La petite équipe de survivants reprend la route en direction de Portland. Dans le chaos d’une banlieue meurtrie, Zoé s’éloigne du groupe. Perdue, elle fait la rencontre d'un étranger qui semble déjà la connaître. Éric et Sara, eux, font face au danger.
Au lendemain d'une épidémie qui décime presque toute la population, des survivants errent à la recherche d'un monde meilleur. Éric et Zoé, frère et sœur, marchent jusqu’à Portland, voulant savoir si leur père a aussi survécu. À leurs trousses, Sara, imprévisible, armée de sa carabine. Plus loin, un homme mystérieux. Des dangers les guettent à tous les tournants et, la nuit, des cauchemars les gardent éveillés.
Crédits –
Texte : Mishka Lavigne
Réalisation : Julien Morissette
Distribution : Florence Brunet, Roch Castonguay, Gabriel Robichaud et Manon St-Jules
Voix : Jean-Philippe Baril Guérard
Conception musicale : Simon Coovi-Sirois
Conception sonore, mixage et montage : François Larivière
Assistance à la réalisation : Louis-Philippe Roy
Prise de son : Éric Tessier et Jonathan Sonier
Conseiller dramaturgique : Antoine Côté Legault
Photographie : Sylvain Sabatié et Annie-France Noël
Visuel : Jean-Philippe Forgues
Production : Stéphanie Laurin
Chargée de production : Claire Thevenin
Une production des Créations In Vivo, de Transistor Média et du Théâtre populaire d’Acadie
Nous remercions le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario, le Conseil des arts et des lettres du Québec, Patrimoine canadien, la Ville d’Ottawa, la Ville de Gatineau, le Gouvernement de l’Ontario, le Gouvernement du Nouveau-Brunswick, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et la Fondation communautaire d’Ottawa de leur soutien.
Remerciements –
Allain Roy et toute l’équipe du TPA, Éric Perron et Ariane Carrière de Créations In Vivo, Catherine Mensour, Joël Beddows, Benoit Desjardins, André Perrier et Guy Marsan.
Transistor Média, basée à Gatineau (Québec), est une boîte de création, de production et de diffusion d'œuvres audios. En plus de ses balados, l’organisme tient annuellement le Festival Transistor et le Kino-radio.
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[Des pas qui s’arrêtent.]
ÉRIC
Qu’est-ce que tu fais, Sara? On peut pas s’arrêter, il fait encore clair. On va jamais arriver
si on continue comme ça.
ZOÉ
Écoute, moi aussi, je suis crevée, Éric. On peut juste prendre une pause. Pas longtemps.
ÉRIC
Okay. Okay! Pause.
ZOÉ
Est-ce qu’il reste quelque chose à manger?
ÉRIC
Non. Faudrait trouver une maison, un chalet, quelque chose.
ZOÉ
Rien? Regarde dans ton sac au moins.
ÉRIC
Rien! Il y a rien dans mon sac. Regarde toi-même si tu veux.
ZOÉ
Non, c’est bon. Je te crois... Je vais aller me promener un peu, voir ce qu’il y
a autour.
ÉRIC
Toute seule?
ZOÉ
Je vais pas loin.
ÉRIC
Prends la carabine, au moins.
ZOÉ
Ça va.
ÉRIC
Zo, prends la carabine.
ZOÉ
Bon okay.
ÉRIC
Fais attention.
ZOÉ
Oui. Oui.
ÉRIC
Essaies-tu de trouver un moyen de m’attaquer avec une branche ou quelque chose?
SARA
Je veux ravoir ma carabine. C’est à moi. Si j’ai choisi de vous suivre,
c’est pas à cause de toi. C’est parce que ta sœur m’a sauvée. Elle m’a sauvée deux fois : de
la mort et de moi. Mais tu peux pas comprendre ça. T’es pas le genre de personne qui
pourrait comprendre ça. Je lui dois quelque chose à elle et j’aime pas ça devoir des choses
aux gens. Donc je reste. T’as rien à voir là-dedans.
ÉRIC
Je l’aime beaucoup ma sœur mais elle est trop naïve. On peut pas faire confiance à tout le
monde. Surtout pas le monde qui essaie de voler nos sacs avec une carabine.
SARA
On marche vers l’est. C’est facile à voir avec le soleil.
ÉRIC
On marche vers l’est.
SARA
J’ai entendu dire que c’est moins pire au sud.
ÉRIC
Qui dit ça?
SARA
C’est ce qu’ils disaient à la radio. Avant que tout s’arrête.
ÉRIC
Pourquoi tu fais pas juste aller au sud d’abord?
SARA
Qu’est-ce que tu aurais fait différemment si tu l’avais su? Si quelqu’un t’avait averti
Je me demande si on aurait vraiment pu être prêts. Prendre des précautions. Faire quelque chose.
ÉRIC
Avant tout ça, je travaillais au dix-neuvième étage d’une tour de vitre. Je travaillais toute
la journée devant mon ordinateur et le soir, je rentrais à la maison, je soupais avec ma
blonde, j’allais me coucher avec ma blonde dans mon lit, chez moi. Avant tout ça, j’avais
une blonde, j’avais des amis, j’avais une job, je faisais des choses, rien de spécial, rien
d’extraordinaire. J’étais pas médecin comme ma sœur, j'étais pas important comme ma sœur,
j’étais juste... tranquille. Pourquoi je suis pas mort, moi aussi? Je suis pas fait pour ça. Si j’avais su, je serais mort en premier. Je serais mort le
premier. Avant tous les autres.
ZOÉ
De quoi vous parlez?
ÉRIC
De rien. Pis?
ZOÉ
On arrive. De la route, avec les jumelles, on voit des panneaux pour la frontière. Encore
loin, mais on les voit.
ÉRIC
Yesss...
SARA
La frontière – Vous allez aux États?
ÉRIC
Toi, où est-ce que tu vas? Tu nous l’as pas plus dit.
ZOÉ
On s’en va dans le Maine. À Portland.
SARA
Pourquoi Portland?
ZOÉ
Notre père habite à Portland. Ben, un peu à l’extérieur de la ville, sur le bord de l’océan.
SARA
Il est encore vivant votre père? Vous lui avez parlé?
ZOÉ
Éric lui a parlé. Juste avant que les lignes coupent complètement.
SARA
Qu’est-ce qui vous dit qu’il est vivant?
ZOÉ
Rien... Mais on se dit que si nous on a survécu, si nous on est immunisés, peut-être que lui
aussi. Peut-être que c’est génétique.
SARA
C’est beaucoup de route pour un peut-être...
ZOÉ
C’est pas comme si on avait eu une meilleure idée.
SARA
Moi aussi, je m’en vais à Portland.
ÉRIC
Qu’est-ce que tu t’en vas faire à Portland?
SARA
C’est là que je dois aller, c’est tout. Donne-moi la carte. On est ici, non? À peu près.
ÉRIC
À peu près.
SARA
Si on continue à marcher et qu’on se rend jusqu’à cette ville-là, les routes seront pas autant
encombrées qu’ici. Là, on pourrait trouver un pickup avec des bons pneus. Comme ça, si
la route est pas praticable, on pourra contourner sur le côté. On pourrait arriver plus vite.
ÉRIC
Pis pourquoi on te laisserait continuer avec nous? Tu sais où tu t’en vas.
SARA
Qu’est-ce que tu veux que je fasse? Moi aussi, je m’en vais à Portland. Veux-tu qu’on fasse une course pour voir qui arrive en premier?
ÉRIC
Vas-y toute seule! On va au même endroit, ça veut rien dire!
SARA
Pourquoi c’est toi qui décides?
ÉRIC
On n’a pas besoin de toi! Tu nous dois rien, on veut que tu partes.
ZOÉ
Okay, c’est assez, Éric. On a juste une carte, on connaît pas le coin, et par les
routes secondaires pour contourner les grandes villes, sans la carte, on va se perdre. Et
trouver un pickup, c’est une bonne idée.
ÉRIC, résigné.
Okay, okay. C’est bon. On s’en va à Portland les trois.
ZOÉ
Heille, où tu vas?
ÉRIC
Je m’en vais pisser avant qu’on reparte. J’ai le droit?
ZOÉ
Va pas trop loin.
ÉRIC
Crisse.
SARA
Merci, Zoé.
ZOÉ
Éric peut être borné... Il faut pas s’occuper de lui quand il est comme ça. Tu me dois rien, t’sais. Si c’est pour ça que –
SARA
C’est pas ça... Pas juste ça. Je peux pas rester toute seule. Si je reste toute
seule, je suis plus moi. Toute seule, je suis dangereuse. Je fais des rêves, je – des
cauchemars. Je fais des cauchemars où je suis couverte de sang. De sang rouge et de sang
noir. Des cauchemars où mes yeux deviennent... Je peux pas rester toute seule. Avec toi –
je suis... calme.
J’ai besoin de m’imaginer qu’il y a quelqu’un qui m’attend aussi. Et si je vais à Portland,
c’est presque vrai.
ZOÉ
Reste avec nous. Je m’occupe de parler à Éric.
ÉRIC
ZOÉ
SARA
L’HOMME
La nuit...
SARA
... tout autour, qui se referme comme des murs.
ÉRIC
... l’impression d’être traqué, épié,
SARA
Les yeux ouverts ou les yeux fermés, pas
de différence...
ZOÉ
... j’avais jamais eu peur du noir avant maintenant...
ÉRIC
l’impression qu’on nous suit,
SARA
... marcher,
ÉRIC
qu’on nous cherche...
SARA
un pas devant l’autre, des traces de nos pas dans la neige, la neige qui
s’accroche...
L’HOMME
... Maple Crescent, dormir,
ÉRIC
... on essaie de dormir mais
L’HOMME
la maison blanche,
ÉRIC
le froid,
SARA
... marcher le jour,
ÉRIC
la neige,
L'HOMME
les rêves,
ÉRIC
nos vêtements glacés
SARA
traîner nos os, un pied devant l’autre... la nuit – des cauchemars.
ÉRIC
les cauchemars...
L’HOMME
– faire des
cauchemars...
ZOÉ
... toujours le même rêve.
SARA
Le matin, on reste silencieux...
ZOÉ
Le son des vagues,
L’HOMME
... le rivage est gris,
ZOÉ
l’odeur du sel...
L’HOMME
le ciel est gris,
ZOÉ
... il y a un toit noir
L’HOMME
l’eau est grise...
ZOÉ
et une échelle d’incendie et je suis en haut. Quand je regarde en bas,
il y a des rats en marée grise qui grouillent sur une épaisse couche de feuilles rouges
SARA
... mes doigts sont des griffes,
ZOÉ
et il y a l’océan au loin...
SARA
mes yeux sont pleins de noirceur.
ÉRIC
... dans mes cauchemars, il y a des vautours.
SARA
Je crie –
ÉRIC
Ils sont partout,
SARA
je suis couverte
de sang.
ÉRIC
ils me suivent.
SARA
Je suis un loup gris planté à côté d’un motel solitaire
ÉRIC
Je marche
dans un tas de feuilles rouges,
SARA
au milieu d’une mer de
feuilles rouges...
ÉRIC
j’entends le bruit de mes pas dans les feuilles.
SARA
... les loups des villes tout autour qui nous traquent, qui nous suivent entre les arbres.
ÉRIC
Et je les vois
dans le ciel –
SARA
Je
les sens,
ÉRIC
Les vautours qui volent bas...
SARA
je sais qu’ils sont là, ils m’appellent.
L’HOMME
... ils me regardent,
SARA
Les loups
L’HOMME
les loups de la ville là-bas,
SARA
– dans le noir
L’HOMME
ils me regardent.
SARA
ou est-ce que c’est
moi?...
ÉRIC
... je marche sur les feuilles,
L’HOMME
Leurs yeux me suivent
partout.
ÉRIC
puis sur du sable gris.
L’HOMME
Ils peuvent voir à l’intérieur de moi...
ÉRIC
Il y a l’océan au loin, le ciel gris, le
vent, tellement de vent. Et Valérie sur le bord de l’eau.
SARA
... Dans la bouche du loup, le loup qui est moi, dans sa bouche,
ÉRIC
Je m’approche et je vois –
SARA
il y a un foulard palestinien
noir et blanc. Et il y a l’homme de la photo qui s’écroule au sol,
ÉRIC
des vautours lui mangent le ventre, la déchirent. Son sang rouge se répand partout – je me
réveille,
SARA
il me regarde, la bouche
noire...
ZOÉ
... je descends l’échelle.
ÉRIC
toujours au même endroit...
ZOÉ
Je marche vers l’océan et autour de mes chevilles, des rats
grouillent. Ils pataugent dans le sang noir qui recouvre les feuilles rouges – ils montent sur
mes jambes, laissent des taches noires partout sur moi. Sur le bord de l’eau, un homme se
tient debout. Je m’approche et l’homme se tourne lentement. Le vent siffle dans mes
oreilles, le sable gris en tourbillons tout autour de moi – mes yeux – je vois rien –
ÉRIC
... les vautours volent, me guettent,
ZOÉ
et quand
ça s’arrête,
ÉRIC
partout je vois leurs yeux, leurs becs crochus et noirs.
ZOÉ
l’homme est plus là...
ÉRIC
Ils attendent que je tombe moi aussi... Il neige toujours dans mon rêve. Le ciel est gris et
il neige –
L’HOMME
... Le hurlement des loups,
ÉRIC
Il neige et on marche et on dort pas et il neige et on marche...
L’HOMME
jusque dans mes os. Leurs yeux pleins de noirceur.
SARA
... ma main tient le foulard sur une bouche éclatée...
L’HOMME
Je peux rien
faire pour eux...
SARA
mes griffes lacèrent la peau de
l’homme du passeport... mes dents déchirent la peau de Zoé, la peau d’Éric... non... arrête
ÉRIC
... pourquoi on n’est pas morts, nous?...
SARA
– réveille-toi, réveille –
L’HOMME
... ils sont trois,
SARA
faut que ça arr –
L’HOMME
il y a trois visages. Je les vois maintenant. Je les vois clairement et je sais que c’est eux que je dois attendre ici. C’est ici que nos chemins se rencontrent...
ZOÉ
... Avancer,
L’HOMME
... Attendre,
ZOÉ
continuer,
L’HOMME
rêver,
ZOÉ
errer...
L’HOMME
attendre. Je comprends maintenant... Maple Crescent...
ÉRIC
ZOÉ
SARA
L’HOMME
... La route...
L’HOMME
... Mène ici.
Ce sera plus très long maintenant.
(Musique)
ÉRIC
Toutes les rues ont des noms d’arbres, vous avez remarqué?
SARA
Je trouve ça bizarre les drapeaux bleu-blanc-rouge sur toutes les maisons.
ÉRIC
Les maisons sont intactes ici. Il y a pas une seule fenêtre brisée...
ZOÉ
On pourrait presque croire qu’on va tourner le coin et voir des enfants jouer dans la rue...
SARA
Vous trouvez pas qu’on est peut-être trop exposés dans la rue comme ça? Il y a pas de place
pour se cacher. J’ai toujours l’impression que quelqu’un nous regarde...
ÉRIC
On a grandi dans un endroit comme ça, Zoé et moi.
SARA
Le soleil est déjà en train de se coucher. Il va faire noir bientôt...
L’HOMME
Ils approchent. Ils sont tout près.
ÉRIC
Des chiens? Ou des coyotes, peut-être...?
SARA
Peut-être... Des chiens qui sont restés en vie quand tout le monde est mort. Des chiens qui
sont redevenus sauvages sans personne pour s’occuper d’eux...
ÉRIC
Attends. As-tu vu Zoé? Où est-ce qu’elle – Elle était juste là. Zoé!
SARA
Chhhut! Quelqu’un pourrait nous entendre.
ÉRIC
Qui? Elle peut pas être loin.
SARA
Zoé!
ÉRIC
Zo!
ZOÉ
On marche dans la rue.
Les drapeaux américains qui claquent à chaque coup de vent.
Les rues vides.
L’odeur de la neige.
On marche : Éric et Sara devant, moi derrière.
Et là je vois quelque chose qui brille.
Là, juste là...
Je suis attirée, malgré moi.
Mes pas qui ralentissent, sans que je m’en rende compte.
Je tourne sur une petite rue recouverte de feuilles mortes.
De feuilles rouges.
Je m’éloigne d’eux, sans même y penser.
Je marche vers la chose qui brille.
C’est un éclat de miroir, enfoncé à la croisée de deux branches.
À côté, griffonné sur un vieux bout de journal mouillé... un message...
L’HOMME
... Je suis vivant...
ZOÉ
« Je suis vivant. »
Je frissonne.
J’échappe le bout de journal qui tombe sur le tapis de feuilles rouges.
Je lève les yeux et sur une affiche blanche c’est écrit
L’HOMME
... Maple Crescent...
ZOÉ
« Maple Crescent. »
Je me retourne.
Personne.
La rue est vide.
ÉRIC
Elle était avec nous. Juste ici!
SARA
Elle est sûrement entrée dans une maison. Est-ce qu’il y a une porte qui a l’air ouverte?
ÉRIC
Je vois rien, il fait trop noir.
SARA
Zoé!
ÉRIC
Zoé, crisse!
L’HOMME
Il faut faire très attention.
ZOÉ
Éric?
L’HOMME
Les chiens rôdent, je les ai vus.
Ils sont maigres.
Ils ont faim.
Chhuut...
ZOÉ
Je continue à marcher.
La lune illumine les feuilles rouges et au bout de la rue, il y a une maison.
On dirait que je l’ai déjà vue avant mais ça se peut pas, je suis jamais venue ici.
Je peux pas m’empêcher de m’approcher,
de poser ma main sur la brique,
de –
SARA
Zoé! Essaie des portes ici, moi je vais aller voir de l’autre côté de la rue.
ÉRIC
Zoé! Zoé!
ZOÉ
Je me penche, je regarde par une fenêtre du sous-sol.
À l’intérieur, quelque chose brille aussi.
Je glisse mes doigts dans l’ouverture.
Les pans de la fenêtre glissent doucement,
sans un bruit,
et à l’intérieur,
ça sent le sel.
Je passe mes jambes, puis mes hanches, puis mes épaules
et je me laisse tomber sur le plancher du sous-sol.
SARA
Toutes les portes sont barrées de ce côté-ci.
ÉRIC
Ici aussi.
ZOÉ
Le sous-sol est entièrement noir.
Ça sent humide.
Il fait très froid.
Dans la cave, dans le noir, je cogne mon genou sur une table.
Quelque chose tombe.
Se fracasse.
L’HOMME
Il y a quelqu’un dans la maison.
SARA
Est-ce que tu les entends...?
ÉRIC
Oui, je sais...
SARA
Les chiens... Ils sont proches. Donne-moi la carabine.
ÉRIC
Ils s’en vont pas. Ils se rapprochent.
SARA
Tourne-leur pas le dos.
SARA
Ils sont derrière nous aussi.
ÉRIC
On est encerclés...
SARA
Je vois rien! Cours! Trouve une porte ouverte. Entre. N’importe où.
L’HOMME
Je descends les marches vers la cave, en me tenant sur les murs...
ZOÉ
J’entends quelqu’un descendre l’escalier.
Je ne suis pas toute seule dans la maison.
Je m’éloigne vers le fond de la cave.
L’HOMME
Une main sur le mur, j’avance.
ZOÉ
Les pas continuent à descendre l’escalier.
L’HOMME
Il fait noir mais je vois avec mes vrais yeux et avec les yeux de mes rêves.
ZOÉ
Le dos collé sur le mur, une main sur la bouche pour ne pas qu’on m’entende respirer.
ÉRIC,
Ferme la porte, ferme la porte, vite. Ça va?
SARA
Ça va.
ÉRIC
Il faut qu’on sorte d’ici, qu’on trouve Zoé...
SARA
Il va falloir attendre qu’il fasse clair... Demain, on va la retrouver ta sœur, trouver un
camion et partir d’ici pour vrai. Viens. On devrait aller voir s’il y a
quelque chose à manger ici.
ZOÉ
Les pas s’approchent.
Une odeur de sel et de sueur.
Je respire presque plus.
Et d’un coup, une lampe de poche m’aveugle.
Je ferme les yeux.
L’HOMME
C’est toi. Je te reconnais.
ZOÉ
Quoi...?
L’HOMME
Je t’attends depuis longtemps...