardien du savoir.
RANDY :
Randy Morin, professeur adjoint, Université de la Saskatchewan.
ANNIK :
Selon le dernier recensement il y avait près de 87 000 locuteurs cris au Canada. Le cri serait la langue autochtone la plus parlée au Canada… s’il n’y avait qu’une seule langue crie. Mais il y a beaucoup de langues cries, et elles ne sont pas toutes pareilles.
RANDY
Il y a un grand risque, surtout pour les dialectes moins parlés, comme le dialecte R, le dialecte L. Ces dialectes sont plus parlés dans l’Est canadien. Je ne sais pas grand-chose à leur sujet, pour être honnête, personnellement. Mais nous avons aussi des petits dialectes en Saskatchewan, le dialecte N et le dialecte TH, le cri des bois, le cri des marais. Par contre, le plus grand, celui auquel je suppose que les statistiques font référence, serait le dialecte cri des Plaines. Celui-là survivra probablement un peu plus longtemps que les autres dialectes.
ANNIK
Ce n’est pas seulement que différents dialectes utilisent des sons différents ou des mots différents.
RANDY :
Chaque dialecte a sa propre façon de voir le monde. Les Cris des marais ont leur propre façon, les Cris des bois, ou Cris des rochers, comme ils s’appellent eux-mêmes, donc pour eux et pour nous autres les Cris des plaines, il y a des différences dans les dialectes et la façon dont nous voyons le monde.
ANNIK :
Randy parle le cri comme langue maternelle.
RANDY :
Bien, j’ai grandi en parlant la langue. On me parlait en cri quand j’étais encore dans le ventre de ma mère, alors je ne parlais pas d’anglais avant d’avoir 10 ans. Et je raconte souvent cette histoire, comment ai-je réussi la maternelle et la première année alors que je parlais seulement le cri? Beaucoup d’entre nous dans ma communauté, à mon âge, parlaient tous la langue, et nous avons passé la maternelle et la première année. J’ai grandi en la parlant. Je ne connaissais rien d’autre. C’est comme un poisson, un poisson ne sait pas qu’il est dans l’eau, c’est juste comme ça que j’étais dans ma langue, j’étais immergé, elle était partout autour de moi.
ANNIK:
Mais, comme je l'ai mentionné, de nombreux locuteurs de langues autochtones ont appris ces langues comme langue seconde, comme kakiyosēw.
BELINDA : Dre Belinda kakiyosēw Daniels, département de l’éducation autochtone à l’université de Victoria.
En ce qui concerne l’apprentissage, j’ai toujours écouté la langue depuis ma naissance. J’ai été élevé par mes grands-parents pendant la majeure partie de ma vie et ils parlaient cri entre eux. Ils ne m’ont pas encouragé à leur parler, mais j’ai souvent entendu la langue. Et donc, quand il s’agit d’être inspiré, leur simple capacité à se parler dans notre langue originale m’a inspiré, et c’est ce qui a piqué ma curiosité pour me demander « pourquoi ne suis-je pas encouragé à parler ma propre langue? »
ANNIK :
En 2017, la moitié des jeunes autochtones ont déclaré que parler une langue autochtone était important ou très important, et bien qu’ils étaient moins susceptibles d’avoir une langue maternelle autochtone, nombre d’entre eux apprenaient une langue autochtone comme langue seconde. La majorité des jeunes des Premières Nations et des Inuits, respectivement 68 % et 87 %, qui pouvaient parler une langue autochtone ont appris leur langue en tant que langue maternelle. Chez les jeunes Métis pouvant parler une langue autochtone, la proportion était plus proche de la moitié, puisque 55 % d’entre eux ont appris leur langue comme langue maternelle et le reste l’ont apprise comme langue seconde.
ANNIK : Randy et kakiyosēw enseignent la langue crie aux élèves d’un camp d’immersion linguistique.
BELINDA :
Nous codirigeons Néhiyawak Language Experience, qui est une organisation communautaire locale à but non lucratif. Nous célébrons notre 20e anniversaire cet été. Donc, c’est excitant pour le travail que nous faisons. Je dirais que nous sommes en fait des pionniers dans cette façon de récupérer les terres et l’immersion linguistique dans nos territoires d’origine comme une intention ciblée.
ANNIK :
Leurs efforts vont de la communauté locale au milieu universitaire.
BELINDA :
Nous écrivons aussi des livres ensemble. Nous faisons des recherches ensemble.
J’ai 12 étudiants des cycles supérieurs que je supervise ou qui siègent à un comité.
RANDY :
J’enseigne la langue crie à l’Université de la Saskatchewan. J’y crée un programme de certificat de langue crie, et j’espère le lancer l’année prochaine.
ANNIK :
Mais ça ne s’arrête pas là! Il est aussi question de la télévision et des livres.
RANDY :
J’ai aussi beaucoup travaillé avec APTN. Donc, j’ai fait beaucoup de travail cri pour l’émission Wapoos Bay. Aussi, les Gardiens, le dessin animé. Et maintenant, la plus récente série pour enfants s’appelle CHUMS. Et ça va être lancé cette année, donc j’ai fait beaucoup de travail en cri.
BELINDA :
Je tiens le livre que j’ai co-écrit avec Andrea Custer, intitulé Speaking Cree in the Home: A Beginner’s Guide for Families. (disponible en anglais seulement) nēhiyawētān kīkināhk.
ANNIK :
Il n’existe pas de solution unique pour revitaliser les langues autochtones. Il y a des raisons historiques pour lesquelles ces langues sont en danger, mais il y a aussi des obstacles qui existent aujourd’hui encore.
BELINDA :
Quels sont les obstacles? Mettons en place une politique pour rendre nos langues officielles. Obtenons du financement pour nos langues des Premières Nations dans nos systèmes scolaires. L’argent a toujours été sous-évalué ou sous-financé. Commençons à valider nos orateurs et à montrer le respect que ces orateurs méritent en ce qui concerne les titres de compétence. Ils n’ont peut-être pas de baccalauréat ou de doctorat, mais ils sont des locuteurs de la langue et possèdent une grande connaissance du monde. Donc, valorisons et reconnaissons cela.
RANDY :
En grandissant, nous parlions tous la langue et tout d’un coup la radio FM est débarquée, et la culture pop est débarquée. Oh, mon Dieu, tout le monde a commencé à parler anglais du jour au lendemain, vous savez, et ça n’a cessé de décliner depuis avec des choses comme la modernisation, la mondialisation, et le culte de la célébrité. Je suppose que nos jeunes gens admirent les célébrités, et donc nous devons les ramener à leurs propres modèles, vous savez, et c’est un défi.
Les gouvernements fédéral et provinciaux, ils ont gâché tellement de choses, pour les peuples autochtones pendant des années. Ils doivent vraiment souligner ce sentiment d’urgence et les universités doivent travailler avec les spécialistes linguistiques. Il n’y a que deux d’entre nous à l’Université de la Saskatchewan, et c’est un vrai défi.
Il n’y a que deux écoles à Saskatoon, St. Francis et wâhkôhtowin. Il y a beaucoup de défis, mais il y a aussi beaucoup de réussites.
La technologie peut être utilisée pour établir des liens avec les gens dans les collectivités éloignées. En fait, notre ami, Bill Cook, notre frère, son projet de doctorat est de connecter des conférenciers, des communautés éloignées avec les apprenants et, et ils sont payés. N’est-ce pas formidable? Quel projet génial! Tous ces anciens qui sont à la maison pourraient faire de l’argent sur leurs ordinateurs, parler à des apprenants, ah, quel projet! J’aurais aimé y avoir pensé pour mon doctorat. Donc, beaucoup de défis, mais aussi beaucoup de réussites.
BELINDA :
Je voulais ajouter aux réussites à l’échelle communautaire. Alors, j’ai mentionné mon nom, n’est-ce pas? kakiyosēw. Je viens de pakitahwâkan sâkahikan, Premières Nations de Sturgeon Lake, en Saskatchewan. Et pour ce qui est des activités communautaires locales, pour ma part, je suis toujours au service de ma communauté d’origine, et dans l’ensemble, de ma nation.
Certains des succès ont été de créer des signes de nēhiyawēwin dans notre communauté natale. Euh, créer des camps pour les familles, créer des programmes oskapios pour les garçons et les hommes, créer un programme linguistique à l’échelle de la communauté, du leadership aux différents organismes qui travaillent dans notre communauté natale.
BELINDA :
Nous avons la revitalisation des langues autochtones comme domaine d’études à l’Université de Victoria. Je sais que l’Université des Premières Nations du Canada travaille aussi sur la même chose. En tant que peuple néhiyawak, les peuples originaux de l’île de la Tortue, nous travaillons ensemble. Nous nous rassemblons. Travailler ensemble pour aider à relever nos langues originales.
ANNIK :
Plus tôt dans notre conversation, Randy a mentionné que les différentes langues cries ont leurs propres visions du monde. Différentes langues ne sont pas seulement des étiquettes interchangeables pour les mêmes choses. Et les langues cries sont uniques à leur façon.
RANDY :
Vous voyez certainement le monde de deux façons différentes quand vous connaissez la langue. Et je parle d’expérience, donc votre vision du monde est vraiment différente.
Vous pouvez comprendre les histoires, vous savez, les enseignements qui sont insérés dans les histoires. Vous comprendrez beaucoup plus les cérémonies si vous avez une connaissance intime de la langue.
L’humour joue aussi un grand rôle dans le langage, puisque l’humour est si descriptif, vous pouvez le voir dans votre esprit mieux qu’en anglais. En anglais, c’est un peu unidimensionnel. Mais dans la langue d’origine, nous le voyons sous tous les angles, c’est tellement drôle.
Donc oui, ça concerne les relations avec le monde naturel. La façon dont nous percevons le monde en tant qu’être vivant et cela va vraiment à l’encontre de cette vision du monde d’aujourd’hui. Comme s’il n’y avait pas de liens avec la Terre. Vous voyez, plusieurs voient la terre comme inanimée. Pas vivante. Ils voient les animaux comme n’ayant pas d’esprit. Les insectes. Les oiseaux. Vous savez, pour nous, ils font partie de notre famille.
La langue vous enseigne des valeurs. Les lois, les enseignements, ceux-ci sont intégrés dans notre langue et celle-ci depuis des millénaires.
D’un point de vue philosophique, spirituel, nous retournons au monde des esprits. Donc, nous devons avoir ces lois, nous devons suivre ces enseignements, parce que notre temps sur la terre passe rapidement.
ANNIK :
Comme vous les savez, en français, on classe les noms par genre, masculin et féminin. Le cri classe ses noms selon le concept d’« animacy » : ce qui est vivant et ce qui ne l’est pas.
BELINDA :
Ce concept représente la façon dont nous considérons le monde comme étant vivant et imprégné d’esprit. Et donc, quand nous regardons la terre, la terre nous fournit tout ce dont nous avons besoin; donc la terre est vivante, la terre est vivante et dotée d’un esprit. Et quand vous regardez les arbres et les rochers, les montagnes et les rivières, les animaux, l’océan, le soleil, même le temps. Si vous avez cette perspective que ces éléments sont vivants, dotés d’esprits, empreints d’une force vitale de quelque chose, une source, et si vous pouvez les voir comme vous pensez à vos propres parents, vos propres grands-parents, votre frère, votre soeur, votre nouveau-né, cette façon de penser au monde naturel vous rend plus conscient, respectueux et reconnaissant de l’endroit où nous vivons.
ANNIK :
Vous avez parlé de l’importance de la nature. En fait, vous dirigez un camp linguistique, et « camp » est un mot extrêmement important, je pense. Pourquoi ce camp est-il dehors dans la nature et déconnecté, débranché? Pourquoi est-ce là l’endroit idéal? Pas pour un camp linguistique en général. Mais un camp de langue crie en particulier, pourquoi est-ce là le meilleur endroit?
BELINDA :
C’est ainsi que vivaient nos ancêtres. C’est ce que nos ancêtres ont toujours fait. C’est la solution. C’est un endroit spirituel, être dans la nature, marcher sur la terre, nager dans les eaux, écouter les oiseaux quand ils commencent à chanter tôt le matin, et aller dormir quand ils arrêtent…c’est incroyable. Je ne sais pas pourquoi ou comment, mais quand je suis dans le contexte de la langue, en entendant le langage, quelque chose se passe dans ma tête dans mon cerveau de la façon dont je pense qu’il y a un changement qui se produit et j’essaie souvent de le décrire comme… comme un casse-tête qui est assemblé simultanément, c’est ce qui arrive à mon cerveau. Comme je peux littéralement sentir cette connexion au contexte sur la terre dans la langue. Toute ma vision du monde est juste, vous savez, comme si un interrupteur bascule et que je laisse derrière moi ce monde anglais. Je laisse derrière moi tous les souvenirs de la violence dans le contexte colonial anglais. Et quand je suis dans la nature, sur les terres ancestrales c’est un sentiment de sâkihitowin. C’est un sentiment d’amour.
RANDY :
Vous savez, quand vous allez dans la nature, ça vous enseigne l’humilité, il n’y a pas d’ego, il n’y a pas de jeux de pouvoir, et vous arrivez à vous connecter avec les communautés dans lesquelles vous êtes. C’est l’énergie de l’endroit, c’est un environnement vraiment propre, détoxifiant. C’est responsabilisant. C’est très aimant. C’est très doux. C’est très organique, vous savez, c’est juste un sentiment d’être chez soi. Vous laissez derrière vous cette jungle de béton et vous vous connectez avec le monde naturel et les esprits de la terre. C’est un bel endroit.
BELINDA :
C’est un rythme naturel.
ANNIK :
Quand votre langue catégorise les noms en fonction de la présence d’esprit, comment cela affecte-t-il votre perception du monde naturel? Surtout dans le contexte de la crise climatique?
RANDY :
Hé bien, je vais le dire en un mot. wâhkôhtowin, wâhkôhtowin, nous sommes tous apparentés. Cela inclut les plantes, cela inclut les étoiles, la lune, les montagnes. Si vous êtes proche à un parent, allez-vous faire du mal à ce parent? En fait, dans nos lois, nous avons pâstâhowin, le fait de transgresser la loi du Créateur. Donc, si vous savez que vous n’allez pas abattre des arbres, vous allez seulement prendre ce que vous voulez, sans surexploiter pour en tirer des montants exorbitants en profit. Vous voyez, les gens s’enrichissent et, vous savez, il n’y a aucun mot dans leur vision du monde sur wâhkôhtowin, non? Et puis nous avons cette chose appelée ohcinêwin, c’est comme le mal contre des êtres doués d’intelligence. Et cela inclut tout dans la création. Vous savez, l’eau est vivante, on ne va pas empoisonner l’eau, on ne va pas forer dans l’eau. Vous savez ce que je veux dire? Nous avons tous ces exemples de ce qu’il ne faut pas faire.
BELINDA :
Cela nous ramène à ce que nous disions tout à l’heure à propos de cette idée d’« animacy ». Par exemple, les arbres, mîtos, mîtosak, ou les animaux, ou comme les oiseaux, piyêsîsak, c’est la même référence à quelque chose qui est vivant, rochers, asiniyak c’est la même référence au fait qu’ils sont vivants et dotés d’esprit et c’est comme ça qu’on parle d’eux. Donc, si vous voyez le monde comme une chose vivante et que vous considérez ces choses comme des membres de votre famille, vous n’allez pas faire de coupes à blanc. Vous n’allez pas extraire et construire ces gros trous miniers.
RANDY :
Ouais, donc les différentes langues du monde disent que la Terre est une mère. Elle nourrit. Ce n’est pas seulement un concept. C’est en fait comme une vraie croyance que la Terre est notre mère, n’est-ce pas? Donc, avec cette compréhension, comme Belinda l’a dit, nous allons protéger et nous occuper de notre mère et des médicaments qu’elle nous fournit, chaque chose a un but médicinal et un esprit, n’est-ce pas? Donc, c’est à nous de connaître ces médicaments, afin de pouvoir les garder pour les générations futures.
ANNIK :
Ryan DeCaire a dit : On dit que les gens revitalisent une langue, mais en réalité, c’est une langue qui revitalise un peuple. Quels sont les avantages d’apprendre une langue autochtone, que ce soit comme langue maternelle ou comme langue seconde.
BELINDA :
Votre connexion à l’endroit où vous appartenez, votre culture, votre connexion à ce que vous connaissez des lois naturelles et de la gouvernance naturelle, dans ces systèmes et aussi les gens, votre connexion au peuple. Il y a donc de multiples avantages.
De même, une fois que vous vous en rendez compte et que vous savez d’où vous venez, où vous êtes allé, en allant de l’avant, vous pouvez aborder les traumatismes. Vous pouvez entrer dans ce traumatisme historique, ce traumatisme intergénérationnel, et vous pouvez le briser une fois que vous connaissez votre langue et d’où vous venez. Et c’est comme ça pour moi. Et ça a été un sentiment de rentrer à la maison, de connaître mon but, de connaître mon rôle, de savoir que mes ancêtres sont derrière moi, et que je me tiens sur les épaules de véritables géants.
ANNIK :
Quels sont vos rêves pour l’avenir de votre langue et de votre communauté, et pensez-vous que le travail se terminera un jour?
BELINDA :
Mes rêves pour l’avenir… On m’a posé cette question il y a environ 10 ans, alors je suis heureuse de me voir à nouveau poser cette question. Mon rêve pour l’avenir est que nos langues soient protégées par des lois fédérales et provinciales partout au Canada. J’espère que nos communautés parlent la langue, et que les langues s’épanouissent dans nos communautés, que nos écoles sont basées sur le territoire, et que nous parlons, pas seulement notre langue, mais nos langues voisines.
Je tiens à souligner qu’avant le contact, et ceci est basé sur le travail d’Onowa McIvor, nos langues étaient très multilingues. Nous étions un continent très multilingue. Nous devions parler plusieurs langues pour avoir cet énorme système d’alliances commerciales avant le contact. Et quand les premiers colons sont arrivés, ils ont appris nos langues. Il n’y a que peu de temps que nous avons eu cette interdiction de nos façons de savoir, d’être et de faire. Dans les cent dernières années environ, et donc mes rêves sont, comment pouvons-nous rectifier cela? Comment le gouvernement fédéral rectifie-t-il cela? Et alors, comment les pouvoirs en place peuvent-ils aider à élever nos langues?
Et mes rêves sont que nous avons cet amour, cette compréhension et cette empathie pour les peuples originaux de cette terre. Et que personne n’est incarcéré. Que nous n’avons pas de toxicomanie. Que nous ne connaissons pas l’itinérance. Que nous n’avons pas de maladie mentale. Ce sont mes rêves, et je m’accroche à ça.
ANNIK :
Randy?
RANDY :
J’espère que notre environnement est également intact. Et j’espère que nous aurons un premier ministre autochtone. Vous savez ce que je veux dire? Ce sont tous mes espoirs et mes rêves, mais je veux que mes enfants, mes petits-enfants soient dans ce monde, qui les valorisent pour qui ils sont.
Parce que vous savez, regardez-moi, partout où je vais, les gens ont peur de moi dans mes propres terres, mon propre territoire de traité. Les gens ont peur de moi. Je suis stéréotypé par le racisme dont je suis victime quotidiennement. Donc, je veux que l’avenir soit meilleur pour mes enfants et mes petits-enfants. Nous pouvons nous entendre et travailler ensemble de la maternelle jusqu’à l’université pour que la langue soit, vous savez, intégrée, l’enseignement de la langue, vous savez, tout le monde parle seulement la langue, c’est un de mes souhaits les plus précieux, mais je ne sais pas si je pourrai voir cela de mon vivant, mais c’est ce que je veux voir.
ANNIK :
Y a-t-il quelque chose que je n’ai pas mentionné dont vous voudriez parler?
BELINDA :
Oh, je voudrais dire aux gens qui écoutent d’apprendre les noms originaux des nations qui vivent sur l’Île de la Tortue. Je ne sais pas exactement d’où viennent les mots « indigène » ou « autochtone », mais je préfère être appelée une nêhiyaw. Il y a plusieurs nations au Canada. Apprenez un salut, apprenez à dire bonjour dans les langues des terres où vous vivez. Heu, j’ai appris à dire uy' skweyl. Par exemple, ce ne sont que des petits mots très utiles, qui vont très loin. Surtout si vous êtes un visiteur. Heu, sur des terres dont vous n’êtes pas originaire et je ne suis pas sûre de l’avoir dit, mais encouragez vos enfants comme vous, vous savez, avec le sport, la danse ou la musique. Encouragez vos enfants à parler la langue et à participer à la culture. Ce ne sont que deux ou trois choses qui me viennent à l’esprit.
ANNIK : Vous venez d’écouter Hé-coutez bien! Merci à nos invités, Randy Morin et Belinda kakiyosēw Daniels, d’avoir pris le temps de nous parler. Vous pouvez vous abonner à cette émission à partir de tout endroit où vous accédez habituellement à vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez surtout pas à la noter, à la commenter et à vous y abonner. Merci de nous avoir écoutés!