Les premiers seize pour cent

Comment la sélection végétale a-t-elle évolué depuis les 20 dernières années? Qui sont les acteurs dans ce domaine au Canada? Qu’est-ce que le continuum de la sélection végétale? Et dans quel bac à sable, pour ainsi dire, les phytogénéticiens travaillent-ils? Découvrez tout cela et ce qui fait d’un phytogénéticien un innovateur d’une espèce rare. 

What is Les premiers seize pour cent?

Bienvenue à la série de balados d’Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous!

Jodi : Je dis toujours qu’on ne sera jamais sans emploi parce que tout change si vite qu’on s’adaptera à la situation, et ce, rapidement. C’est ça le travail du sélectionneur de variété végétales, penser 10, 20 ou 30 ans à l’avance, reconnaître les problèmes qui s’en viennent et s’assurer qu’on aura les produits qui aideront les agriculteurs à résoudre le problème.
Kirk : Voici Mme Jodi Souter, titulaire d’un doctorat, agricultrice et sélectionneuse de variété végétales du Nord de la Saskatchewan. Elle est cofondatrice d’une entreprise privée de sélection végétale, J4 Agri-Science. Et elle apporte un point de vue unique. Elle a grandi dans une de grand culture. Elle a également voyagé partout dans le monde grâce à une bourse Nuffield pour étudier ce que font différents pays pour soutenir leurs sélectionneurs de variété végétales.
Marie-France : Et elle va nous faire part de son point de vue unique aujourd’hui. Bienvenue donc au balado Les premiers 16 % sur les innovations en agriculture et en agroalimentaire. Je suis votre coanimatrice, Marie-France Gagnon.
Kirk :Et moi je suis l’autre coanimateur, Kirk Finken.
Marie-France : Aujourd’hui, nous ne faisons pas comme d’habitude. Nous ne parlons pas d’une innovation particulière concernant la sélection végétale.
Kirk : Nous explorons plutôt le continuum de la sélection végétale ou le bac à sable, si l’on peut dire, dans lequel travaillent les sélectionneurs de variété végétales canadiens. Vous entendrez le mot « continuum » quelques fois durant cet épisode. Ce terme décrit l’ensemble du processus de sélection végétale, de la science fondamentale à la commercialisation. Le bac à sable comprend les activités traditionnelles de sélection végétale, comme les activités préalables à la sélection, le développement du matériel génétique et la sélection de variétés prêtes à utiliser.
Marie-France : Et avec tant d’experts en génétique, en phénomique, en science des données et dans d’autres domaines contribuant à la sélection végétale, ce bac à sable est devenu plus grand et plus révolutionnaire. Et je d’irai Kirk ce n’est pas toujours bien compris en dehors de la communauté scientifique. Il y a certaines fausses perceptions.
Kirk : En effet.
Marie-France : Et comme tout le monde veut savoir ce qui se passe à AAC concernant la sélection végétale, personne n’est mieux placé pour le faire que François Eudes, notre responsable de l’innovation en matière de sélection et de développement de matériel génétique de cultures.
Kirk : Il expliquera pourquoi et comment le gouvernement fédéral investit activement dans des domaines avancés comme la génomique, la phénomique et la génétique des cultures. Il va décrire les changements rapides survenus dans le domaine de la sélection végétale au cours des dernières années, et expliquer comment AAC collabore avec les universités et le secteur privé, par exemple avec des personnes comme Jodi Souter.
Marie-France : Jodi, bienvenue au balado Les premiers 16 %. Pouvez-vous me dire comment vous vous êtes lancée dans l’agriculture et la sélection végétale?
Jodi : Oui, mon histoire en agriculture remonte à bien des générations. Je suis la fille d’agriculteurs, qui eux aussi étaient des enfants d’agriculteurs, et ainsi de suite. J’ai toujours aimé le côté « céréales » de la ferme. J’aime aussi les animaux, mais je savais que c’était la culture de céréales qui m’interpelait. Ma mère raconte tout le temps que, lorsque j’étais enfant, elle m’avait acheté une nouvelle veste pour la maternelle, et que j’étais ravie de porter cette veste. Elle m’avait envoyée jouer dehors, et m’a trouvée cinq minutes plus tard à l’arrière de la moissonneuse-batteuse, en train de réparer le hacheur avec grand-papa. Et voilà pour la nouvelle veste.
Marie-France : J’adore ça, très cute come anecdote! Comment êtes-vous passé de la culture céréalière à la sélection végétale?
Jodi : Mes parents étaient très futés en ce sens qu’ils nous ont encouragés à quitter la ferme, à vivre d’autres expériences. Et si on finissait par se rendre compte que notre passion pour l’agriculture était bien réelle, alors on pourrait poursuivre dans cette voie, à notre manière. Je suis donc allée à l’université et j’ai obtenu un baccalauréat en sciences de l’agriculture.
Durant mes études à l’université, je prenais conscience du grand nombre de cultures qui sont si importantes pour nous à la ferme ou dans l’Ouest canadien en général, mais aussi du fait qu’il n’existait qu’un ou deux programmes de sélection végétale portant sur ces cultures. C’était une grande préoccupation pour moi, étant donné que le Canada est un pays si diversifié, avec un vaste éventail de défis, de situations géographiques, d’espoirs et de capacités de commercialisation, qui diffèrent d’un endroit à l’autre. Bref, il y a tellement de différences que j’ai constaté qu’un producteur de lin aurait besoin d’un type de plant complètement différent selon l’endroit où il se situe.
J’avais donc cette expérience en entrepreneuriat agricole, et j’ai simplement constaté qu’il fallait en faire plus pour certaines cultures. J’ai donc décidé de lancer une entreprise indépendante qui irait dans cette direction
Marie-France : Je peux imagine que c’est pas évident de lancer une entreprise. Étiez-vous angoissée ou avez-vous simplement plongé dans l’aventure?
Jodi : En toute honnêteté, ça peut sembler étrange, mais j’ai plutôt peur de prendre des risques. Mais on voyait qu’il y avait un réel besoin, et c’était très, très épeurant. Dans ma vie, je me fie beaucoup à cette vieille citation : « Vous n'avez pas à voir tout l'escalier, juste la première marche. » Ce qui rend la sélection végétale encore plus angoissante ou plus risquée, je suppose, c’est qu’il faut beaucoup de temps pour commercialiser votre produit. En moyenne, il faut compter environ 12 ans entre le premier croisement et la commercialisation.

Kirk : J’aime c’est citation… Au fait, sur quels types de cultures vous concentrez-vous?
Jodi : On dis que nous sommes une entreprise de sélection de légumineuses et de cultures spécialisées. Je suis donc spécialisé dans les lentilles, le lin, les fèves, et nous étudions actuellement d'autres cultures. On s’est vraiment attardé aux cultures qui nécessitaient plus d’attention. C’est pourquoi le lin a été l’une des premières cultures retenues. Ce n’était pas une période facile pour cette industrie au début des années 2000. Elle a presque été anéantie à cette époque. C’est pourquoi tous les programmes de sélection du lin ont alors presque pris fin. On est donc passé de trois ou quatre programmes de sélection du lin à environ la moitié d’un programme de sélection végétale pour le lin, mais il s’agit toujours, à notre avis, d’une culture assez importante. Une superficie de 4 millions d’acres est consacrée à cette culture, et il n’y avait qu’un seul programme de sélection à nos débuts.
On essaie donc de mettre au point pour les agriculteurs de l’Ouest canadien des variétés de cultures qui donnent plus d’avantages par rapport aux variétés précédentes. On parle ici d’avantages pour les agriculteurs ou bien d’un nouveau potentiel de commercialisation, d’une amélioration de la valeur nutritive ou d’une meilleure capacité de transformation, par exemple.
Marie-France : Jodi, dans un article que j’ai lu, vous dites occuper une « quatrième voie » dans le domaine de la sélection végétale. D’après ce que je comprends de ce concept, cette route à quatre voies comprend les programmes du secteur public dans une voie, les universités dans une autre, les grandes entreprises dans une troisième, puis les petites entreprises comme la vôtre dans la quatrième. Alors, en quoi consiste cette quatrième voie?
Jodi : La quatrième voie est celle des petites entreprises indépendantes, des entreprises locales, des entreprises en démarrage et des entreprises familiales de sélection végétale, qui existaient dans la plupart des autres pays que j’ai étudiés durant ma bourse Nuffield, mais qui ici n’étaient pas mises à profit ou trop peu. Elles peuvent avoir une grande influence parce qu’elles sont souvent ancrées dans le système et qu’elles peuvent donc constater sur le terrain certains des problèmes qui existent. Elles peuvent être très efficaces et résoudre certains de ces problèmes assez rapidement. C’est donc là que je concentre toujours mes efforts, parce que c’est dans cette voie que se trouve mon entreprise en tant que nouvelle entreprise indépendante.
J’ai donc essayé de promouvoir l’importance de ces entreprises locales, qui travaillent d’arrache-pied et avec beaucoup de détermination, et qui peuvent en faire beaucoup si on leur permet d’exister.
En fait, je me trouve à la ferme familiale en ce moment même. Aujourd’hui sera notre dernière journée de récolte. Nous attendons seulement que la rosée s’évapore, et je monterai à bord de l’imposante moissonneuse-batteuse. Et puis cette fin de semaine, je serai à bord de ma petite moissonneuse-batteuse sur mes parcelles de terre pour y achever la récolte là aussi. Je participe donc encore très activement au développement de l’agriculture vu mon rôle dans la production primaire.
J’ai souvent discuté avec des gens des obstacles que notre entreprise doit surmonter et des changements qui pourraient être apportés à la réglementation ou aux systèmes pour faciliter la tâche de gens comme moi, en espérant qu’un jour, il y ait dix entreprises comme la mienne travaillant sur ces cultures.
Kirk : Selon vous, quels sont les plus grands défis?
Jodi : À mon avis, le plus important défi pour nous et pour tout le monde consiste à trouver un moyen de générer des revenus. Dans bien des pays que j’ai étudiés, des mécanismes de perception de redevances étaient en place. Certains sont à l’essai au Canada, mais il faut pouvoir tirer des revenus de nos inventions pour pouvoir réinvestir cet argent dans notre programme et créer de nouvelles inventions. Ce serait profitable pour l’agriculteur aussi, parce que si on peut accroître la concurrence, on peut alors commencer à voter avec notre porte-monnaie et garantir que les entreprises qui sélectionnent nos cultures mettent l’épaule à la roue.
La réglementation est tout un défi dans notre système, parce qu’il y a eu des programmes publics de sélection végétale du gouvernement ou du milieu universitaire. La réglementation est souvent rédigée en fonction d’eux ou des grandes entreprises qui ont beaucoup d’argent et qui peuvent consacrer beaucoup de temps et d’efforts au développement.
Il y a si peu de sélectionneurs de variété végétales dans le monde que parfois les gens ne comprennent pas vraiment ce que l’on fait ou pourquoi on le fait. Aussi, on est nombreux à avoir choisi cette carrière parce qu’on voulait simplement nourrir le monde ou aider les agriculteurs.
Marie-France : Et si je reviennes à la métaphore sur les différentes voies. Comment tous ces programmes peuvent-ils fonctionner ensemble? Le secteur public, le milieu universitaire, les grandes multinationales et les petites entreprises de sélection végétale?
Jodi : Au Canada, il existe depuis très longtemps des programmes de sélection végétale qui, durant les années 1900, ont eu un rôle très important en permettant le démarrage de bien des cultures. Et ils ont fait un travail incroyable. Et nous avons la voie universitaire. Mon alma mater, l’Université de la Saskatchewan, peut compter sur son Centre de développement des cultures, qui produit et commercialise des variétés de cultures dans l’Ouest canadien. Ce sont donc les deux voies que nous utilisons beaucoup au Canada.

Pour certaines cultures, on a pu contrôler la génétique ou la propriété intellectuelle par la génétique, comme le canola, dans l’Ouest canadien, parce qu’il s’agit d’une culture hybride. Les grandes multinationales se sont installées pour sélectionner le canola, et c’est grâce à cette culture que ma famille subvenait à mes besoins durant ma jeunesse. Cette culture a connu beaucoup de succès, et il est absolument impensable de revenir aux variétés que nous cultivions il y a 25 ans, voire même il y a 10 ans dans le cas du canola. C’est donc un très bon exemple de ce qu’un investissement peut donner pour certaines cultures.
Tout à fait. Il faut vraiment s’assurer que l’industrie est prête, en soutenant des options de rechange et en veillant à ce que ces programmes mettent plus l’accent sur la sélection préalable ou sur ces cultures qui nécessitent un peu plus d’attention, pour que des gens soient prêts à reprendre le flambeau.
Kirk : Cela nous ramène à la quatrième voie. Pensez-vous qu’il devrait y avoir plus de petites entreprises comme la vôtre dans le domaine de la sélection végétale?
Jodi : Je viens d’un milieu sportif, et même s’il est plaisant d’être la seule personne sur la piste ou sur le tapis roulant, on ne sera jamais aussi rapide que lorsqu’il y a un compétiteur à ses côtés. Parfois, il faut quelques pertes pour se rendre compte de ce que l’on peut réellement faire. Alors oui, je pense que nous devons continuer de stimuler cette concurrence. J’espère qu’en ouvrant la voie, nos efforts élimineront quelques obstacles et faciliteront la création d’autres entreprises. Avec un peu de chance, dans 20 ans, nous serons plus nombreux.
[Musique de transition]
Marie-France : Ce conversation avec Jodi a été très inspirante. Maintenant Kirk, c’est le moment de changer de voie. Parlons de notre voie à nous, celle d’AAC. Avant de passer à notre entrevue avec François Eudes, il faudrait expliquer quelques termes scientifiques qu’il va utiliser. Il a été question du « continuum de la sélection » au début de cet épisode. Donc Kirk, merci de rappelé à tout le monde de quoi il s’agit.
Kirk : Oui absolument, bon idée. Le continuum de la sélection végétale. Comme je l’ai dit au début, le continuum renvoie au processus, de l’idée à la commercialisation. Il renvoie aux différentes méthodes utilisées en cours de route pour créer de nouvelles variétés végétales, qu’il s’agisse de techniques traditionnelles ou de technologies modernes.
Les techniques traditionnelles sont les activités préalables à la sélection, le développement du matériel génétique et la sélection de variétés prêtes à utiliser. Il est question de sélection, et l’objectif est de reproduire des caractères recherchés à partir de plantes-mères. Les technologies modernes comprennent la génomique, la génétique, la phénomique, la physiologie, la nutrition des végétaux, l’agronomie, la science des données, et plus encore.

Marie-France : François fera référence à certaines de ces nouvelles disciplines et à d’autres termes. Par exemple, la génomique. La génomique est l’étude de tout l’ADN, dans ce cas-ci on parle d’une plante, y compris ses gènes et les fonctions de celles-ci. On étudie l’interaction de ces gènes et son incidence sur les traits, la santé et la croissance.
Kirk : Alors, on est prêt?
Marie-France : Prêt pas prêt, j’vais!
Kirk : Si tu le dis. Bon alors, François, il semble que les gens de notre secteur veulent savoir si AAC poursuit ses programmes de sélection végétale. Où en sommes-nous? Que faisons-nous?
Francois Eudes : Alors, Agriculture Canada est tout à fait engagée dans le processus de développement de nouvelles variétés, de façon à rencontrer les besoins des producteurs. On reconnaît aussi l'importance d'investir substantiellement dans des nouvelles disciplines scientifiques et en particulier en amont, dans ce processus de développement de variétés. Donc, nous avons vu un investissement substantiel dans des domaines scientifiques comme la génomique, la fénomique qui sont, on va les regrouper un peu dans des sciences un peu plus fondamentale mais très pertinente pour le développement de nouvelles variétés végétales.
Donc, c'est cette capacité scientifique, plus en amont dans le continuum de l'amélioration génétique, nous permet de découvrir des gènes qui vont conférer ces nouvelles caractéristiques génétiques, de l'introduire dans un germe au plasma qui correspond au matériel génétique du Canada. Et soit on va jusqu'au développement de la variété pour l'enregistrement au catalogue et donc finir le développement d'une variété prête à être cultivée. Ou bien on travaille avec d'autres acteurs dans le domaine au Canada qui vont recevoir le germe avec cette nouvelle caractéristique et finir ce travail et c'est eux qui vont le mettre sur le marché.
Kirk : Je suppose que le rôle d’Agriculture et Agroalimentaire Canada en matière de sélection végétale a également changé au cours des 20 dernières années. En quoi a-t-il changé?
Francois Eudes : Oui, absolument. En tant qu'organisation scientifique nationale, il est très important pour nous de faire les investissements de façon et les investissements dans les domaines scientifiques émergents associés, avec le développement de nouvelles variétés végétales. Et donc nous avons vu au cours de ces 20 dernières années un investissement substantiel en recrutant des experts dans le domaine de la génomique, de la phénomique et autres disciplines scientifiques.

Je pense en particulier aux chercheurs mais aussi leurs techniciens, les étudiants qui se joignent à nos équipes scientifiques, comprenant que la science est en constante évolution. Donc tout ce personnel scientifique doit constamment apprendre, se tenir à jour des nouvelles connaissances, nouvelles technologies. Et ça, c'est essentiel et non de manière à contribuer à la prochaine innovation. Si on prend des questions biologiques complexes. Il va falloir ces personnes là qui vont. Qui vont poser des questions que d'autres n'ont pas posées, qui vont approcher un problème que d'autres n'ont pas posé.
Ils vont être derrière la prochaine innovation qui va faire son chemin jusque dans les fermes canadiennes, tout comme par le passé. Les innovations, les grandes innovations que nous avons eu, les grands résultats associés avec les cultures adaptées dans notre géographie canadienne. Il y a des gens derrière et donc il n'y a aucune de nos innovations qui pourront être réalisées sans toutes ces personnes que nous avons.
Marie-France : Francois, vous avez parlé des efforts déployés par AAC pour mettre davantage l’accent sur la recherche fondamentale en amont et laisser plus de place à l’industrie pour le développement de variétés en aval. Alors ce que nous devons comprendre, c’est que la recherche dans le secteur public devrait être complémentaire à ce que fait l’industrie. En plus de cet objectif, pouvez-vous nous donner un exemple précis de ce que fait AAC dans ces domaines?
Francois Eudes : Il est important pour le secteur public de bien comprendre et pour le monde agricole de comprendre quel est le rôle du secteur public. Alors, nous ne devons pas être un compétiteur direct, un compétiteur des autres acteurs dans le secteur. Il faut que nous développions une relation où nous devenons le partenaire de l'innovation. Alors, soit nous développons l'innovation et la menons jusque sur le marché lorsqu'on développe la variété végétale ou alors on transfère cette innovation aux autres acteurs de façon à les soutenir dans leur succès. Et c'est eux qui vont amener la variété à l'enregistrement, au catalogue.
Nous investissons également à un stage du développement de l'innovation où le niveau de risque est plus élevé.
L'évolution aussi Agriculture Canada peut être décrite, je pense, par un très grand succès que nous avons eu, c'est le développement de la filière canola. Il y a probablement aucune autre organisation qui aurait regardé une espèce végétale qui n'était pas une culture d'investir et de prendre le risque associé avec le développement, la recherche et le développement sur une espèce pour en faire le canola culture dominante dans les prairies qu'on connaît aujourd'hui.

Kirk : Vous avez dit qu’un des avantages pour AAC, c’est le temps, parce que le ministère peut se permettre de consacrer de 10 à 20 ans à des projets. Pourquoi est-ce si important?
Francois Eudes : L'amélioration génétique est un processus que l'on prend de nombreuses années. Souvent, donc la sélection se fait sur plusieurs générations de plantes. Agriculture Canada s'engage dans le processus de développement de variétés sur une telle période. Mais il y a aussi dans cet effort et cet effort sur des caractéristiques génétiques nouvelles, importantes ou complexes. Je pense à la fixation biologique de l'azote, je pense à la photosynthèse dans les deux cas, qui consiste à utiliser l'azote atmosphérique ou le CO2 dans l'atmosphère. Ce sont des processus métaboliques très complexes, difficiles à étudier. Et puis il y a très peu de diversité génétique au sein des espèces végétales pour ces caractéristiques, donc ça va être un effort très long. Et donc c'est pour cette raison que Agriculture Canada est un des organismes les mieux placés pour travailler sur ce type de caractéristiques génétiques.
Marie-France : C’est très éclairant. Ce sont vraiment des exemples de changements transformateurs s’ils se concrétisent. Revenons maintenant à notre rôle de partenaire innovateur pour le secteur. AAC est en mesure de se concentrer sur des cultures moins rentables, mais tout de même importantes, comme les cultures de petite superficie. Dites-nous François, pourquoi c’est important?
Francois Eudes : Oui, merci beaucoup pour cette question. Alors je vais reprendre l'exemple des plantes fourragères. Ici, on a. On est dans une situation où, de par la nature, des plantes fourragères étant pérennes, l'agriculteur sème cette culture et la ressemer. Peut être trois ans plus tard, peut être 20 ans plus tard. Donc, il n'y a pas un mécanisme qui permet à un secteur privé au Canada de générer suffisamment de revenu retour d'investissement de façon à soutenir l'investissement dans la recherche et le développement de plantes fourragères. C'est pour ça que c'est un mandat qui demeure avec Agriculture Canada. Et donc dans le cadre de ces espèces végétales, on est investi de la recherche en amont jusqu'au développement de variétés prêtes à être cultivées dans les fermes.
Mais on reconnaît aussi qu'il y a un besoin de diversité, besoin d'avoir accès à des variétés pour des espèces végétales Autre que les grands succès qu'on voit, que ce soit dans l'est du Canada, avec le maïs et le soja en rotation, ou que ce soit le canola et le blé en rotation dans les prairies, les agriculteurs ont besoin d'autres cultures dans leur rotation.
Les rotations sont très importantes pour briser les cycles de maladies, par exemple. Même si une culture n'occupe qu'une petite superficie, elle peut contribuer de manière significative à la performance et à la durabilité des autres cultures ; nous examinons donc le système dans son ensemble.

Kirk : Je suis ravi d’avoir reçu Jodi et François comme invités. Même pour nous qui travaillons dans le secteur agricole, la sélection végétale ressemble à un travail de moine. Il s’agit pourtant d’un aspect fondamental de notre secteur. C’est un domaine complexe et en constante évolution. Et c’est un travail qui se fait un peu dans l’ombre.

Marie-France : Je repense à ce qui a été dit, que ce domaine exige de la patience, de la persévérance et une vision à long terme de la part de ceux qui veulent y faire carrière.
Kirk : Effectivement.
Marie-France : Et comme Jodi nous l’a rappelé, vous n'avez pas à voir tout l'escalier, juste la première marche.
Kirk : Ça me rappelle notre devise…
Marie-France : D’essayer quelque chose de nouveau? ---
Kirk : C’est ça. Essayer quelque chose de nouveau. Et monter cette première marche.