Découvrez les récits touchants et les anecdotes familiales qui témoignent de la créativité et de l’humanité de celles et ceux qui façonnent le Québec. Une plongée dans des histoires insoupçonnées, portées par des voix d’ici.
Pilotée par Julien Morissette, la série hebdomadaire donne la parole à celles et ceux qui façonnent la province au quotidien. Des créateurs·trices issu·e·s de tous les horizons se succèdent pour raconter des expériences qui résonnent bien au-delà de leur parcours personnel, révélant les forces invisibles qui tissent notre société.
· Animation et réalisation : Julien Morissette
· Production au contenu : Audrey Blackburn
· Indicatif musical : P’tit Belliveau
· Réalisation sonore, enregistrement, montage et mixage audio : Simon Coovi-Sirois
· Musique originale : Simon Coovi-Sirois et Alexis Elina
· Caméra et montage vidéo : Patrick Lozinski
· Recherche : Emmanuelle Gauvreau et Maude Petel-Légaré
· Script-édition : François DesRochers
· Cheffe de contenu pour Télé-Québec : Sophie Bélanger
· Coordination : Clara Gauthier-Morrison
· Communications : Louis-Philippe Roy
· Visuel : bureau60a
· Remerciements : Steven Boivin, Clara Lagacé, Marysol Foucault et Sophie Lacelle-Bastien de Transistor Média
L’heure de grande écoute est une série de Transistor Média, produite en collaboration avec Télé-Québec.
Ce projet a été rendu possible grâce au soutien financier du ministère de la Culture et des Communications du Québec et de la Ville de Gatineau (via l'Entente de développement culturel avec le gouvernement du Québec).
/
Transistor Média, basée à Gatineau (Québec), est un studio de création, de production et de diffusion d'œuvres audios. En plus de ses balados, l’organisme tient annuellement le Festival Transistor et le Kino-radio.
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Mes personnages préférés sont pleins
de nuances.
Des protagonistes avec des zones
d'ombre, des antagonistes attachants.
Ceux qui sont faits
de multitude, comme le
disait le poète Walt
Whitman au 19e siècle.
En fiction, c'est un autre Walt,
Walter White, dans la série Breaking Bad,
qui détient la palme du meilleur
personnage de tous les temps.
Walter est un prof de
chimie de la classe moyenne,
qui enseigne dans une école
secondaire au Nouveau-Mexique,
qui devient un cerveau important de
la confection et du trafic de
méthamphétamines. Il se
lance dans cette entreprise,
quand il reçoit un diagnostic
de cancer, question de
laisser de l'argent en héritage à sa
famille.
On pourrait dire en toute confiance que
Walter White ne passait pas grand temps à
réfléchir au bien-être des
consommateurs de drogues dures.
Et en ce sens-là, l'histoire qu'on
vous raconte aujourd'hui met en scène
un personnage très différent.
En compagnie de l'autrice et
comédienne Annie Cloutier,
on va marcher sur une fine ligne entre
la curiosité et l'apprentissage.
L'idée n'est pas de vous encourager
à consommer des substances qui sont
pour l'instant illégales,
mais de nourrir une réflexion et
d'ouvrir un dialogue sur le microdosage.
Bienvenue à L'heure de grande écoute,
le balado qui vous fait entendre les
histoires vraies et les
personnages surprenants qui
façonnent le Québec. L'épisode
d'aujourd'hui, le spécialiste.
On est en studio avec Annie
Cloutier. Salut Annie.
Salut Julien.
Tu es ici pour nous raconter
ta rencontre avec un dealer pas
ordinaire avec qui tu as
exploré l'idée du microdosage.
Bien oui, la vie nous réserve
parfois des petits détours surprenants.
Donc oui, toute cette histoire-là,
ça a commencé il y a quelques
semaines, quelques mois,
le soir de mon anniversaire.
Je ne sais pas si c'est
le choc des 40 ans ou
le petit verre de vin de
trop, mais en rentrant
chez moi ce soir-là, j'ai vécu
l'expérience de ma première vraie
grosse crise d'anxiété.
Oh là là, bienvenue dans le club.
J'ai beaucoup de compassion pour toi
parce que, bon, j'en ai parlé
souvent à ce micro et aussi dans
d'autres séries.
Je connais ça, l'anxiété.
C'était donc nouveau pour toi, si je
comprends bien,
les attaques de panique. Oui, oui,
absolument.
Jusqu'à maintenant, j'arrivais à
bien me gérer,
mais ce soir-là, vraiment, il y a
une brèche
qui s'est ouverte, puis je suis tombée
dans une spirale pour quelques semaines
où je n'arrivais même pas à
fonctionner.
Puis, j'étais vraiment paralysée par
l'anxiété.
Donc, je me suis dit, ça ne va pas
continuer comme ça.
Appelle le docteur, va dans
le bureau du médecin.
Puis, je sors de là avec une
prescription d'antidépresseur.
OK. Est-ce que ça a fonctionné, la
médication ?
Bien oui, assez bien.
OK. Good.
Oui, oui, assez bien.
Effets secondaires minimes,
symptômes largement atténués.
Donc, oui, tout a bien été.
Mais ce qui s'est passé, par contre,
c'est que l'anxiété et la santé
mentale,
c'est devenu mon unique sujet de
conversation,
une espèce d'obsession.
Je ne faisais que parler de ça.
Je comprends tellement.
Mais quand on ouvre sur ces
sujets-là,
quand on s'ouvre à ça aussi,
des fois, ça devient comme une boîte
de Pandore
parce que ça peut être, c'est ça,
comme tu le dis, central,
mais ça...
Ça nous affecte de tellement de
façons différentes.
Complètement, c'est vrai.
Puis, plus on en parle avec les gens
de notre entourage,
plus on se rend compte qu'on est
vraiment loin d'être tout seul.
Ça touche beaucoup de gens,
effectivement.
Oui, oui, oui, tout à fait.
Puis, ce qui m'est apparu évident,
à force de parler de ces sujets-là,
c'est qu'on n'a vraiment pas tous
les mêmes réflexes
quand vient le temps de gérer ces
situations-là,
quand vient le temps de prendre
en main notre santé mentale.
Moi, j'avais accepté la médication
sans poser de questions,
d'une façon très naturelle,
mais c'est vraiment pas tout le
monde qui réagit comme ça, vraiment.
Donc, il y a des gens qui me
disaient,
« Ah, moi, c'est le sport, d'autres,
la thérapie, ça change tout. »
Et là, chose surprenante,
il y a beaucoup de personnes
qui m'ont dit que la microdose
ou le microdosage avait
changé leur vie complètement.
Ça, je ne l'avais pas vu venir.
Non, c'est vrai. Quand
on parle de microdosage,
qu'est-ce qu'on veut dire
par là ? C'est quoi le terme ?
On parle en fait d'une petite dose de
drogue qui est vraiment minime,
10 à 20 fois plus petite que celle qu'on
prendrait normalement pour avoir un buzz.
On parle surtout des substances
hallucinogènes,
les psychédéliques,
comme le LSD ou les champignons
magiques souvent.
Donc, ça donnerait, semblerait-il,
des effets semblables
à ceux des antidépresseurs.
Sans nous empêcher de fonctionner au
quotidien,
sans qu'on soit buzzé.
J'avoue que moi non plus, ça
n'aurait pas été mon premier réflexe
de me tourner vers la drogue
pour régler mes enjeux de santé
mentale.
Peux-tu me dire, c'est quoi les
bénéfices, les effets
du microdosage quand on commence à en prendre ?
Oui, c'est ça. En fait, ceux qui
m'en ont parlé
ont surtout soulevé le fait
qu'avec le microdosage,
il se sentait plus ouvert,
plus créatif, plus heureux
globalement.
Donc, voilà. Puis, il y a
suffisamment
de personnes qui m'ont parlé de ça
pour que
je me pose la question, mais voyons,
comment ça, j'en ai pas entendu
parler.
Avant ce moment-ci, pourquoi tu
penses que ça ne s'est pas rendu à toi ?
Mon hypothèse, c'est qu'à la base,
je ne suis pas une personne qui
consomme vraiment de drogue.
Un peu de cannabis ici et là, mais
vraiment pas beaucoup.
Je suis un peu chicken, donc je n'ai pas
trop exploré cette veine-là dans ma vie.
Puis aussi, je ne suis pas quelqu'un
qui remet beaucoup en question le
discours officiel en
matière de soins de santé.
Je suis plutôt classique dans mon
approche,
mais c'est sûr qu'au fil de ces
conversations-là,
à force de parler de microdose,
je me suis rendu compte que c'est
vraiment différent
pour chaque personne.
Oui.
Et dans les conversations,
c'est là que ça devient intéressant,
c'est qu'il y a quelqu'un, un
personnage,
qui est revenu vraiment souvent dans
ces conversations-là.
On me disait, il y a un dealer,
que quelqu'un que je connais, connaît,
qui s'intéresse à la microdose, puis je
pense que tu devrais lui parler.
Qu'est ce qui était aussi spécial
par rapport à ce dealer-là
pour que tout le monde t'en parle
constamment. C'est ça, ce qu'on disait
c'est qu'il se spécialise
dans la microdose et les psychédéliques,
qui a développé toute une vision...
Une vision vraiment unique de son travail.
Et qui a bâti une entreprise, réellement.
Puis que, il y a tellement de
personne qui m'en ont parlé que c'était
devenu clair. Fallait que je lui parles.
Mais comment on fait pour contacter
un dealer comme ça
pour lui dire « Heille veux-tu
venir à mon micro discuter de
ta profession, de ta philosophie. »
En plus, ta pas l'air
d'avoir un contact
direct avec lui, donc
ça pas dû être simple.
Non, pas tout à fait simple, on ne peut
pas vraiment le contacter sur LinkedIn.
Il y a quelques étapes
à franchir.
Avec Xavier, le réalisateur de l'épisode et moi,
on s'est mis sur le dossier.
Ça a pris un peu de temps, mais on a
réussi à
obtenir son contact sur Signal.
On lui a envoyé un petit message.
Ça, c'est comme une application
de messages encryptés.
Exactement, exactement, exactement.
Donc, on a réussi à
lui envoyer un message, à le
retrouver-là.
Mais bon, les semaines passaient,
on n'avait pas de réponse.
C'était long, c'était compliqué.
On était sur le point de, bon, on va
abandonner le projet.
On va se tourner vers autre chose.
Puis finalement, alors qu'on avait
perdu espoir,
un petit salut est arrivé, puis il
est entré en contact avec nous.
Puis est-ce qu'il a accepté de vous
accorder une entrevue ?
Bien, là, pas tout
de suite, comme ça.
Oh mon Dieu, si seulement ça pouvait
être simple.
Il faut comprendre que ce n'est pas
des tartes aux pommes qu'il vend.
C'est illégal ce qu'il fait.
Donc, il a fallu prendre des
précautions pour protéger son identité.
Donc, pour qu'il accepte de nous parler
premièrement, puis d'être enregistré
deuxièmement,
on a dû s'engager à changer son nom.
OK.
Puis aussi, on a modifié quelques
détails de son histoire
et de ses opérations pour le rendre moins
facilement identifiable.
OK.
Donc, c'est ça.
Mais une fois que tout a été mis sur
la table
et qu'on s'est entendu sur les
contraintes,
il s'est livré à nous avec
beaucoup de transparence et beaucoup
de générosité.
OK. J'ai hâte de l'entendre parce
que ce n'est pas
une décision qu'on prend à la légère
comme ça
de parler, pas nécessairement à
visage découvert,
mais de parler de son expérience de vie.
Comment ça s'est passé,
cette première rencontre ?
Ah, bien, c'était quand même
intéressant.
On avait déterminé de
se rencontrer, de faire l'entrevue
chez moi
dans un contexte intime. Quand il
est arrivé, l'homme que
je retrouve devant moi, c'est
un homme fin cinquantaine, vêtu d'un
long manteau noir.
Je dirais un homme avec beaucoup de
charisme, mais un homme nerveux.
Un homme... paranoïaque un peu...
Un peu de paranoïa...
Nécessaire, j'imagine,
quand tu es un dealer
puis un peu survolté.
Ça fait deux jours
qu'il n'a pas dormi.
Il parle vite, il bouge vite.
Il pose beaucoup de questions.
Il est inquiet quand même.
Puis, pas le choix.
Ça tourne dans ma tête. Je me
demande...
Jim. C'est le nom qu'on va lui
donner.
T'es qui, toi ?
Quel titre ou quel nom
je dois me donner ?
Conseiller, on n'a pas le droit au
Québec.
Docteur non plus.
Alors, je pense que...
J'aime pas le mot spécialiste, mais
spécialiste,
ça a l'air qu'on peut utiliser lui.
Mais je l'aime pas comme mot,
personnellement.
Boss non plus, mais ça a l'air
que...
Moi, je préfère me voir comme une
personne
de confiance, que le monde
de la famille des festivals ici au
Québec,
tout le monde me connaît. Je donne
des conseils
aux autres depuis, quoi, au moins
cinq ans.
Et de plus en plus, le monde
confirme.
Puis, si t'avais à définir
ta spécialité ?
Un drogue en microdosage ? Non, j'ai
dit
microdosage de drogue. Au mieux,
je dirais même, maintenant, je
commence à dire
plutôt, mieux contrôler
la consommation des drogues.
Comment mieux les consommer,
plus responsable
et avec plus de sécurité.
Il y a de la sagesse dans ce que Jim
nous raconte. Je trouve ça
surprenant.
On pourrait dire ça, oui. Il faut
dire que
sa vision des choses, c'est raffiné
et a évolué avec le temps.
Ça fait quand même 40 ans qu'il vend
de la drogue-là.
C'est pas rien.
Puis, au fil des années, il a
vraiment beaucoup étudié les drogues,
leur impact sur le corps puis sur le
cerveau.
Puis, il prétend même que, dans une
certaine mesure,
la drogue peut améliorer la vie.
OK, je veux pas être rabat-joie,
mais il me semble qu'on peut pas
ignorer les ravages que fait la drogue,
que ce soit, je sais pas, surdose,
troubles de dépendance.
On peut pas juste dire... il y a
des bénéfices et c'est bien le fun.
Non, absolument,
absolument. Mais c'est là que
son approche se
distingue et qu'elle détonne.
Il se décrit comme un dealer avec
une conscience.
Donc lui, ce qu'il veut faire
en fait, c'est de permettre
aux gens de consommer, oui, mais
de le faire avec un contrôle des produits
qui consomment. Donc, avec des
dosages contrôlés, puis des produits
clairement identifiés. Donc on trouvera
pas de fentanyl dans la drogue qu'il vend.
Puis lui, il a été particulièrement
inspiré dans le développement de sa
démarche par les travaux de James
Fadiman qui est un docteur en
psychologie qui s'intéresse puis qui
est un grand défenseur des
psychédéliques depuis les années
60. Puis lui, c'est un peu le... il est
considéré comme le
père du microdosage.
Donc, il a emprunté beaucoup
de sa philosophie, puis de...
Il s'est beaucoup basé sur ses écrits
pour développer son approche à
lui, puis pour favoriser un meilleur
contrôle au consommateur.
La clientèle qui veut des
microdoses, ça c'est nouveau ?
C'est nouveau parce que c'est
inconnue pour la plupart du monde.
C'est quelque chose qui n'était
même pas disponible avant.
Parce que moi, au début, mon idée,
au début, mon idée avec ça, la
compagnie,
c'était comme mieux consommer les
drogues.
Parce que moi, je voyais mes mondes,
même moi, combien de fois que
j'étais sur le Plaines d'Abraham
à Saint-Jean-Baptiste,
et a ouvrir un sac de
champignons secs,
et les manger. Dégueulasse, mais
on les mange quand même.
Mais on les mange encore.
Et je voyais le monde autour de moi
qui faisait ça.
Même la MDMA, avant, on
achète un gramme de MDMA,
on l'écrase, on lèche le doigt,
on crisse le doigt là-dedans.
On peut pas prendre plus que 150
mg de MDMA dans une période de 24 h.
On sait pas combien de
MDMA qu'on a au fond du doigt.
Combien de fois qu'on a pris une
drop de LSD sur le dance floor !
Tu veux du LSD ? Ouais, on le met dans
la main ou directement dans la bouche.
Combien de microgrammes tu viens de
consommé ? Tu ne sais pas.
Alors moi j'ai vu tout ça et
j'ai dit non, il doit y avoir une
meilleure façon de
consommer les drogues.
Et j'ai voulu trouver ça.
Au début, au début, début,
mon idée avec ma compagnie c'était ça.
Après ça, c'est rendu les
champignons.
Comme les champignons, j'ai trouvé...
OK. On les mélange au chocolat.
Est-ce qu'on peut mettre, on peut
faire ça avec d'autres drogues ?
Et j'ai commencé à mélanger.
Ok, quand tu disais Annie que c'est un
dealer avec une conscience,
c'est que lui, il veut permettre aux
consommateurs d'être un peu plus en
contrôle des quantités, de la
provenance des produits qu'il vend.
Donc, c'est quand même une bonne
affaire.
Oui, c'est tout à fait pertinent.
Puis c'est ça qui fait en sorte que
sa réputation le précède.
Les gens, ils sentent bien qu'ils
peuvent, dans une certaine mesure,
lui faire confiance.
Toi, est-ce que tu lui fais assez
confiance pour expérimenter ?
Parce que, je le rappelle, au départ,
tu voulais savoir si la microdose
pouvait être une option à considérer
pour gérer tes enjeux de santé mentale.
Oui, mais évidemment, c'est ça la
question que j'avais en arrière de la
tête pendant tout notre entretien.
Est-ce que la microdose pourrait
avoir pour moi aussi des effets
positifs comme les
gens à qui j'avais parlé ?
Puis, je me doutais bien que Jim
avait réfléchi à la question.
Je pense qu'on a tous notre relation
avec la dépression.
Moi, je me rappelle, ça venait au
boutte.
J'avais des crises d'anxiété depuis
que j'étais très, très jeune.
J'ai été prescrit Xanax très
longtemps aussi.
Personnellement, ça m'a pris plusieurs
années avant que j'aille voir un docteur
pour demander de l'aide avec ma
dépression.
Comme je me rappelle, la fois que je
suis allé voir mon docteur,
j'ai juste demandé,
« Monsieur, est-ce que vous êtes
capable de me donner quelque chose
qui arrête les vagues ? »
Je veux que ma vie soit une ligne.
Je ne veux pas une vie qui est
pleine de vagues haut et bas.
Et quand je l'ai reçue, comme en
2014, 2015 peut-être,
j'avais reçu du Concerta et du Effexor.
Et j'ai vu les deux avoir des
effets secondaires sur le corps.
Et j'ai voulu trouver une façon de
consommer des champignons en petite dose.
Parce que j'ai appris dans les
papiers,
et ça c'est des papiers
scientifiques, je parle des années 70.
Ce ne sont pas des nouveaux, ce sont
des papiers qui sont sortis il y a 50 ans,
qui disaient « des microdosages, des
micro de 10% d'un gramme de champignons
régulièrement pour
aider la dépression. »
J'ai trouvé une façon de faire une
extraction de champignons,
c'est une recette de 1976 que j'utilise.
Et d'une semaine à l'autre, j'ai
arrêté mes pharmaceutiques,
je ne les ai jamais revus,
je ne les ai jamais repris.
Et c'est quelque chose que je
consomme, je le consomme encore.
C'est souvent comme ça que le
microdosage est présenté, comme une
alternative aux antidépresseurs.
OK. Mais là, toi, dans ton cas, tu
disais tout à l'heure que tu n'avais
pas d'effet secondaire,
puis que ça t'allait. Pourquoi tu as
exploré cette voie-là ?
Bien, premièrement, au sommet des
raisons, c'est la curiosité.
À force de creuser dans ce sujet-là,
j'ai pas eu le choix
de me demander si je passais pas à
côté
de quelque chose qui pourrait
potentiellement
être une alternative
intéressante à explorer. La
curiosité.
Pourquoi je me lève à chaque matin ?
Je me lève à chaque matin parce que
je reçois des commentaires
et je reçois des commentaires
une couple de fois par semaine
du monde qui me texte, qui
m'envoient des messages
qui me remercient.
Mais aussi, quand je reçois ce petit
message, c'est comme un couple de mots
qui disent, « tu ne peux pas imaginer
comment tes produits ont changer la vie.
Je suis capable de
mieux dormir. J'ai dormi
très, très bien hier
soir à cause de toi. »
Des petits détails comme ça,
à chaque fois, c'est pour ça que ça me
fait lever le matin. Ça, je pleure encore.
Quand je les reçois,
ça me fait pleurer encore.
Et ça fait des
années que je fais ça.
Ça me touche encore très,
très profondément quand
je reçois n'importe quel
commentaire.
Mon psychothérapeute
me disait toujours que
j'avais la misère pour accepter
les compliments et ça reste encore
le même cas.
Je reste quand même étonnée
des émotions que ça provoque
quand on trouve une clé pour aller
mieux,
pour apaiser une souffrance.
Ah oui, c'est ce qu'on souhaite aux
gens qui ont
des enjeux de santé psychologique.
C'est ce qu'on souhaite. Oui, mais
là, je reviens à toi,
Annie. Est-ce que ça t'a convaincu
ce discours-là, ces échanges-là,
à plonger, à expérimenter ?
Ben oui, quand même. Oh yes !
Quand même, oui. C'est sûr que
j'étais un peu sceptique,
mais la curiosité et la volonté
de comprendre un peu
mieux ce qui se cache
derrière ce phénomène-là,
ça l'a emporté. Oui, tout à fait.
Bon, c'est sûr que je trouve ça un
peu questionnable
d'aller chercher des conseils de
santé mentale
chez un dealer.
Vu de même, je comprends.
Donc, avant de me lancer,
j'ai pris la peine d'appeler Saïd
Kourish,
qui est professeur en
neuropsychiatrie
à l'UQAM, au département des
sciences biologiques,
et qui est aussi spécialisé en
traitement des dépendances.
Tu as trouvé ton candidat idéal
pour réfléchir à ça.
Ben oui, quand même. Puis, à mon
grand étonnement, il nous a
corroboré la majorité
des informations avancées par
Jim, quand même, oui.
Puis, il a ajouté quelque chose qui
m'a surpris,
c'est qu'il semblerait que 40 à 60%
des gens réagissent pas bien
aux antidépresseurs.
Et donc, la grande question, en
fait, dans notre domaine,
en neuropsychiatrie, c'est qu'est-ce
qu'on fait pour ces gens-là ?
Que va-t-on faire ?
Et c'est là qu'il y a des nouvelles
voies, c'est là qu'on en arrive
justement au psychédélique,
la psilocybie, le LSD, le MDMA, donc
l'ecstasy, etc.
Donc remplacer, je dirais non.
Cependant, pour de la complémentarité, moi
je trouve que c'est une excellente idée.
Et cette solution, on a ces psychédéliques
qui ont sait depuis très longtemps,
depuis les années 50, 60, 70,
qui avaient déjà beaucoup d'effets
prometteurs,
mais ça a été interdit, ça a été
stigmatisé,
et les raisons à cet époque-là,
c'était purement social et politique.
Vous savez, c'est les années 60,
c'est les années 70,
il y a le contre-courant culturel,
il y a le mouvement hippi, etc.
Et beaucoup de
leaders mondiaux pensaient, surtout
aux États-Unis,
que la société était sur le point de
se désagréger.
C'est vrai que les images qu'on a
des années 60-70 ont laissé
des traces assez fortes dans
l'imaginaire collectif.
Je pense à Richard Nixon
qui parle de la drogue comme
l'ennemi public
numéro un en 71, au début
de la guerre contre la drogue,
la War on Drugs.
Là, ce que je comprends, c'est qu'il
faut peut-être changer de perspective
par rapport aux psychédéliques.
Oui, tout à fait. Puis aussi, la
perspective est en train de changer
sur les psychédéliques.
C'est un sujet
d'intérêt de plus en plus présent
en recherche.
Ce que Saïd Kourish nous dit par
rapport
à l'exploration
en laboratoire avec
certaines drogues,
c'est que lorsque les
effets sont des effets
sur le bien-être,
bien, c'est des effets
qui sont subjectifs.
Donc, il faut prendre en compte
l'effet placebo, puis ça fait en
sorte que c'est
quand même difficile à prouver
tout ça. Ça pose un défi.
Ceci dit, ce défi-là, il est présent
aussi quand on
teste les molécules
des antidépresseurs.
On rencontre le même type de défi.
Pour ce qui est de la microdose,
c'est sûr qu'on peut être inquiet
de ces substances-là,
mais la littérature scientifique
nous dit qu'étant donné que les
quantités sont vraiment
infimes, il n'y a pas d'effet
négatif
qui ont été démontrés jusqu'à
maintenant.
On se rend compte que la communauté
de consommateurs,
de microdoseurs, sont en fait des
microdoseuses.
Ce sont les mamans, parce que voilà,
entre le travail, entre les enfants,
le stress qui est associé avec,
le piano, le sport, etc., etc.,
c'est un stress énorme qui est
vraiment émotionnellement difficile.
Et beaucoup de mamans, justement,
commencent à troquer le verre de vin
en fin de journée pour une microdose
de psilocybine ou autre chose.
Et la raison, c'est parce qu'il y a
aussi cette image de nos jours
que l'alcool est très nocif.
Ça, ce n'est pas une image, c'est la
vérité. Et donc, il y a des
gens qui se disent, si maman se
dit, au moins la psilocybine
c'est plus naturel. Donc ce que je
veux dire c'est que on s'en rend
même pas compte, mais il suffit
d'aller à un bac à sable,
je suis persuadé que certaines mamans
sont sous psilocybine.
En bref, la littérature
scientifique elle dit que
« aucun effet secondaire sévère n'a
été observé, aucune overdose n'a été
observée, que la plupart des
effets en fait en microdosage,
les gens sont habituellement
extrêmement satisfaits,
90% d'entre eux par
exemple, voit là une
élévation de l'humeur,
60% disent que leur anxiété a
diminué, mais que tous ces
pourcentages sont à prendre avec
des pincettes parce que voilà il y a
l'effet potentiel placebo. Donc moi
ma philosophie, ça a toujours été
très simple même ce que la façon
dont je conseille un peu les gens
autour de moi, ça existe, c'est là
les gens ils en prennent, il serait
temps de mettre cartes sur table
d'expliquer les risques et surtout,
surtout promouvoir la
recherche sans stigmatisation
parce que c'est vers là qu'on s'en va.
Honnêtement, en entendant ça je tombe un
peu en bas de ma chaise. Oui, j'en connais
des mères de jeunes enfants qui
expérimentent avec le microdosage,
mais je ne pensais
pas que c'était répertorié,
documenté
comme ça. Oui, c'est quand même
épatant. Mais là, je veux revenir à
toi.
Annie, est-ce que cet échange-là
avec
Saïd t'a un peu rassurée ? Oui,
absolument.
Absolument.
Assez pour que je me lance.
Visiblement, les risques étaient
assez minces
pour que je me sente confortable de
tenter l'expérience.
Donc, maintenant, ça fait un peu
plus de deux semaines
que je prends des
microdoses de psilocybine,
l'ingrédient psychoactif du
champignon.
OK.
Donc, je prends 100 mg par jour
pendant trois jours consécutifs.
Puis après, une petite pause de deux
jours
parce que ce n'est pas recommandé
de prendre des champignons à tous
les jours.
En continu, là.
Oui, c'est ça.
Exactement, il faut prendre des
pauses.
Puis, je tiens mon petit journal,
je note les effets, puis j'observe
dans le fond ce que ça fait sur ma
santé mentale,
mon niveau d'énergie, ma créativité,
tout ça. J'aurais aimé ça que tu
l'apportes en studio
pour qu'on voit ton petit journal,
mais je veux savoir...
T'aurais été déçue parce que
c'est plate.
C'est pas à la hauteur de tes
attentes.
C'est pas spectaculaire, disons,
comme effet.
Donc, bon, mon niveau de bonheur
est resté le même.
Ma créativité aussi.
J'ai peut-être, je dis bien
peut-être,
observé une petite amélioration au
niveau de ma concentration.
Mais c'est une impression assez
diffuse
pour que je puisse douter.
Donc, est-ce que c'est...
C'est pas une preuve tangible.
Ben non, c'est pas un changement
assez clair
pour que je puisse dire, oh my God,
ça a tout changé.
Ça revient à l'aspect subjectif dont
nous parlait Saïd.
Malgré ça, malgré que ce ne soit pas
extravagant dans ton petit cahier,
est-ce que tu considères quand même
intégrer le microdosage dans ta vie,
je ne sais pas, garder
ça à plus long terme ?
Je ne sais pas trop pour l'instant.
Je n'y vois pas ni avantage ni
inconvénient.
Je suis encore en train de
départager tout ça.
Mais ceci dit, même avec les
antidépresseurs, j'avais ce même
sentiment-là, ce doute qui planait.
Est-ce que c'est l'effet placebo ou
c'est la molécule qui fait sa job ?
Donc, je ne sais pas trop.
Pour l'instant, je pense que je vais
poursuivre le microdosage
pour quelques semaines,
question de me faire une tête de
façon plus claire,
puis on verra pour la suite.
Tu l'a dis, l'expérimentation que tu
fais en ce moment,
c'est avec la psilocybine,
mais ça, ce n'est toujours pas légal
au moment où on se parle.
En effet, la psilocybine micro, macro
dose peu importe toujours illégal.
Tu es une vraie hors la loi Annie.
Oui ça me donne un petit... un petit air !
Oui. Par contre là, tout porte
à croire que c'est une question
de temps. Certains disent
que ça serait potentiellement
la prochaine drogue à être légalisée.
C'est quoi les indices
qui te porte à croire...
Ben l'accès, la tolérance. Les
champignons sont partout.
Micro, macro dose, c'est
super facile d'en trouver.
Pas besoin d'aller chercher
bien loin. Il y a des dispensaires
qui ouvrent, qui ferment.
Oui, c'est vrai. Il y en a à
Montréal, il y en a à Ottawa.
On les voit émerger, disparaître.
C'est ça. Donc, les autorités sont
assez tolérantes. Donc, on va les
accepter pendant un petit bout,
puis on va les démanteler par la suite.
Mais aussi, un autre élément à
prendre en compte,
c'est qu'au niveau de la santé, il y a
de plus en plus de projets de recherche
assez prometteurs pour des projets
de recherche sur les thérapies assistées
par la psilocybine,
pour les patients atteints de cancer
notamment.
Donc, ça nous donne des petits
indices que ça bouge.
Oui, dans le fond, c'est comme notre
perception du cannabis qui évolue au
fil du temps jusqu'à sa légalisation.
Exactement. Les parallèles sont
assez évidents.
Puis, le Canada pourrait aussi être
un pionnier dans la légalisation
des champignons, comme il l'a été
dans la légalisation du cannabis.
On n'est pas rendu là, mais il y a des
signes qui laissent croire que ça avance.
Ah oui, ça avance, ça avance tout à
fait.
Puis, en ce qui concerne la
microdose de la psilocybine,
les conclusions scientifiques ne
sont peut-être pas claires et nettes.
Par contre, la multiplication des
témoignages,
tellement de gens qui témoignent en
bénéficier,
que ça les aide et tout ça.
Je pense qu'il y en a suffisamment
pour qu'on puisse ne pas écarter
d'emblée cette option-là.
Oui, tu le disais tantôt, c'est de
savoir qu'il y a de l'espoir,
qu'il y a, je ne sais pas, une
solution qui est accessible
parce que si les antidépresseurs, ça
ne marche pas,
si on n'a pas accès à de la
thérapie,
on frappe un mur assez rapidement.
Donc ça, ça peut être une piste de
solution.
Absolument. Ça, c'est le constat
majeur qui me reste
au bout de tout ça.
On est une maudite grosse gang à pédaler
en dessous de l'eau comme des petits
canards.
Puis il n'y en a pas des tonnes d'options.
Donc, le retour
des psychédéliques dans
la mire des chercheurs, c'est quand
même
une bonne nouvelle, porteuse
d'espoir.
C'est une piste qui mérite sans
doute d'être explorée.
Est-ce que tu dirais que ton
point de vue a évolué au fil de cette
démarche-là par
rapport au microdosage ?
Bien oui, je dirais que ça a été une
leçon d'humilité.
Au départ, bien honnêtement,
je ne suis pas fière de ça, j'avais...
j'avais quelques préjugés.
Ah oui ?
Bien oui, j'avais en tête que les
microdoses, c'était comme une excuse
pour les gens, les utilisateurs
réguliers de drogue, une façon de
justifier une consommation quotidienne.
C'était un point de vue très, très,
très mal informé.
C'est là que tu me l'apprends, en
fin d'épisode.
Oui, je te dévoile tous mes billets,
conscient et inconscient.
Mais c'est sûr, c'est ça. C'était
très mal informé.
Puis aussi, ça manquait un peu de
sensibilité par rapport à celles et ceux
pour qui les chemins traditionnels
fonctionnent pas, puis qui veulent
juste, au final, trouver
une façon d'aller mieux.
J'ai tellement appris de choses
dans ta quête, Annie.
Merci infiniment de t'être
prêté au jeu, d'être allée jusqu'à
essayer le microdosage,
puis je te souhaite
de trouver des pistes
de solutions pour
aller mieux, sincèrement. Bien, merci.
On se le souhaite à tous. Merci beaucoup.
L'heure de grande écoute est une
série de Transistor Média
produite en collaboration avec
Télé-Québec.
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de votre choix.
La réalisation de cet épisode est
signée Xavier Kronstrom Richard.
Enregistrement, montage et
mixage audio, Simon Coovi-Sirois.
Musique originale, Alexis Elina et
Simon Coovi-Sirois.
Caméra et montage vidéo, Patrick
Lozinski.
Productrice au contenu, Audrey
Blackburn.
Coordonnatrice, Clara
Gauthier-Morrison.
Communication, Louis-Philippe Roy.
Visuel, Bureau 60A.
Indicatif musical, P'tit Béliveau.
À la recherche : Maude Petel-Légaré
et Emmanuelle Gauvreau
Merci à Steven Boivin, Clara Lagacé et
Sophie Labelle-Bastien de Transistor Média.
Et au Ministère de la Culture et des
Communications du Québec qui a rendu
ce projet possible.
Je m’appelle Julien Morissette,
merci d’avoir été à l’écoute.